Le permis unique de travail et de séjour gagne en souplesse
Le Parlement a adopté des règles renforcées sur le permis unique de séjour et de travail. Ce titre garantit un ensemble de droits communs et une procédure administrative unique aux personnes de pays tiers souhaitant séjourner et travailler dans l’Union européenne (UE).
L’une des principales nouveautés est la réduction du délai maximum de réponse à une demande de permis. De 120 jours, il passe à 90, voire 45 si la demande est faite dans le cadre d’un partenariat mis en place par l’UE avec un pays tiers pour attirer des talents, ou si le demandeur est déjà détenteur d’un permis unique dans un autre État membre. Plus de souplesse, aussi : en période de chômage, les titulaires du permis bénéfieront désormais de trois mois (ou six, s’ils sont détenteurs du permis depuis plus de deux ans) pour trouver un nouvel emploi sans risquer l’expulsion. La période pourra être étendue sur décision des États, ou dans certains cas comme des conditions de travail “particulièrement abusives”.
« Tout le monde sera gagnant », affirme l’eurodéputé Javier Moreno Sánchez (S&D, sociaux-démocrates). Selon lui, « il sera plus facile pour les travailleurs des pays tiers de se rendre régulièrement en Europe et pour nos entreprises de trouver la main d’œuvre dont elles ont besoin. » La refonte, qui a reçu un large soutien dans l'hémicycle à l’exception des groupes ECR (conservateurs) et ID (extrême droite), doit désormais être approuvée par les États membres. En cas d’accord, ceux-ci auront encore deux ans après l’entrée en vigueur de la directive pour la transposer dans leurs lois nationales.
Marie Starecki
Une marge de manoeuvre pour les États
La directive est toutefois encore loin d’être mise en application. Il revient désormais aux États membres de prendre position sur la version du Parlement. Quoi qu’il en soit, ils auront toujours la possibilité de refuser la circulation de certains types de véhicules sur leur territoire. Le ministre des transports, Patrice Vergriete, a d’ailleurs confirmé l’opposition de la France aux méga-camions et son engagement en faveur du fret ferroviaire.
Une position que regrette le secteur français du transport routier à l’image de la FNTR (Fédération Nationale des Transports Routiers). « On se prive sans doute d’un atout non négligeable par rapport à nos voisins européens », regrette sa déléguée permanente à Bruxelles, Isabelle Maître, qui aimerait que le gouvernement fasse preuve de pragmatisme en autorisant des tests au cas par cas. « Les politiques ont peur que cela fasse de la concurrence au fret ferroviaire alors que notre objectif c’est d’être complémentaire », estime-t-elle.
Gustave Pinard et Ismérie Vergne
Des pays récalcitrants
Dépassant les groupes politiques, les oppositions au texte témoignent aussi de sensibilités nationales différentes. Les eurodéputés français ont rejeté le texte en masse (69 contre, seule Irène Tolleret de Renew a voté pour) tandis que leurs homologues allemands et italiens se sont divisés. La géographie explique en grande partie ces positions nationales. Si les pays en périphérie, comme la Suède, l’Espagne ou la Roumanie sont favorables, ceux de transit, comme la France ou l’Allemagne sont plutôt contre. Ils seront les plus exposés à l’usure et aux obligations de réaménagements. Les ronds-points, tunnels, chaussées, devront être entretenus plus régulièrement. Un coût important pour les collectivités. En Italie, l’effondrement du pont de Gênes qui a fait 43 morts en 2018 est encore dans les esprits. Les opposants aux méga-camions mettent aussi en avant leur dangerosité. Les géants des routes ont une distance de freinage plus importante en raison de leur poids et sont, par leur taille, plus difficiles à doubler et à manœuvrer.
Les écologistes montent au créneau
Si les eurodéputés ont adopté les nouvelles règles à une assez large majorité (330 pour, 207 contre), à la gauche de l’hémicycle, ceux des groupes Les Verts et The Left (gauche) s’y sont fermement opposés. À leurs yeux, la révision serait « contreproductive » car la hausse du poids maximal profiterait surtout aux camions diesel jusqu’à leur interdiction en 2035. « On ouvre la porte à de plus gros pollueurs sur nos routes. Qui peut sérieusement imaginer que des camions de 60 tonnes nous permettront de réduire les émissions de CO2 des poids lourds de 90 % d’ici 2050 [comme le prévoit le Pacte vert européen] ? », a réagi à l’issue du vote l'eurodéputée française Karima Delli (Les Verts, écologistes), présidente de la commission Transports. Son amendement visant à interdire les camions diesel de plus de 40 tonnes a été rejeté. « On se demande de quel côté du cerveau de la commission on est. Celui qui défend le marché intérieur ou le Pacte vert ? », s’interroge faussement son homologue français Pascal Durand (S&D). En abaissant le coût du transport et donc celui du prix de vente des marchandises, les ambitions écologiques seraient sacrifiées au nom de la compétitivité.
Deux championnes du monde de football pour célébrer les droits des femmes
Ce mardi, le Parlement européen recevait les espagnoles Alba Redondo et Ivana Andrés pour célébrer la journée internationale des droits des femmes. En invitant ces championnes du monde de football (2023), les eurodéputés ont voulu promouvoir la place des femmes dans le sport à quatre mois des Jeux Olympiques.
Pour Ivana Andrés, « le sport émeut, transforme et éduque ». La défenseuse centrale rappelle l’importance de cette activité pour faire changer les mentalités sur les inégalités de genre. « Nous vous avons vues, bouleversant les stéréotypes, atteindre vos buts et en mettre un certain nombre aussi », a salué Roberta Metsola, la présidente du Parlement Européen. Même si cette dernière ne l’a pas mentionné, Alba Redondo et Ivana Andrés incarnent également la libération de la parole des femmes contre les agressions sexuelles.
