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Au musée de l'érotisme, le corps et ses représentations sont partout. L'occasion de voir, sur chaque mur, que l'érotisme et, par extension, la pornographie est aussi vieille que l'humanité.

LEGENDE

C'est un bâtiment à la devanture discrète, coincé entre les sex-shops et les strip-clubs, en plein Pigalle, à deux pas du Moulin rouge. Au musée de l'érotisme, les statuetttes des siècles passés représentants coïts et sexes démesurés, font face à des œuvres plus modernes, toiles en 3D et sex-machines. 

Alain Plumey, co-responsable des lieux, explique : « toutes ces œuvres [près de 1 000 exposées] montrent que l'érotisme est intrinsèque à la nature humaine. Quant à la pornographie, elle n'en est qu'une branche qui n'a cessé de croître au fil des années pour finalement devenir celle qui retient l'attention et sur laquelle tout le monde disserte. Beaucoup s'en inquiète à tort. La pornographie, c'est une catharsis qui permet de "purger" la bestialité des Hommes. C'est le fantasme mis en scène mais qui n'a pas fonction à être reproduit chez soi. »

Olivier Mougeot

Le problème avec les mouvement alternatifs, c'est qu'ils « finissent par être dévorés par la grande industrie », selon le journaliste. Pour preuve, un sondage en 2012 mené par l'Ifop, sur commande du géant de l'industrie du porno qu'est le site dorcel.com. Les chiffres sont éloquents : « Les Françaises souhaitent voir évoluer un genre cinématographique qui souffre encore, à leurs yeux, d’un manque de professionnalisme (79%) et d’une vision de la sexualité reflétant des fantasmes trop masculins (71%) et des pratiques très éloignées de la réalité (79%). » Il n'en faudra pas plus pour que Marc Dorcel lance dans la foulée sa déclinaison féminine, dorcelle.com.

Du côté de la boîte de production, on se félicite d'avoir su « saisir l'opportunité en plein vol », d'après les propres termes du directeur général, Gregory Dorcel. « Il y a encore une dizaine d'années, les femmes ne constituaient que 30% de notre public, aujourd'hui, on dépasse les 50% », assure-t-il. Pour ce qui est des chiffres engrangés par cette activité, silence radio. Et David Courbet de conclure : « C'est le jeu. Même si ce site ne correspond pas aux revendications du porno féminin, ça montre que les choses sont quand même en train d'évoluer et tendent vers une amélioration de l'image de la femme. »

Olivier Mougeot

Politique et récupération commerciale

Initié depuis les années 80 aux États-Unis et apparu il y a une vingtaine d'années en France, ce mouvement de « libération de la femme » est communément appelé "porno féminin". Contrairement à un autre courant féminin totalement abolitionniste à l'égard de la pornographie, il est porté par des figures du X : d'anciennes actrices reconverties aujourd'hui en réalisatrices. La plus connue d'entre-elles est sans nul doute Ovidie dont le dernier film, sobrement intitulé Pulsions, a été diffusé sur Canal + le 5 avril.

La logique de ce genre, c'est encore elle qui l'explique le mieux sur son blog : « Le porno féministe ne se contente pas de vouloir plaire à un public féminin. Il est aussi chargé de revendications, et souhaitent déconstruire les stéréotypes. » Et de qualifier son travail de « politique »« Après tout, les femmes aussi ont droit à leur porno, à voir leurs fantasmes incarnés à l'écran ! »

Autre idée reçue contre laquelle s'insurgent les spécialistes du genre : non, le porno féminin n'est pas forcément doux. « Il va du film romantique au film franchement hard, voire SM. Ce n'est pas le contenu qui change mais la façon de mettre en scène. Les jeux de lumière, la qualité des dialogues, la fin des gros plans sur les pénétrations, l'abandon de l'éjaculation triomphante, la caméra qui continue de filmer après que l'acte sexuel en lui-même soit fini, etc. sont autant d'éléments qui caractérisent le genre », poursuit David Courbet.

 

 

Source : sondage Ifop "Porno : ce que veulent

les femmes" / Crédit : O.M.

Débarqué des États-Unis il y a une vingtaine d'années, le porno féminin veut changer les codes du porno de l'intérieur et redorer l'image de la femme.

