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Ils étaient 622 en 2004, ils sont plus de 1000 aujourd’hui. En quelques années, le nombre d’enfants placés a fortement augmenté. A tel point que le conseil général a prévu dans son budget complémentaire d’octobre 2012 de financer la création d’une centaine de places supplémentaires. Si le lien avec l’augmentation de la pauvreté n’est pas direct, les acteurs de la protection de l’enfance s’entendent pour constater que la crise économique et les difficultés qu’elle engendre sont un facteur aggravant de la situation des enfants.


Situations familiales dégradées
Perte d’emploi, faibles salaires, pouvoir d’achat en baisse, beaucoup de foyers s’en sortent de moins en moins bien. « La situation économique dégrade très fortement l’environnement des familles. Elles sont isolées et renfermées sur leurs difficultés », remarque Jean-Christophe Noël, directeur du service territorial éducatif de milieu ouvert (Stemo). Ce service de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) d’Epinal mène des enquêtes de terrain pour permettre au juge des enfants de prendre une décision en matière de protection de l’enfance et de mesures éducatives.
Francine Girod, vice-présidente du tribunal pour enfants d’Epinal, partage ce constat : « Comme un amplificateur, les problèmes économiques tirent les familles vers le bas. Les plus fragiles le deviennent davantage. Il y a vingt ans, ces familles accédaient à des emplois peu qualifiés. Aujourd’hui, les plus pauvres n’y ont pas accès. Ils vont moins bien et peuvent être de moins bons parents. »
L’activité des services du Stemo s’étend, en même temps que croît la précarité dans le département. « Notre intervention a toujours été importante dans les zones d’Epinal et de Saint Dié. Maintenant, nos équipes se déplacent de manière diffuse et éclatée dans les secteurs ruraux, raconte le directeur du Stemo. Le tissu économique et social est dégradé. La toxicomanie y est une problématique assez aiguë. Les gens essaient de combler le vide face au manque d’emploi », ajoute-t-il.


De nouvelles familles concernées
Le placement est le dernier recours quand aucune autre solution ne peut être trouvée. Au quotidien, assistantes sociales et éducateurs interviennent auprès des familles avec leur accord ou suite à une décision du juge des enfants. L’aide éducative à domicile consiste en des mesures d’accompagnement aux familles en difficulté à cause de problèmes d’absentéisme scolaire, d’autorité parentale défaillante ou de conflits intrafamiliaux. « La précarité n’est pas synonyme de danger pour l’enfant. Quand il a de l’attention et que ses parents lui expliquent ce qui se passe, il peut le comprendre », rappelle Virginie Rivot, éducatrice au foyer de l’enfance de Golbey. « Les enfants passent en premier, les parents se privent », ajoute  Mariam Colin, également éducatrice.
Pourtant la situation devient parfois intenable. Un désarroi vécu aujourd’hui par une nouvelle partie de la population. Les travailleurs sociaux voient ainsi un nouveau public franchir la porte de leur bureau. « De plus en plus de familles viennent s’adresser aux services sociaux. Les demandes d’aide augmentent parmi la classe moyenne. C’est une partie de la population qui n’en demandait pas avant. Comme les ex-salariés licenciés quand ils ont épuisé leurs droits », explique Gérard Balland.  
Une impression confirmée par Mariam Colin : « On peut faire le lien avec la crise. On rencontre des familles qu’on ne connaissait pas. Elles ne savent pas où aller, ne maîtrisent pas le système des aides sociales. En plus, elles ont honte », note l’éducatrice.
Le basculement dans la précarité est un risque de plus en plus important pour ces familles sur le fil du rasoir. Le moindre accident dans les finances du foyer peut compromettre sa stabilité.        
Aude Malaret

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