« Vous avez dit "ça suffit" à des agressions », a remercié, émue, leur compatriote Iratxe Garcia Pérez (S&D, sociaux-démocrates). « Le silence, c’est fini. »
Un transport routier plus vert
L’objectif de la nouvelle réglementation est de verdir le transport de marchandises pour répondre aux objectifs du Pacte vert européen qui vise la neutralité carbone du continent en 2050. « Nous devons rendre le transport routier durable », défend Isabel García Muñoz (S&D). Selon elle, relever de quatre tonnes le poids maximal des camions favoriserait le développement de l'électrique en permettant d’amortir le poids des batteries, plus lourdes que celles des véhicules thermiques. Limiter les émissions du transport routier est l'une des priorités pour atteindre les objectifs environnementaux européens. En 2020, 77 % des marchandises ont été acheminées par la route contre 16,8 % par les rails selon Eurostat. « Le réseau ferroviaire européen est surchargé et, sans expansion ou amélioration significative, il ne peut absorber le volume actuel du transport routier », justifie l’eurodéputé suédois Peter Lundgren (CRE, conservateurs).
Des colosses de 60 tonnes, longs de 25m, pourront-ils rouler prochainement à travers l’Europe ? Les eurodéputés ont décidé que oui en approuvant mardi 12 mars la circulation des méga-camions. Ces camions à rallonge, plus longs et plus lourds, sont composés d’un conteneur auquel s’ajoute une, voire deux remorques.
La nouvelle directive prévoit d’harmoniser les règles au niveau européen en relevant le poids maximal des camions ordinaires en libre-circulation à 44 tonnes. Elle prévoit également de systématiser la circulation des poids lourds géants pouvant aller jusqu’à 60 tonnes entre États voisins consentants. « Si un pays autorise la circulation de méga-camions, il ne pourra pas leur refuser l’entrée sur son territoire », explique l’eurodéputée espagnole Isabel García Muñoz (S&D, sociaux-démocrates).
Le Parlement européen a adopté une révision législative favorable aux méga-camions. Un vote marqué par l’opposition des eurodéputés français pour qui ces géants des routes sont une menace sécuritaire et environnementale.
« On doit s’assurer que les consommateurs n’ont pas besoin d’avoir un diplôme en chimie pour savoir ce qu’il se cache derrière les étiquettes », souligne l’eurodéputée suédoise Emma Wiesner (Renew, libéraux). Le Parlement souhaite rendre plus intelligibles les mentions et labels, en particulier ceux relatifs à la neutralité carbone. En effet, des entreprises, sous prétexte de revendre leurs émissions de carbone non utilisées, qualifient abusivement leurs produits comme « neutre ». Sauf que souvent, les conditions effectives de production sont néfastes pour la planète. « Il faut limiter le plus possible le nombre de mensonges », précise l’eurodéputé estonien Andrus Ansip (Renew, libéraux).
Désormais, tous les professionnels qui souhaitent recourir à des labels verts devront se soumettre à un système de certification plus strict. « On n’oblige pas les entreprises à faire des allégations écolo mais si elles le font, elles doivent prouver qu’elles sont vraies », insiste l’eurodéputé nééerlandais Mohammed Chahim (S&D, sociaux-démocrates). Les entreprises devront déposer une demande auprès d’organes de certification à chaque nouvelle allégation écologique.
Une attention particulière sur la neutralité carbone
Des vérificateurs, choisis indépendamment par les États membres, enquêteront sur sa véracité dans un délai de 30 jours. Pour plus de fiabilité, la mention verte que souhaite apposer l’entreprise devra être justifiée par des données récentes et reconnues scientifiquement. Les impacts, négatifs comme positifs, sur l'environnement du produit seront également pris en compte. L’UE souhaite également s’attaquer à la prétendue neutralité en carbone, considérée comme trop ambiguë. Les entreprises pourront signaler qu’elles ont recours à des systèmes d’élimination de leurs émissions carbones uniquement si celles-ci sont utilisées de manière résiduelle. Les allégations vertes fondées uniquement sur la compensation carbone seront, elles, désormais interdites. Au terme de ces processus de vérification, les entreprises qui ne respecteront pas les règles s'exposeront à des amendes pouvant aller jusqu’à 4 % de leur chiffre d'affaires, ainsi qu’à l’exclusion des marchés publics et à la retenue des revenus générés par les produits concernés. « Notre message, ce ne sont pas les sanctions mais c'est d'encourager nos entreprises à être plus écologiques », minore l’eurodéputé Andrus Ansip (Renew).
Des sanctions trop importantes ?
Le texte a été adopté à 467 voix pour et seulement 65 voix contre. La majorité des eurodéputés se sont accordés sur la nécessité de mesures punitives. Ils les voulaient dissuasives et étaient en accord avec le texte proposé. Seul ceux siégeant à l'extrême droite de l’hémicycle s’y sont majoritairement opposés. Les groupes politiques ID et ECR considèrent ces mesures comme trop sévères. « Ces réglementations donnent davantage d’obligations aux PME que de solutions », critique l’eurodéputée italienne Annalisa Taradino (ID, extrême droite). Si le Parlement s’est positionné pour la lutte contre les allégations environnementales, il faudra encore attendre pour y voir plus clair dans les rayons européens. Les eurodéputés ont souhaité se positionner rapidement avant les prochaines élections européennes. Néanmoins, ces nouvelles règles ne s’appliqueront qu’après une étude approfondie par les États membres.
Louise Pointin et Paul Ripert