Propos recueillis par Lisa Delagneau
Édité par Max Donzé et Julie Lescarmontier
En master de droit, Noah attend l’ascenseur d’une bibliothèque, il se souvient de ce soir du Nouvel An. Il venait d’avoir 18 ans. À l’heure des derniers tramways, « on courrait derrière le tram, à la Laiterie, au sud de Strasbourg, pour ne pas le rater. J’étais avec quatre ou cinq copains. Des policiers nous ont alors contrôlés, parce qu’on courait. » Juste à côté, son ami, qui lui, est blanc, l’écoute ahuri. Ce genre d’histoires, ce n’est pas du tout sa réalité. Même si Noah dit se sentir « plutôt » en sécurité à Strasbourg, il fait toujours attention. Comme tous les jeunes de son âge, il connaît quelqu’un qui a déjà été contrôlé, plus ou moins violemment. Il y a trois jours, il est allé chercher un ami qui aurait passé « trois heures en garde-à-vue après un contrôle d’identité, à la frontière de Kehl. Il n’avait que son permis de conduire, les flics n’en voulaient pas. Ils l’ont saisi, il s’est débattu. Quand il a voulu récupérer ses papiers, ils l’ont plaqué au sol, un genou sur la tempe. Ils lui ont carrément arraché une de ses tresses. »
Matthieu, 21 ans : “Je pense qu’ils avaient des quotas”
Marco, 20 ans : “J’étais pris dans le tas”
Jean, 19 ans et Enes, 20 ans : « D’un coup ils se plantent devant nous, sans raison. »
Noah, 22 ans : “Un contrôle parce qu’on courait”
Clara Grouzis
Édité par Pauline Beignon
Selon les chiffres, le coût sanitaire atteignait 83 millions d’euros pour les Français en 2019 (baisse de la qualité de vie, soins physiques, arrêts de travail…). Plus qu’un véritable problème de santé publique, la punaise de lit est un désastre pour la santé mentale, avec des troubles du sommeil, de l’anxiété, liés à la désinfection et un isolement social.
Déshabillés sur le palier
Éva*, 26 ans, s’est battue pendant deux ans contre ces nuisibles. « J’ai vécu cette situation toute seule », confie l’ancienne étudiante en sciences sociales, alors logée dans une résidence universitaire à l’époque. « Je devenais complètement parano. Je ne faisais que regarder sous mon matelas, je passais mon temps à me gratter, fouiller dans mes vêtements à la recherche de punaises… » Julia, elle, révèle un impact sur sa vie sociale. « Nos amis nous demandaient de nous déshabiller sur le palier avant qu’on entre chez eux », explique la jeune femme encore choquée des propos. « Il y avait clairement un dégoût à notre égard. »
« J’en ai pris plein la tête en étant catégorisé comme une personne sale qui ne lave pas son appartement », avoue Léo*, résidant en appartement dans la banlieue de Strasbourg. « Deux de mes amies m’en ont énormément voulu lorsqu'elles se sont levées avec des piqûres sur leur corps », explique-t-il. Pour beaucoup encore, les punaises de lit sont synonyme de saleté. Selon le rapport de l’Anses, les infestations ne sont pas liées à un manque d’hygiène des foyers touchés. De même, tous les milieux socio-économiques peuvent être touchés.
Mettre le prix pour s’en débarrasser durablement
La précarité peut tout de même être un facteur qui ralentit l’élimination de ces nuisibles. Se débarrasser de ces insectes a un coût important, qui se situe en moyenne autour de 866 euros par foyer. Dans son rapport, l’Anses recommande une prise en charge financière pour les ménages à faibles revenus et souligne également que la peur d’une stigmatisation persiste et empêche certaines personnes de se faire aider. Pour éviter ce phénomène, elle propose de mettre en place un « mécanisme de déclaration obligatoire ».
Éva, par manque de moyens financiers, s’est beaucoup renseignée sur internet pour les éradiquer durablement. « La société contactée par ma résidence s’est déplacée seulement deux fois puis plus rien », déclare-t-elle. Sur internet, elle multiplie les techniques pour éradiquer les insectes : laver son linge à plus de 60 degrés, passer l’aspirateur, placer ses draps dans le congélateur… « Tout ce que je pouvais mettre à l’intérieur, je le mettais pour les faire disparaître », appuie la jeune femme qui souffre aujourd’hui de stress post-traumatique.
*le nom des personnes a été modifié
Azilis Briend
Édité par Adélie Aubaret