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Avant de venir, il n'avait aucune attente particulière envers la France et s'intéressait beaucoup plus aux Etats-Unis : « malheureusement je ne parle pas bien anglais et l'école française n'a pas demandé un très bon niveau de langue pour les étudiants en doctorat de notre spécialité ». Dès son arrivée, à la fin de l'année 2011, il a pourtant été séduit par des différences avec la Chine : le développement du pays, le fait que les produits alimentaires soient de bonne qualité ainsi que par la qualité de l'air. Par contre, il voit aussi très vite les inconvénients : « La vie est trop calme et trop routinière ici, moins dynamique et les possibilités d'avenir sont étroites », continue commente Zhu Wenwu.

Durant l'été 2013, il a fondé une société à responsabilité limitée d'import-export avec la Chine qu'il gère tout seul pendant son temps libre. Cette opportunité lui apporte l'expérience de l'entreprise, car il voudrait se consacrer à l'économie pour sa carrière professionnelle. Ses autres loisirs sont consacrés à des voyages en Europe. Il aime aussi jouer au badminton avec ses amis une fois par semaine.

Zhu Wenwu avoue finalement : « Pour moi, personnellement, je préfère rentrer en Chine. Je pense que la Chine est meilleure que la France. Le marché de la France est trop petit. En plus, les gens ne parlent pas chinois. En tout cas, mes racines sont en Chine. »

 

 

On ne peut pas parler des étudiants chinois sans mentionner Monsieur Dong Jiaqi, l’un des Chinois les plus connus à Strasbourg. Dans son livre, intitulé « Pensées du pays natal sous le Ginko Biloba », inspiré de l’arbre mythique du jardin de la citadelle, il raconte sa vie et celle des chinois expatriés en Alsace.

Sa propre existence l'a conduit à travailler dans la pharmacopée. Son arrivée à Strasbourg a eu lieu le 14 juillet, 1989. Il s'y est marié à une soprano de Guangdong. En 2001, il a créé l'association des Chinois d’Alsace, et depuis son arrivée, il est actif dans l’église protestante chinoise de Strasbourg. Ces différentes fonctions lui ont permis de rencontrer des chinois de tous les milieux. Il en sait long sur l’histoire de chacun, notamment sur celles des étudiants chinois de Strasbourg. 

Q1 : Pourriez-vous nous présenter un peu l'histoire des étudiants chinois de Strasbourg ?

A partir des années 1980, au début de la politique de la réforme et de l'ouverture de la Chine après les dix ans de la révolutions culturelle (1966-1976), les premiers étudiants venus comme Rao Bopeng et Gu Xiaonan, sont envoyés par le gouvernement chinois pour faire des études en doctorat. Cette sélection a eu lieu tous les ans jusqu'à l'année 1995. Quand je suis venu à Strasbourg en 1989, il n'y avait que 80 ou 90 étudiants chinois ici. Ensuite, à partir de 1999, des étudiants financés par leurs parents sont arrivés avec l'aide d'agences intermédiaires. A ce moment-là, le niveau d'étude s'est diversifié : il y a à présent des lycéens, des étudiants en licence, en master et en doctorat. La qualité des étudiants a baissé évidemment.

Q2 : Pourquoi la qualité des étudiants a baissé ?

Aujourd'hui, le niveau de la vie a augmenté en Chine, étudier à l'étranger n'est plus autant difficile. Plus d'étudiants viennent en France, dont une partie n'a pas réussi le gaokao (examen d'entrée à l'Université chinoise).

Q3 : Pourriez-vous nous donner un exemple concret ?

Je me rappelle en 1999, 54 étudiants sont arrivés à Strasbourg. Une agence intermédiaire leur a raconté que ce serait facile de gagner de l'argent en France. Finalement, la majorité de ces personnes sont rentrées en Chine sans diplôme, ni compétence linguistique.

Q4 : Cette situation dure combien de temps ?

