Simon Hix est professeur de politique européenne comparée à la London School of Economics and Political Sciences. Il explique ce qu'il faut changer pour que les europartis aient les moyens de discipliner leurs troupes, comme le font les partis nationaux aujourd'hui.
«Il faudrait un changement des règles électorales. Les règles qui gouvernent le système électoral permettent aux partis nationaux de contrôler le fonctionnement des élections européennes. Ce sont eux qui décident de se présenter ou non, des positions qu'ils défendent et des modalités de la campagne. Le pouvoir ultime est celui de choisir un candidat. C'est le plus grand pouvoir qu'un parti puisse avoir. Tant que les partis nationaux contrôlent ces choix, jamais les partis européens ne seront plus puissants qu'eux.
Le seul moyen de changer cela est d'affaiblir le pouvoir de sélection des candidats qu'exercent les partis nationaux. C'est déjà le cas dans certains pays où existe un système de listes ouvertes. Mais en France comme au Royaume-Uni et en Allemagne, les partis prédéterminent la place d'un candidat sur la liste et les électeurs ne peuvent pas la modifier.
L'eurodéputé Andrew Duff et plusieurs autres députés ont proposé de changer le système pour faire en sorte que chaque pays européen ait un système de vote préférentiel, comme en Finlande, au Danemark ou en Irlande.
Cela entraînerait deux conséquences. D'abord, cela encouragerait le candidat aux élections à faire campagne directement devant les électeurs. Un candidat français numéro deux sur la liste socialiste ou UMP n'est pas incité à faire campagne car il sait qu'il va être réélu. Il peut s'asseoir et se tourner les pouces en attendant d'être élu et de retourner au Parlement. En Finlande où les électeurs peuvent voter pour des candidats individuellement, chaque candidat doit se présenter à eux et leur dire : votez pour mon parti et votez pour moi parce que je suis celui qui vous représentera le mieux au Parlement. Lorsque le vote est basé sur des candidatures individuelles, l'électeur connaît mieux ses députés et les députés font davantage campagne. La connexion est meilleure entre les électeurs et le Parlement européen.
Ensuite, le vote préférentiel affaiblirait également le pouvoir des partis nationaux parce que dans un tel système, ils n'ont plus le contrôle absolu de qui est élu. Les hommes politiques avec leur individualité font la différence. Et si le pouvoir des partis nationaux est affaibli, celui des europartis et des groupes au sein du Parlement européen serait automatiquement accru.»
Propos recueillis par Clarisse Briot
L’eurodéputé britannique Andrew Duff (ADLE) propose de dessaisir les partis nationaux de leur monopole absolu du choix des candidats. Principale mesure de son rapport sur la réforme électorale, en cours d’examen par la commission des affaires constitutionnelles : l’élection de 27 députés (un par Etat) choisis sur des listes transnationales, en plus des 751 députés élus sur les listes nationales ou régionales. L’établissement d’une liste paneuropéenne demanderait aux partis nationaux de se concerter dans le cadre des europartis pour désigner les candidats. L’électeur pourrait modifier leur ordre sur la liste.
Pour Andrew Duff, l’objectif de cette réforme est de « créer une conscience politique européenne et développer les partis politiques européens ». Le Parlement souhaite adopter cette mesure avant la fin de la législature, mais elle doit obtenir l’unanimité au Conseil des ministres. Or par le passé, celui-ci a bloqué deux initiatives similaires.
Par ailleurs, la modification du nombre de députés demande une révision du traité de Lisbonne. Le rapport nécessite donc l’approbation du Conseil européen, où siègent les dirigeants des partis nationaux qui ne voient pas forcément d’un bon oeil ce coup de canif dans leurs prérogatives. Une telle réforme électorale risque de prendre du temps. L’objectif des élections de 2014 que se fixe Andrew Duff pour l’entrée en vigueur de sa proposition sera difficile à tenir.
Antoine Husser
Dans cette circonscription, les candidats aux élections européennes se disputeront neuf sièges, un de moins qu’à la précédente législature*. La composition des listes de candidats n’est pas encore finalisée mais ce sont les états-majors qui décideront tout depuis Paris. Dans la cuisine électorale des partis.
A droite, le Front National et l’UMP s’apprêtent à reconduire les têtes de liste sortantes. A gauche Catherine Trautmann se verrait bien mener l’attelage socialiste. Chez les Verts le rassemblement écologiste complique la tâche. Au Modem les eurodéputés sortants se seraient bien passés de l’arrivée impromptue de Jean-François Kahn.
