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Dégommer des adversaires virtuels, jouer en ligne : l’esport a la cote. Des passionnés créent des lieux spécialisés pour les amateurs de ce genre sportif numérique.

"Et voilà je suis mort !" Casques sur les oreilles et yeux rivés sur les écrans d’ordinateur, huit joueurs tentent d’être l’unique survivant de cette partie de jeu vidéo : Fortnite. Ils enchaînent les clics, les uns à côté des autres sur l’estrade de la nouvelle Alsace Esport Arena, 8 rue Lafayette, plaine des Bouchers à Strasbourg. Derrière eux, Quentin Naegelen, propriétaire de ce club privé, s’assure que les connexions fonctionnent avant l’ouverture. Prévue le 20 mars, elle a été reportée à la fin du confinement provoqué par l’épidémie de coronavirus.

Ancien champion du monde esportif, Quentin Naegelen baigne dans le jeu vidéo compétitif depuis son enfance. Il a 10 ans lorsqu’il découvre le jeu de tir Counter-Strike. C’est la révélation. "C’était la rencontre entre la compétition et le jeu vidéo. Il fallait travailler son jeu, ses réflexes et sa stratégie pour remporter une game", se souvient-il. Trois ans plus tard, il participe à sa première LAN (Local Area Network). Ces événements rassemblent des joueurs pour s’affronter en ligne. Pendant cinq ans il rejoint plusieurs équipes sans avoir l’opportunité de briller. Track Mania lui apporte la notoriété.

[ Plein écran ]

1,3 million de Français jouent régulièrement aux compétitions en ligne selon Médiamétrie et France Esport © Claire Birague

Il remporte le championnat du monde par équipe en tant qu’entraîneur de l’équipe internationale Begrip en 2008.

Avec l’Alsace Esport Arena, Quentin Naegelen propose aux équipes semi-pro de louer une salle d’entrainements : le Boot Camp, unique en son genre à Strasbourg. Six PC, une télévision écran plat et un tableau blanc leur permettront d’analyser leurs jeux pour s’améliorer. "J’avais envie de créer un club pour leur proposer les mêmes infrastructures qu’une équipe pro mais temporairement et selon leur besoin", explique-t-il. Cette salle pourra être louée et le reste de l’Arena sera accessible aux particuliers avec un tarif à l’heure ou un abonnement au mois.

De nouveaux lieux de jeu

À 31 ans, Quentin Naegelen n’est pas le premier à vouloir investir dans l’esport au sein de l’Eurométrople. Jordan Christmann, alias "FalkoPlay" et président de l’Esport Club Strasbourg, s’est lancé en 2018. Le club n’a pas de local mais les joueurs se rassemblent lors de tournois sous le même maillot. Samir Sebai, champion d’Alsace du jeu FIFA 20, est membre de l’Esport Club qui compte une cinquantaine de licenciés. Grâce à cette structure associative, il bénéficie de l’aide d’un coach et d’un planning d’entrainement. "On se sent mieux aidé et encouragé avec une équipe derrière soi", explique-t-il. Il va, lui aussi, se lancer dans le privé avec la création de l’Esport Gaming Arena qui doit s’installer au centre-ville de Strasbourg avant la fin de l’année. Cette dernière sera destinée aux joueurs pour le loisir. Il ne se voit pas comme un concurrent de Quentin Naegelen. "On travaillera ensemble en organisant des événements, son arène contre la mienne", assure Samir Sebai.

En 2019, 7,3 millions de personnes ont regardé de l’esport sur différentes plateformes ou lors d’un événement selon Médiamétrie et France Esport. Les événements esportifs se multiplient sur le territoire français, dont une vingtaine durant le premier semestre 2020. Strasbourg n’échappe pas à cet engouement et s’impose avec le festival Start to Play installé depuis 2016. À l’initiative de l’association Ludus Event, il est le premier festival dédié aux jeux vidéos et à l’esport dans la capitale alsacienne. Ce rendez-vous annuel a rassemblé environ 4 000 visiteurs en 2019. "Il manquait quand même quelque chose pour créer une dynamique à l’année autour de l’esport, déclare Mathieu Bernhardt, responsable de Ludus Event. C’est pourquoi on a collaboré avec l’Esport Club Strasbourg pour créer un circuit esport sur plusieurs dates, le Strasbourg Esport Tour."

Structurer la filière

À un autre échelon, au Meltdown Bar, dans la Petite France, des tournois Smash Bros sont organisés une fois par semaine. À l’ouverture de l’établissement en 2015, des compétitions se tenaient tous les jours. Pour redonner un élan esportif à son bar, le gérant, Marco Duba, se tourne vers les associations étudiantes. Il veut mettre en place des tournois avec le pôle gaming de la faculté de médecine ou avec le bureau des élèves de l’Ecole de management de Strasbourg. "Et pourquoi pas créer une ligue étudiante pour les facultés et écoles à Strasbourg à la rentrée", imagine Marco Duba.

Les acteurs du jeu vidéo ont pour projet de se constituer en association afin de se faire entendre auprès de l’Eurométropole et avoir accès à des subventions. Ils peuvent compter sur le relais de Jonathan Bodin, chargé de mission industries créatives. "L’esport permet de faire briller le territoire et d’attirer les compétiteurs pour monter des événements importants. On a une position géographique intéressante pour faire des compétitions européennes", estime ce dernier. L’esport pourrait ainsi devenir un vecteur de rayonnement numérique pour la cité.

Claire Birague

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