La situation a changé ensuite, peut-être les gens se sont rendus compte qu'il vaut mieux que les étudiants sortent du pays durant la phase universitaire. Du coup depuis 2003, la qualité des étudiants remonte.

Q5 : Que pensez vous des anciens étudiants en doctorat?

Les anciens docteurs n'avaient pas besoin de travailler durant leur temps libre, ils avaient le soutien économique du gouvernement chinois. Leurs buts étaient très claires : obtenir le diplôme, bien finir les études, rendre service à l'Etat chinois dans l'avenir. Les étudiants à l'époque formaient une élite.

Q6 : Et les nouveaux étudiants, qu'en pensez-vous ?

Par rapport aux anciens étudiants, les nouveaux ne sont pas aussi studieux, ceux qui n'ont pas assez de moyens, il leur faut travailler en dehors des études pour gagner leurs vies. Cela influence leurs études et, des fois, ils sont obligés de redoubler une ou deux années et même plus.

Mais par contre, c'est toujours une bonne chose de sortir de la Chine et d'ouvrir les yeux. C'est de toute façon une expérience impressionnante pour les jeunes. Il y a aussi beaucoup de bons étudiants, et vu que le nombre total augmente, le nombre de bons étudiants augmentent également. Je suis pour l'augmentation du nombre d'étudiants. En fait la proportion des étudiants chinois reste encore inférieure à celle des pays occidentaux. Je pense que cela favorisera le développement économique et culturel de la Chine, et aussi la communication et la coopération franco-chinoise.

Q7 : Est-ce que vous avez des conseils pour les étudiants chinois qui veulent étudier en France dans l'avenir?

Si tu as décidé d'étudier à l'étranger, précise ton but et ta motivation. Tu viens pour étudier mais pas pour t'amuser. Des étudiants ont gaspillé l'argent de leurs parents et sont rentrés de temps en temps en Chine, ça sert à quoi ? Donc je pense qu'il faut donner la priorité aux études, mais il faut aussi connaître la France, communiquer avec les Français, et c'est comme ça que tu prépares bien ton avenir.

 

 

Imprimeur bien connu de la communauté chinoise, Wang Yong, originaire de la province du Zhejiang, a fait un master en « art visuel » à l'Université de Strasbourg il y a 10 ans. Avec sa femme qui y a étudié l'architecture, ils sont installés dans la capitale européenne depuis 2003. Aujourd’hui, avec leur fille de 7 ans et leur fils de 2 ans, la famille de Wang est installée à demeure en Alsace. « Ma vie est à Strasbourg, j'ai ma vie sociale ici, ma femme et mes enfants, mon travail aussi. Je ne peux plus revenir en Chine », raconte Wang Yong devant le bureau de son entreprise.

Depuis 2000, des étudiants financés par leurs parents sont arrivés en France. Après leurs études à Strasbourg, et plutôt que de repartir en Chine, certains font le choix de débuter leur carrière professionnelle en France. Ils se mettent à leur compte, ou bien travailler pour de grandes firmes chinoises. Après 25 ans de croissance économique à deux chiffres, les entreprises de Shenzhen, Shanghai ou de Beijing s'attaquent désormais aux marchés étrangers. Elles ont besoin de salariés qui maitrisent la langue et la culture de leurs clients.

 

 

La pékinoise Yin Xiaofei (44 ans), est arrivée à Toulouse en 1998 pour suivre un master de marketing. Deux ans après, une fois son diplôme obtenu, elle a souhaité venir à l'Université de Strasbourg afin d'améliorer son niveau de français. En 2003, une société photovoltaïque chinoise originaire de Shenzhen (au sud de la Chine, dans la province du Guangdong) cherchait une responsable en France. Par l’intermédiaire d’une connaissance, Yin a été choisie comme chargée d'affaires de la filiale française de la société. Elle en est devenue la présidente.

