Il se remémore avec amertume une grève qu’il avait initiée en tant qu’élu CFDT pour négocier les cadences et les salaires. Les menaces de la direction de ne pas verser les primes de Noël avaient mis un terme à la mobilisation au bout d’une journée. Il raconte aussi les industries qui "ont fermé les unes après les autres", l’apparition du chômage de masse et la disparition de commerces à la Canardière. Il cite le bar Tout pour la gueule, situé avenue de Normandie : "Je ne sais pas pourquoi ce désert, tout ce vide." Malgré ces fermetures, Saïd Kaneb continue à voir les avantages de la vie à la Meinau, "agréable à vivre, malgré ce que l’on raconte, il y a des parcs, le lac Baggersee…"
Cet ancien militant du Parti socialiste travaille chez Baco pendant 35 ans ; il termine sa carrière en 2003, à l’âge de 60 ans, avec "la retraite de Mitterrand". Après des années à militer au sein du parti à la rose, on lui propose une place éligible sur la liste de Catherine Trautmann pour les élections municipales de 1989. Mais sa place fait débat : "Quand j’ai posé ma candidature, le nom de Saïd Kaneb faisait peur." Le PS s’inquiète de perdre des voix en mettant un nom maghrébin sur sa liste et le rétrograde en position non-éligible. Mais il négocie, déterminé à "ne pas faire l’Arabe de service" car "je suis français". On le remonte finalement dans la liste et il reste élu au conseil municipal jusqu’en 1995, période au cours de laquelle il dit avoir "lancé l’idée" de construire la Grande mosquée de Strasbourg, inaugurée en 2011.
Aujourd’hui retiré de toute activité syndicale et politique, il suit quand même le réaménagement urbain porté par la municipalité depuis 2006. L’abattage de 70 platanes sur l’avenue de Normandie en 2018 l’a ému : "Je me suis battu pour les garder." Malgré cela, Saïd Kaneb ne se voit pas vivre ailleurs, d’autant plus que sa seconde femme Nadia rencontrée en Algérie, l'a rejoint en 2020.
Faciles d’accès, peu chers voire gratuits, dans le quartier de la Meinau, les cours de boxe ont su convaincre les jeunes de la Canardière.
"Crochet, crochet, uppercut !" Dans le gymnase du Centre socioculturel (CSC) de la Meinau, ce mardi soir, ils sont une cinquantaine de jeunes de 6 à 20 ans à avoir enfilé protège-tibias et gants de boxe. Après quelques séries de talons-fesses et de pas chassés, des petits groupes de travail se forment. Les 18 "grands" se placent au fond de la salle, pendant que l’entraîneur leur explique les gestes techniques. "Ça me permet de me défouler", sourit Rihad, 20 ans. Le jeune homme travaille dans l'événementiel. Il joue aussi au foot de temps en temps, mais la boxe a sa préférence depuis trois ans.
À ses côtés, Emir, 20 ans, reprend son souffle. La boxe est l’une des seules activités qui lui plaisent à la Canardière. Pour lui, les jeunes du quartier n’ont "pas grand-chose à faire", sa génération est délaissée. Préparateur de commandes, il se sent souvent désœuvré après le travail. Alors il rentre chez lui ou se rend à Hautepierre. "Là-bas, il y a plus de [stades], plus de gymnases ouverts le soir."
Plus de femmes sur le ring
Pour Alexandre Besse, directeur du CSC depuis cinq ans, une partie des jeunes s’auto-exclut : "Ce n’est pas facile de trouver la façon de rentrer en contact, de les intéresser. " Il observe une contradiction de la part des jeunes, entre demande d’activités et refus d’un cadre et de l’autorité. Sur cette question, Rudi Wagner, ancien éducateur spécialisé, le rejoint : "Ils sont dans une démarche de révolte et de mise à distance. Mais au lieu de les vilipender, il faudrait travailler avec ces jeunes", en s’appuyant sur leurs centres d’intérêt.
Alors, comment savoir si l’hydrogène est l’énergie du futur ? Pour Christian Bestien, "le 100 % hydrogène, c’est irréaliste". Il imagine davantage un mix énergétique plus ou moins vert où se mêlent nucléaire, GNC, énergies renouvelables…
Diviser par deux la consommation énergétique
Mais l’industrie des biocarburants exploite une ressource également utilisée par l’agriculture. "Il va falloir qu’on fasse attention. On ne peut pas consommer toute cette biomasse", prévient Claire Courson, chimiste et enseignante-chercheuse à l’université de Strasbourg. D’autant plus que l’acheminement des résidus de bois, inégalement disponibles selon les régions, repose sur des véhicules qui ne sont pas neutres en carbone.