PS : Trautmann espère la tête de liste
« En 2004, j’ai poussé la liste, en 2009 j’espère la tirer. » A six mois des élections européennes, Catherine Trautmann ne cache son ambition d’être tête de liste socialiste dans le Grand Est. En quatrième position derrière Pierre Moscovici, Adeline Hazan et Benoît Hamon, l’ancienne maire de Strasbourg a obtenu de justesse son siège au Parlement européen lors du dernier scrutin. « A cette époque, aucun des trois n’était très connu dans la circonscription, ils ont profité de son aura », rappelle son attaché parlementaire.
Parmi les quatre députés élus en 2004, elle est la seule à se présenter à nouveau. Pierre Moscovici et Adeline Hazan ont lâché leur mandat dès qu’ils ont pu obtenir un mandat national à la hauteur de leurs ambitions. Benoît Hamon cherche à se faire élire en Ile-de-France - il est conseiller municipal de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne.
Malgré cela Mme Trautmann sait que sa place n’est pas acquise : « En 2004, la Lorraine n'avait aucun représentant éligible, donc cette année, elle doit être en position d’être élue. Mais il ne s’agit pas d’une équation mathématique, ce sera décidé au niveau national. »
Rassembler les différents courants du parti, équilibrer la présence des régions en respectant les règles de parité, la synthèse n’est pas facile à obtenir. « Pour certains candidats, un poste éligible sera une récompense », admet Catherine Boursier, remplaçante d’Adeline Hazan au Parlement européen. A charge pour d’autres d’attirer les électeurs.
Au parti socialiste la lutte interne devrait être musclée. En 2004 les socialistes avait récolté quatre sièges d’eurodéputés (28, 41% des voix). « En 2009 si nous obtenons trois sièges, ce sera une victoire inespérée », confie-t-on rue de Solférino. Fragilisé par un Congrès désastreux, le PS s’attend à perdre au moins un siège. Seul les deux premiers de la liste sont assurés d’être élus.
UMP : on prend les mêmes...
Le 24 janvier 2009, Joseph Daul devrait être investi par l’UMP pour conduire la liste du PPE dans l’Est. Président du groupe PPE-DE au Parlement européen, l’eurodéputé alsacien devrait garder son siège. Si aucune personnalité féminine ne se distingue d’ici là, la Vosgienne Véronique Mathieu pourrait garder sa place de numéro deux sur la liste. « Sa candidature a permis en 2004 de respecter la parité et d’assurer un certain équilibre géographique », explique Antoine Ripoll, porte-parole de Joseph Daul. Aux dernières élections, la liste conduite par Joseph Daul a rassemblé 17,62% des voix. Le parti compte conserver ses deux sièges.
Modem : Jean-François Kahn candidat
« Je revendique la tête de liste. Je suis sortante, je n'ai pas démérité, je suis profondément attachée au territoire que je représente. En 2004, j'avais obtenu 12,40% des voix, le deuxième meilleur score de l'UDF aux européennes. »
Le 13 décembre, à Besançon, Nathalie Griesbeck, députée européenne sortante, a annoncé sa candidature à la tête de la liste du Modem dans la circonscription. Une mise au point à l’attention de Jean-François Kahn. Fin octobre, l’ancien journaliste a annoncé qu’il serait candidat aux européennes sur la liste Modem du Grand Est.
Outre Nathalie Griesbeck, le Modem compte un autre député sortant, Jean-Marie Beaupuy, qui a également l’intention de se représenter. « Je ferai en sorte qu'il y ait trois élus, et si ce n’est pas le cas, je leur laisserai ma place », a assuré Jean-François Kahn. Une promesse qui ne rassure pas ses rivaux. Aux dernières élections l’UDF avait obtenu de justesse son deuxième siège. La nouvelle législature ne devrait pas être plus favorable au parti de François Bayrou qui a perdu une frange de son électorat traditionnel au profit du Nouveau Centre. Le comité exécutif investira officiellement les candidats le 8 février 2009 après la consultation des militants sur internet.
FN : Gollnish « souverain »
Pas de surprise au Front National, Bruno Gollnisch a été reconduit à la tête de la liste Grand Est au début du mois de décembre. En 2004, le vice-président du FN y avait déjà mené campagne. Conseiller régional de Rhône-Alpes, basé à Lyon, Bruno Gollnisch ne pouvait pas être tête de liste dans le Sud-Est, la circonscription étant réservée à Jean-Marie Le Pen.