Beaucoup de choses sont dites autour du porno. L'objet n'en finit pas de susciter les passions. L'une des nombreuses polémiques qui gravite autour de la "porn-galaxie",voudrait que les films pour adultes soient avant tout une affaire d'hommes. « Un produit fait par des hommes et pour des hommes », commente David Courbet, jeune journaliste à l'AFP qui s'est intéressé à la question dans un livre intitulé Féminisme et pornographie (La Musardine, 2012).

Source : sondage Ifop "Porno : ce que veulent les femmes" / Crédit :O.M.

"Le porno, ses adeptes et leurs complexes...", sondage Ifop sur la consommation des films X sur Internet et son influence sur les pratiques corporelles et sexuelles des Français pour tukif.com sur un échantillon de 1 003 personnes âgée de 18 ans et plus et sélectionnées selon la méthode des quotas. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne.

 

Féminisme : le X pour déconstruire les stéréotypes

20 avril 2004

Féminisme : le X pour déconstruire les stéréotypes

Débarqué des États-Unis il y a une vingtaine d'années, le porno féminin veut changer les codes du porno de l'intérieur et redorer l'image de la femme.

Stephen des Aulnois témoigne de la banalisation de la pornographie dans notre société contemporaine mais conteste l'impact négatif qu'aurait ce genre sur la sexualité des Français, notamment des plus jeunes. Crédit : O.M.

Dans l'imaginaire collectif, le porno est souvient synonyme de violence. Or, le sondage révèle que 47% des Français (52% des hommes) ayant déjà vu un film X disent avoir reproduit des positions vues à leur écran. Vous y croyez ?

« C'est l'exemple parfait du chiffre qui me semble sur-évalué. Une question se pose : les personnes qui disent cela, reproduisent-elles ces positions de manière consciente, délibérée ? Parce que moi, je n'ai pas eu besoin de voir un film porno pour essayer la levrette... Le porno n'a rien inventé !

Ceci étant dit, il y a un autre cliché qu'il faut battre en brèche : non, le porno n'est pas nécessairement violent. Il y a une dimension poétique incontestable. Beaucoup d'amateurs, ou simples consommateurs, regardent des scènes douces, proches d'une sexualité "quotidienne" si je puis dire. La réalité est un formidable levier d'excitation. Pour preuve, l'image de la porn-star aux proportions irréelles se perd. La starlette d'aujourd'hui, c'est la fille qui vit sur ton palier, c'est ta voisine d'immeuble.

A cet égard, l'essor, assez récent d'ailleurs, des "sex-cams" montre bien que le réel excite. Et puis il ne faut pas faire du porno ce qu'il n'est pas : le porno ne cherche pas à être pédagogique, les acteurs et les réalisateurs ne cherchent pas à véhiculer une vision particulière du sexe. Pour eux, c'est un travail comme un autre. Il n'est pas question d'idéologie. »

Propos recueillis par Olivier Mougeot

Le sondage s'intéresse justement aux jeunes. Ainsi, 34% des moins de 25 ans ayant déjà vu un film X auraient développé un complexe sur la taille de leur pénis. Doit-on en déduire que la pornographie peut être dangereuse sur le plan psychique ?

« Il y a une chose qui doit être dite : la pornographie a toujours existé, elle a toujours été là. Le seul changement, encore une fois, c'est qu'elle est plus visible, le streaming l'a popularisée. Moi j'ai 30 ans, ça fait presque 10 ans que je regarde des films X, depuis la création du désormais célèbre Youporn en 2006.

En vérité, c'est la même logique qui est à l’œuvre quand on dit que ce sont les jeux vidéos qui rendent violents. C'est totalement absurde. Donc non, le porno ne rend pas déviant. Il y a des addictions, que ce soit au sexe globalement ou au porno plus spécifiquement, mais comme toutes addictions, elles s'expliquent parce que la personne malade souffre d'une fragilité. Je ne doute pas que des gens "soient malade du porno", ça doit exister. Mais comme il y a des gens qui sont accros au Coca-Cola... Et ils ne sont qu'une extrême minorité. Des experts de la question en parleraient mieux que moi. »

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