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« Je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». Les liens entre l’Agence France Trésor (AFT), gestionnaire de la dette et les banques sont très étroits. D’un côté, l’Etat a besoin d’argent pour se financer. Mais pas à n’importe quel prix.  L’AFT a alors besoin des SVT (spécialistes en valeur du Trésor). Ce club très fermé, qui compte aujourd'hui 20 membres, est un réseau d’établissements bancaires partenaires (Crédit Agricole, BNP, Société Générale, Goldman Sachs, etc) chargé de vendre et d'acheter de la dette française.

De l’autre, ces banques ont besoin du « label SVT ». Un gage de reconnaissance. De prestige. Et de vitrine sur les marchés. « En étant SVT, on a des relations privilégiées avec d’autres institutions, d’autres administrations. Cela nous donne plus de visibilité sur les marchés », explique Raoul Salomon, SVT chez Barclays. En clair, c’est un accès privilégié et direct à l’Etat.

Mais ce « donnant-donnant » est un bras de fer constant. Personne ne veut perdre la main dans ce jeu. « L’Etat doit gérer une tension entre l’intérêt de l’Etat pour un réseau performant et concurrentiel des banques dédiées et l’intérêt propre de ces banques à l’adhésion de ce club », analyse Benjamin Lemoine, chercheur à l’Ecole des Mines sur la gestion de la dette.

Une concurrence exarcerbée

Du coup, le système de vente de l’AFT est volontairement très concurrentiel. Elle propose un lot de dettes aux SVT. Ces derniers misent dessus, sans connaître les enchères des autres grossistes. Les SVT ont alors tendance à offrir des prix très élevés, car elles veulent absolument remporter la "loterie". Une enchère coûteuse. Et souvent à perte. « Ce métier ne rapporte presque rien », précise Raoul Salomon, SVT chez Barclays.

Ces vingt banques se livrent une compétition acharnée. Car leur activité est scrutée de près par l’AFT et soumise à une charte détaillée. Tous les ans, la direction du ministère des Finances publie un classement, sous forme de bons points attribués aux meilleurs élèves. Une notation basée sur deux critères principaux: « le premier est quantitatif : présence aux enchères, volume de dettes achetées, diversité des produits. Le second est qualitatif : innovation vis-à-vis du Trésor, participation des banques aux réunions », explique un SVT. 

Des positions risquées

Dans cette période de crise, cette dépendance n’a pas toujours servi les intérêts français. Certes le trésor a continué à emprunter à des taux historiquement bas:  2,44% en moyenne au quatrième trimestre 2011, selon le bulletin de l'AFT. Le « made in France » de la dette constitue en effet toujours une valeur refuge dans la zone euro. Les tensions sont pourtant palpables. « Au mois de novembre, on avait du mal à trouver des acheteurs. C’était délicat. L’écart des taux avec l’Allemagne sur les émissions de dette a inquiété les marchés », précise Régis Barre, SVT à la Commerzbank. Face à l'éclaircissement des rangs des acheteurs, ces derniers mois, quelques SVT ont parié à la baisse sur la dette française. « Certains SVT ont même proposé des ristournes avant d’aller aux enchères », déplore M. Salomon.

D’autres ont « shorté » la dette. Une pratique courante. Ce mécanisme consiste à posséder un titre sans l’avoir acheté. « Je vais devoir livrer un bon à un acheteur. C’est mon métier. Mais j’emprunte seulement la valeur de ce bon. Si mes anticipations sont justes, je débloque le short, je récupère la valeur de mon titre, et j’en achète un moins cher. », raconte M. Barre.  Sauf que cela revient une nouvelle fois à parier à la baisse sur les titres français. Plusieurs banques souhaiteraient aujourd'hui modifier le mode d’enchère. Un moyen de prendre moins de risque. Tout en conservant des avantages significatifs.

Benjamin Edgard À paris

 

 

Surtout, la déclaration des 26 cache de nombreuses divergences sur ce que ses signataires peuvent faire ensemble. L'exemple du pacte Euro Plus, conclu en mars 2011 entre les chefs de gouvernement  de la zone euro et six autres aspirant à la rejoindre est édifiant. L'idée était de renforcer la convergence dans des domaines non monétaires, dont la fiscalité ou l'emploi, en s'entendant sur une procédure plus souple que la coopération renforcée prévue par le traité de Lisbonne. Raimundas Karoblis, représentant permanent de la Lituanie auprès de l'Union européenne, ne cache pas que l'adhésion à ce pacte a permis à son pays de donner l'image d'un bon élève, indispensable pour qui souhaite entrer dans l'euro. Mais le fiscal lui pose problème comme à beaucoup d'autres. «C'est pour cette raison que la Hongrie n'a pas encore adhéré au pacte», confirme Márton Hajdú, de la Représentation permanente de la Hongrie auprès de l’Union européenne. Un diplomate européen renchérit : «Les non-euros vivent avec la crainte d'une Europe à deux vitesses. Alors, pour éviter la déchirure, certains sont montés à bord. Sans être forcément d'accord sur certains points. On n'a pas voulu opposer les 17 aux 27 et on se retrouve avec cet ovni juridique, le troisième bloc à 23.» Au sein même d'un groupe à l'apparence solide, la mise en place de mesures concrètes s'annonce donc incertaine.

Anna Benjamin / Victor Patenôtre À Londres
Magali Fichter / Fanny Bleichner À Bruxelles

 

 

La manipulation des cours par la diffusion de fausses informations est un délit, réprimé en France par l'Autorité des marchés financiers (AMF). «Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers (Arrêté du 2 avril 2009) « ... », y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses».

Selon une source interne, l'AMF dispose d'une équipe de 20 personnes dédiée à traquer les délinquants. Elles s'appliquent, au sein du service de la surveillance des marchés, à détecter les mouvements de marché suspects, dus notamment aux rumeurs qui se répandent à travers internet. Ils sont par ailleurs attentifs aux réseaux sociaux et aux forums de discussions.
Mais la vitesse de la propagation des rumeurs, de même que la difficile localisation de leur origine rendent très aléatoire la réussite de ce travail de Sisyphe.

Clothilde Hazard

 

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Le monde de la finance a son langage bien à lui. Difficilement compréhensible pour le néophyte qui s'aventure sur ces terres.
( CUEJ / Eléa François )

Joseph Ackermann, directeur de la DeutschBank, conseille la chancelière allemande Angela Merkel sur les questions financières. ©WEF

 

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