Les noms de Sophie Montel et Bruno Subtil circulent depuis quelques semaines pour les deuxième et troisième places. Mais la direction du parti avoue avoir « peu de chance de placer un deuxième député dans l’Est ». Au scrutin précédent le FN avait rassemblé 12, 17% des voix et obtenu un siège. Si le parti peut compter sur un électorat fidèle dans l’Est, il craint de ne pas avoir surmonté les mauvais résultats de l’élection présidentielle de 2007. La composition de la liste sera validée par une commission nationale composée de dix membres du bureau politique, soit les cadres du parti. « Bruno Gollnisch décidera souverainement de la composition de sa liste », affirme son attachée parlementaire, Catherine Salagnac.
Verts : « Une usine à gaz »
Il n’y aura pas de liste Verte mais un rassemblement Europe Ecologie emmené par Daniel Cohn-Bendit au niveau national. «Europe Ecologie devra donner l’impression aux électeurs que Cohn-Bendit est tête de liste dans chaque circonscription », explique le secrétaire régional des Verts en Alsace, Jacques Fernique.
La fabrication des listes sera plus compliquée qu’en 2004 pour le parti écologiste. Les militants Verts ont jusqu’au 31 décembre pour désigner leurs six candidats préférés, 3 hommes et 3 femmes parmi les 15 candidats déclarés dans le Grand Est. Le reste de la liste sera composé de personnalités issues du monde associatif. La député sortante Marie-Anne Isler-Béguin n’est pas assurée de rester tête de liste. Elle pourrait être supplantée par Sandrine Bélier, issue de l’ONG France Nature Environnement ou par Yannick Jadot, l’ancien responsable des campagnes françaises de Greenpeace.
Dans les rangs du parti Vert ce processus ne fait pas l’unanimité. « C’est un sacré piège car les Verts en déduisent que Cohn-Bendit choisit seul. Il y a déjà des mécontents qui trouvent cela illégitime. C’est une vraie usine à gaz. » Le leader européen tranchera avec la secrétaire nationale Cécile Duflot, et Pascal Durand, un membre du comité de campagne.
Pour conserver un siège, la tête de liste d’Europe écologie devra faire mieux que les Verts en 2004. la liste de Marie-Anne Isler-Béguin avait rassemblé 6,69% des électeurs. La députée sortante avait finalement été élue à la plus forte moyenne après une soirée à suspense.
*Les élections de 2009 se dérouleront selon les règles du Traité de Nice. La France perd donc 6 sièges d’eurodéputés par rapport à le législature précédente, dont un dans la circonscription Grand Est. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne permettrait à la France de récupérer deux sièges supplémentaires, lors d'une élection partielle en 2010 ou 2011. Selon le ministère de l’Intérieur, l’un de ces deux sièges devrait être rendu au Grand Est qui récupérerait ainsi un dixième eurodéputé.
Marion Soullié, Clarisse Briot, Claire-Marie Kostmann, Isabelle Bertinet
La régionalisation des élections européennes de 2004 avait notamment pour but de rapprocher les citoyens de leurs députés. Dans le grand Est, dix parlementaires ont été élus. C’est surtout par leurs mandats locaux que les députés sont connus. Leur statut de parlementaire ne leur donne pas de pouvoir particulier pour défendre les intérêts de leur région.
Dans la permanence parlementaire de l’eurodéputée Catherine Trautmann, 6 rue des Orphelins à Strasbourg, pas de drapeau européen ou de photo du Parlement. Et encore moins de documentation pour informer les éventuels visiteurs du fonctionnement de l’Union.
Catherine Trautmann est présente dans son bureau en moyenne une demie journée par semaine. Elle y reçoit des citoyens dont les demandes n’ont pas forcément de rapport avec ses fonctions d’eurodéputée. « En tant qu'ancien maire de Strasbourg, des particuliers viennent lui demander un soutien pour un logement, des papiers, un emploi », explique Pernelle Richardot, une de ses attachées parlementaires.
Le constat est partagé par les équipes des autres députés. Dans les permanences se succèdent des particuliers, des maires, des syndicats ou des organisations professionnelles aux requêtes très variées: visites du Parlement européen, demandes de stages, d’aides régionales, de subvention, de parrainage. Certains viennent même chercher des conseils pour leur feuille d’impôts. « Je prends les doléances mais j’explique que je ne peux rien faire », admet Agnès Guillaumont, attachée parlementaire de la socialiste Catherine Boursier.