Venu de la province du Zhejiang où il a étudié dans l'Université de Zhejiang, une des meilleures universités chinoises. Gu Xiaonan est envoyé en France en 1985 par le gouvernement pour faire son doctorat d’architecture à l’INSA de Lyon, puis de Strasbourg. Après son arrivée, il a tout d’abord été surpris par le faible nombre de pauvres en France et le décalage entre la vision de la propagande et le pays réel qu’il a découvert. Le mode de vie capitaliste ne lui semblait pas aussi néfaste que ce que l’on disait en Chine.

Au début de la réforme et de l'ouverture de la Chine en 1978, après les dix années de la révolution culturelle, le gouvernement chinois a décidé de sélectionner chaque année des étudiants, et de les envoyer à l'étranger pour leurs recherches scientifiques. Depuis les années 1980, des dizaines d'étudiants chinois boursiers ont été envoyés à Strasbourg. Certains ont renoncé à retourner en Chine après les événements de la place Tiananmen, d’autres ont choisi de rester en France parce qu’ils y trouvaient la vie plus agréable.

Venant de Shanghai, issu de l’université Fudan de Shanghai, une grande université réputée en Chine, Rao Bopeng vient en France en 1983 grâce à une bourse du gouvernement français. A la différence de la majorité des étudiants qui passaient leur temps à manifester durant la révolution culturelle, Rao Bopeng préférait étudier en autodidacte pendant que les écoles étaient fermées par les Gardes-rouges. Il n’a jamais cessé de lire durant les dix années du mouvement, même quand il a été envoyé à la campagne. Quand les concours d'entrée à l'université sont rétablis en 1977, plus de 5,7 millions de candidats s'inscrivent au concours dans l'espoir de changer leurs vies. Moins de 300 000 sont acceptés par les universités. Parmi eux, Rao Bopeng.

A Paris en 1983, il commence un doctorat en mathématiques qu'il soutient en 1989. Diplômé, il devient Maître de conférences à l’université de Nancy. Puis en 1994, après un concours exigeant, il devient professeur à l’Université de Strasbourg.

En arrivant en France il y a 32 ans, il découvre avec étonnement la vie occidentale : « Les affiches, les vêtements, le monde artistique, les musées, les habitudes alimentaires, l’ouverture des gens ». Il a été subjugué par les appareils photo et l’équipement du laboratoire, beaucoup plus avancé qu’en Chine. Aujourd’hui, affirme-t-il, « la Chine s’est tellement développée, les étudiants ont changé, ils pensent différemment car les conditions matérielles sont meilleures et dépassent même la France dans certains domaines, particulièrement dans les grandes villes chinoises. Au contraire, la France, déjà développée, n’a pas beaucoup évolué ces trente dernières années ». Intéressé au départ par les développements scientifiques dans son domaine en France, il prévoyait de rassembler des savoirs pour ensuite les transférer en Chine : «Retourner en Chine pour rendre service grâce à mes découvertes était à ce moment ma plus forte motivation. » Après son doctorat, il décide finalement d'intégrer l'Université française.

Les différences culturelles sont grandes, d’après Rao Bopeng. Par exemple, il trouve que les Français respectent beaucoup les règles tandis que les Chinois sont plus souples. Il le remarque que les Français se concertent toujours avant de changer quelque chose. Les relations personnelles sont moins codifiées en France.

Rao Bopeng croise rarement les étudiants chinois sur le campus, car il donne des cours surtout aux masters, tandis que les étudiants chinois sont plutôt en licence. Il a tout de même un avis au sujet de la différence de mentalité entre les étudiants d’aujourd’hui et ceux de son époque : « De mon temps, les étudiants menaient une vie simple, studieuse, sans beaucoup de besoins matériels, tandis que la génération de l’enfant unique forme des étudiants gâtés par leur famille. Mais ils sont également plus « dynamiques », ouverts sur les cultures étrangères».