Le géomètre de 45 ans se réjouit d’avoir intégré le groupe : “Ça fait 15 ans que je suis dans le quartier et, à part les parents d’élèves de la classe de ma fille, c’est vraiment ici que j’ai commencé à rencontrer du monde. Le parc à chiens a multiplié par dix mes connaissances à la Meinau.” Alban Klein, qui est auto-entrepreneur, renchérit : “C’est une belle vitrine sociale. Il y a de l’ambiance et beaucoup de bienveillance.” En 2021, après la longue période de confinement, Dora Kecelioglu a créé un groupe Whatsapp pour organiser ces sorties. Aujourd’hui, le fil réunit une trentaine de propriétaires de chiens. “Quand quelqu’un est absent depuis longtemps, on s’inquiète, donc on demande sur la discussion”, complète Justine Bru, emmitouflée dans son imperméable rose.
De l’autre côté de la rue du Général-Offenstein, le Rhin Tortu continue de s’écouler, entraînant poules d’eau et ragondins. Anne Muller, une quadragénaire de Neudorf, marche d’un pas rapide. Le maximum qu’elle s’autorise avec sa grippe du jour. Elle court chaque semaine sur les rives bordées de chênes, d’érables et de châtaigniers : c’est bien mieux que de transpirer sur le bitume. “L’été, je peux y aller après le travail vers 21 h. L’hiver, j’y vais plus tôt parce que je cours seule.” C’est aussi le cas d'Auriane Schmitt, une auto-entrepreneuse de 34 ans, qui parcourt les 6 km aller-retour jusqu’au Baggersee. En chemin, au niveau du parc Schulmeister, trois jeunes sont affalés sur un banc. Rap français en fond sonore, ils discutent les yeux tournés vers l’aire de jeux déserte.
Au marché, le tirage au sort fait la loi
Avec ses 90 places fixes attribuées à des commerçants titulaires, le marché de la Meinau est le quatrième plus grand des 37 marchés hebdomadaires que compte l’Eurométropole de Strasbourg. Seuls les marchés de Hautepierre, du boulevard de la Marne et de Neudorf le dépassent avec 130 emplacements fixes.
Mais tous les commerçants fixes ne se présentent pas chaque jeudi matin. Les places vides sont alors réattribuées pour la matinée par tirage au sort. Les receveurs-placiers constituent trois listes aux numéros de plus en plus grands : la première recense les commerçants occasionnels proposant une offre alimentaire, sur la deuxième figurent les commerçants non-alimentaires inscrits auprès de l’Eurométropole pour l’ensemble de la période hivernale, la dernière répertorie les autres commerçants passagers non-alimentaires. Une fois le tirage au sort effectué depuis un téléphone, les candidats se font connaître devant chaque emplacement vacant. Le numéro le plus bas l’emporte, conduisant certains à repartir bredouille.
Le bruit répété de la foreuse au stade de la Meinau n’empêche pas les boulistes d’occuper le parc de l’Extenwoerthfeld depuis plus d’une heure. “On se donne rendez-vous, été comme hiver, à 14 h pétantes”, affirme Nicole. À deux pas du Rhin Tortu, Krimmeri en alsacien, les retraités des quartiers de la Meinau et de Neudorf jouent hors club, entre passionnés. Bien équipés, ils récupèrent leurs boules à l’aide de ramasseurs magnétiques. Ils se placent au centre d’un cerceau jaune, pointent tour à tour sous le regard attentif de leurs adversaires et se taquinent à mesure que la boule se rapproche du cochonnet. Deux cents mètres plus loin, les aires de jeux, elles, sont tristement vides. En ce mois de novembre, aucun enfant n’a eu le cœur à glisser le long des toboggans ou à se balancer sur les jeux à ressort.
Aux alentours de 18 h, un autre groupe prend possession du parc à peine éclairé et entame sa balade quotidienne. Une dizaine de personnes, en baskets et parka, se saluent et détachent leur animal. Les chiens se défoulent, s'ébrouent, reviennent vers leur maître avant de courir chercher leur jouet. Les colliers bleus, jaunes et orange s’éclairent dans la pénombre. Pipo, un braque français de 5 ans, renifle les chaussures de son propriétaire Jean-Claude Drzewinski. “Vu mon âge, c’est lui qui me promène. Il faut me faire sortir du canapé”, sourit le retraité de 78 ans qui habite le quartier Villas depuis les années 1970.
“Ça a multiplié par dix mes connaissances à la Meinau”
C’est Alban Klein, le petit nouveau de la bande avec son retriever de la Nouvelle-Écosse de 5 mois nommé Kaaris, qui lance le mouvement : “On va faire un petit tour vers chez toi, Jean-Claude !” Les promeneurs empruntent le chemin boueux qui longe le Rhin Tortu, en direction de la rue du Général-Offenstein. Le sol jonché de feuilles mortes se dévoile à la lumière des lampes frontales. Dans la nuit, l’eau ressemble à une nappe de pétrole. Difficile d’imaginer “la thalasso de la Meinau” dont parle Jean-Claude. L’été, tous les chiens se rafraîchissent dans ce bras de la rive droite de l'Ill. Rudy, le golden retriever, est le seul à plonger en janvier par -5 °C. “Quand il revient de la balade, il a des stalactites partout sur le torse”, s’amuse son maître Sébastien Gillet.