Une eurorégion trop grande, estiment les candidats
Sur les dix députés de la circonscription, seuls sept ont une permanence parlementaire. Joseph Daul, originaire de Pfettisheim près de Strasbourg, se contente de son bureau au Parlement. Benoît Hamon et Bruno Gollnisch ne disposent pas de bureau dans le Grand Est car ils n’habitent pas dans la région. Le nouveau porte-parole du PS réside à Brétigny-sur-Orge dans l’Essonne où il a une permanence en tant que conseiller municipal. En semaine turquoise, dédiée à la circonscription européenne, « il n’est pas particulièrement présent mais il se déplace selon les demandes dans le grand Est », affirme son attachée Marion Carré.
Cinq ans après la réforme du scrutin, la grande région n’a toujours pas trouvé de sens pour beaucoup de députés. Selon le FN, «ce sont des représentants de la France et des Français qui vont au Parlement européen. Les thèmes de sécurité et d'immigration que nous défendons particulièrement sont des problématiques nationales. » Le parti d’extrême-droite assume le parachutage du Lyonnais Bruno Gollnisch dans le Grand Est.
Les Verts se montrent également critiques. « Le système a été mis en place pour casser la dynamique du vote pour les écologistes», assure Jacques Fernique, secrétaire régional des Verts en Alsace. Selon tous les députés, l’eurorégion est trop grande. Ils n’ont pas le temps de se déplacer sur tout le territoire de la circonscription et n’arrivent pas à se faire connaître des habitants.
Cumul des mandats « compatible »
Exerçant différents mandats locaux, les députés arrivent en revanche à se faire connaître dans leur ville ou leur région. Ainsi Pierre Pribetich est vice-président du Grand Dijon, Catherine Boursier occupe la présidence du Pays du Val de Lorraine tandis que Nathalie Griesbeck est conseillère générale de Moselle. « On a intérêt à avoir les mains dans le cambouis et les pieds dans la glaise », assure Jean-Marie Beaupuy, conseiller municipal d’opposition à Reims. Selon Catherine Boursier, « certains mandats locaux sont compatibles avec celui de député européen ». Un avis qui n’est pas partagé par Marie-Anne Isler-Béguin pour qui «c’est un mandat à plein temps ».
Cette implantation locale des députés est aussi un moyen de relayer les préoccupations du terrain au niveau européen. « En Lorraine, le problème des effondrements miniers ne relève pas de la compétence de l’UE, poursuit Marie-Anne Isler-Béguin, installée à Metz. Mais on a pu le lier à la directive cadre sur l’eau et lancer une pétition. Cela peut concerner d’autres pays de l’UE.»
La grande mission des députés reste pédagogique. Il s'agit de parler de l'Europe face à des classes ou lors de forums avec des citoyens. Une activité qui s'est développée selon Catherine Trautmann. « Les fédérations ou les associations pensent davantage à m'associer à des conférences et des débats, y compris sur le plan politique. On est au début du processus de régionalisation. »
En 1988, le parti autonomiste régional, Union du Peuple Alsacien (UPA), s’est rattaché à l’Alliance Libre Européenne (ALE), qui siège à Strasbourg avec le Parti Vert. Son but: gagner un peu plus de poids et de visibilité. Aujourd’hui l’objectif n’a toujours pas été atteint. Selon son président, Daniel Willmé, faire partie de l’ALE ne fait pas gagner des voix. Verbatim.
« Faire partie de l’ALE était pour l’UPA une opportunité de se faire un petit peu plus entendre. On milite pour que l’Alsace dispose d’un statut particulier d’autonomie régionale. La France est un des pays les plus centralisés d’Europe, tout se décide à Paris. On aimerait donc que l’Alsace ait le même statut que la Catalogne, le Tyrol du Sud, ou encore les Länder allemands.
Avec le temps nous avons compris que ce n’était pas l’Europe qui pourrait résoudre tous nos problèmes, c’est à nous d’agir sur le terrain. C’est tout de même bien de faire partie d’une grande structure. L’ALE lutte pour une Europe des peuples et pour la défense et la promotion de la diversité des langues et des cultures régionales au sein de l’Union. Nous soutenons ces idées et sommes heureux de pouvoir être représentés au Parlement Européen. Mais ça se limite à ça.