Le professeur Rao Bopeng conseille aux nouveaux étudiants de se concentrer sur leurs études, sur la langue française, de se spécialiser: « Il n’y a pas de bon ou de mauvais métier mais chacun comporte son élite », affirme-t-il sentencieusement en citant un proverbe chinois.

 

 

Ils sont restés

18 mars 2014

Ils sont restés

Au début de la réforme et de l'ouverture de la Chine en 1978, après les dix années de la révolution culturelle, le gouvernement chinois décide de sélectionner chaque année des étudiants, et de les envoyer à ...

A quelques dizaines de mètres, on rencontre un autre étudiant à l'IRCAD (Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif). Zhu Wenwu, y est doctorant en imagerie médicale.

Envoyé par le gouvernement, le parcours de Zhu Wenwu ressemble à celui des étudiants d'il y a 30 ans. Fruit d'une féroce sélection, il fait partie d'un groupe de 3 étudiants de sa faculté. Le programme de collaboration franco-chinoise auquel il a participé est né en 2007 et promeut les échanges professionnels et dans la recherche avancée. Zhu Wenwu a passé sa jeunesse dans la province du Zhejiang mais il a poursuivi ses études à l’université de Chongqing, au sud-ouest de la Chine. Il est lié avec cette université par un contrat stipulant qu’il doit revenir travailler pendant deux ans en Chine après la fin de son doctorat. Une situation qu'il assume : « C’est normal de rentrer en Chine, c’est l’Etat qui nous a fourni cette opportunité ». Il explique aussi son choix de venir en France : « le monde du travail actuel demande des spécialistes internationaux qui connaissent à la fois les pays occidentaux et la Chine ».

 

 

Shen Meng est interne au nouvel hôpital civil de Strasbourg qui fait partie du programme de coordination sino-français pour la filière de formation médicale. Ce programme tire ses origines de l’Université « L’Aurore » fondée par les Jésuites en 1903 au sein de la concession française de Shanghai. Le programme est relancé après l’ouverture de la Chine en 1978. Depuis 1997, il se compose en France de 20 Centres hospitaliers universitaires (CHU) et 26 universités, dont celle de Strasbourg.

Aujourd’hui, les participants du programme à Strasbourg sont au nombre de dix : quatre jeunes médecins de Shanghai faisant fonction d’internes, cinq étudiants de Chongqing en cinquième année de médecine, ainsi qu’un médecin, thésard en sciences venant de Kunming ayant déjà exercé.

Shen Meng est arrivée en novembre dernier à Strasbourg. Cette année elle fait un an de stage avant de terminer son doctorat d’études médicales à l’université Jiaotong à Shanghai. Elle travaille comme médecin généraliste et a été recrutée après une classe préparatoire parmi les meilleurs étudiants pour obtenir un financement de son stage par le gouvernement français.

L’année dernière, Shen Meng a fait un stage d’un mois en Suisse. Elle est reconnaissante pour son expérience française : « J’ai beaucoup aimé cette opportunité de travail car ici je peux voir des conditions médicales avancées et apprendre beaucoup de choses. Même si la vie est calme et simple, c’est une ville intéressante pour étudier. Et c’est joli en plus ». Après ce stage, Shen Meng va rentrer en Chine pour finir son doctorat mais plus tard, elle souhaiterait travailler aux Etats-Unis : « L’avenir est plus grand là-bas. Il y a beaucoup plus de chinois qu’en Europe. Je n’ai pas l’habitude de la stabilité de la vie européenne ».

Son emploi du temps est chargé. Elle est de garde chaque jour de 7h30 à 20h. Elle vérifie les informations des patients sur l’ordinateur, précise l’ordre des opérations. Avec les autres internes, ils font les visites aux patients dans leurs chambres. Le stage de Shen Meng occupe donc la plupart de ses journées mais son espoir se concentre sur ses cinq semaines de congés qu’elle va consacrer à des voyages dans toute l’Europe. 

 

 

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