Vous savez, nous sommes un tout petit parti, nous n’avons pas de permanents, nous avons une centaine d’adhérents, la moitié âgée de plus de 60 ans… Nous ne sommes pas assez crédibles aux yeux de l’Etat pour obtenir ce que l’on veut.
Les autres partis membres de l’ALE, nous ne les voyons qu’une seule fois par an, lors de l’Assemblée Générale. C’est un moment convivial, on partage nos expériences. On discute du programme annuel du parti, mais nous n’avons pas le droit de voter, car nous ne sommes là qu’en tant que parti observateur.
Je suis président de l’UPA depuis quatre ans mais je ne suis allé à cette réunion qu’une seule fois. Sinon, tout le reste de l’année on échange avec l’ALE, entre deux et trois mails seulement. Pour être sincère, faire partie de l’ALE ne nous apporte rien.
On s’est posé plusieurs fois la question : mais pourquoi rester ? La cotisation nous coûte quand même 600 euros. C’est beaucoup pour un parti qui a un budget de 8 000 euros par an. Nous restons donc par amitié envers l’ALE, Nelly Maes, la présidente et Günther Dauwen, le directeur. Et aussi pour faire vivre ce parti qui est le seul régionaliste dans l’Union. Eux non plus n’ont pas beaucoup d’argent.
Je n’ai aucun contact avec les six eurodéputés de l’ALE. Je suis plus particulièrement proche de Gérard Onesta, eurodéputé vert. Pour la campagne des élections européennes de 2009, nous allons donc appeler à voter pour la liste de Daniel Cohn-Bendit. Il faut savoir que tous les partis autonomistes ont également une forte composante écologiste. Cette liste fera certainement plus de 10% et comme dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur), le numéro deux de la liste des verts est un autonomiste (François Alfonsi, membre du parti de la nation corse), on aura donc la chance d’avoir un élu qui nous représente bien au Parlement Européen. »
Isabelle Bertinet
Les électeurs de l'Est à la découverte de leurs élus
Vendredi 12 décembre, une cinquantaine de citoyens participait à un forum-citoyen sur le thème "Europe et développement durable" à Dijon. En face d'eux, sept des dix eurodéputés du Grand Est. L'occasion de découvrir leurs élus à quelques mois de la fin de leur mandat.
Dix ans après sa dernière campagne dans l’Hexagone, il revient sur la scène politique française. Après avoir été élu sur une liste verte allemande aux européennes de 2004, l’eurodéputé prend la tête d’Europe Ecologie, un mouvement rassemblant les écologistes français pour les élections européennes. Fédérateur ou dynamiteur, quel est réellement son rôle ?
Il a l’habitude des bons mots. Dès le lancement d’Europe Ecologie, le 20 octobre dernier à Paris, Daniel Cohn-Bendit promet «des larmes et des pleurs» aux verts français. Il prône alors un «nouvel espace politique ouvert et indépendant». Traduction: les places seront chères car il n’y aura pas de liste des Verts français lors de la prochaine campagne européenne. En tout cas pas à proprement parler. En effet, les Verts français ne sont qu’une des composantes du mouvement initié après l’élection présidentielle de 2007 par des proches de Nicolas Hulot et certains cadres du parti vert. Le rassemblement est hétéroclite, ouvert aux associatifs, de Hulot à Bové, en passant par des partis comme le MEI d’Antoine Waechter et les Verts.
Daniel Cohn-Bendit est une icône européenne et son expérience lui donne une légitimité. Pour autant, il n’a pas la main-mise sur les nominations. Il fait partie d’un trio exécutif chargé de présenter des candidats au comité de campagne en compagnie de Cécile Duflot, la secrétaire générale des Verts et Pascal Durand, bras droit de Nicolas Hulot. «Dany voulait nommer Eva Joly dans l’Ouest, nous avons simplement refusé, il n’impose pas ses choix», confirme l’eurodéputé vert français Alain Lipietz.
Oublier la déroute de Voynet en 2007
Selon lui, Daniel Cohn-Bendit est un «catalyseur». Il rassemble une liste de politiques et d’associatifs. C’est un chef qui ne dérange pas. «Paradoxalement, il ne fait d’ombre à personne, explique l’eurodéputé vert français qui prendra sa retraite cette année. Il n’est présent sur la scène politique française qu’au moment des campagnes européennes où il est tête de liste ... C’est-à-dire six mois tous les dix ans.» Un allié utile pour éviter les conflits de personnalité, et ménager les jalousies. «Supposez qu’il y ait eu une bataille pour la tête de liste en Ile-de-France, comme par exemple un duel Voynet/Cochet, ça se serait passé moins bien qu’avec Dany.» Pas de bataille en effet avec Daniel Cohn-Bendit, que personne ne soupçonne d’utiliser les élections européennes pour briguer un mandat national.
Mieux, les Verts comptent bien se servir de l’image de l’ex-soixante-huitard pour se relancer en France. Ces élections sont l’occasion de se remettre en selle après la déroute de Dominique Voynet à la présidentielle de 2007 (1,57% des suffrages exprimés, soit le plus mauvais score depuis la création du parti, en 1984). «Lors de l’assemblée générale de Lille, début décembre, la majorité à la tête du parti a été très claire : Europe Ecologie doit servir à faire un bon score pour lancer une dynamique pour 2012», explique Marie Anne Isler Béguin.
«Je ne sais pas si c’est bassement électoral mais ce qui est sûr c’est que les Verts français doivent rebondir s’ils veulent peser, même dans la perspective des régionales avant les élections présidentielles, déclare Daniel Cohn-Bendit. Ils doivent retrouver des couleurs avec les européennes, c’est vital pour l’écologie politique.»
Quelles perspectives après les européennes ?
Le rassemblement se poursuivra t-il après les élections européennes? La question était déjà au cœur des débats lors de l’assemblée générale des Verts à Lille début décembre. Certains craignaient qu’une trop grande ouverture ne débouche par exemple sur un rapprochement avec le Modem. La peur de revenir au «ni droite, ni gauche», à l’origine de la division des Verts en 1993 était dans tous les esprits. Cécile Duflot, après sa réélection à la tête du parti, a mis les choses au point : le mouvement doit permettre aux Verts de participer à une véritable alternative pour 2012, tout en réaffirmant leur ancrage à gauche.
En fait, la pérénnité du mouvement dépendra du score obtenu début juin. «Si c’est un fort résultat, ça secouera tout le monde, prévoit Daniel Cohn-Bendit. Si le résultat n’est pas au rendez-vous, je crois qu’on reviendra à la case départ...»
Florent Godard et Gautier Demouveaux, à Bruxelles
Le chef de l'Etat souhaite des eurodéputés engagés et impliqués à Strasbourg. Le casting pour les élections de juin s’avère difficile : les éventuels candidats voient le Parlement européen comme une mise à l’écart.
Elles seront dévoilées le 24 janvier à l’UMP lors d’un conseil national. Elles ou ils, ce sont les huit têtes de listes pour les élections européennes*. Pour l’instant, «il n’y a rien de gravé dans le marbre, ça reste très ouvert», insiste Olivier Ubéda, délégué aux affaires européennes à l’UMP.
Les sortants sont sur la sellette. «Le problème de ces députés, c’est qu’ils n’ont pas une très grande notoriété», explique le président de la commission des investitures électorales, Jean-Claude Gaudin. «Nicolas Sarkozy a envie d’une délégation UMP pêchue», précise Olivier Ubéda. Des personnalités « qui accrochent la lumière, qui s'impliquent, qui siègent et qui s'occupent de choses un peu ingrates » seront envoyées à Strasbourg. Le chef de l’Etat souhaite que les élus investissent les commissions pour peser sur les textes présentés au Parlement. Ils devront prendre le mandat de député européen comme une responsabilité à part entière (comme en Allemagne) et non comme une mise à l’écart.
Lamassoure en danger face à Baudis ?
Avec Brice Hortefeux, secrétaire national aux élections, Jean-Claude Gaudin compose les listes en accord avec le chef de l’Etat et le Premier ministre François Fillon. Ces dernières semaines, il a reçu tous les députés sortants «pour voir la possibilité d’amélioration de notre positionnement politique à Strasbourg» avec des questions : «Est-ce que la France joue bien son rôle ? Est-ce qu'elle n'est pas trop écartée des instances de décision ? » et une réponse : « Peut mieux faire ». A Bruxelles, il se murmure que les députés ayant fait au moins deux mandats pourraient sauter. Suivant cette règle, près de 10 d’entre eux seraient menacés. L’UMP ne confirme pas cette information.
Au Parlement européen, la France disposera de 72 sièges après les élections de 2009. L’UMP devrait en prendre au moins deux dans chacune des huit circonscriptions. Aujourd’hui, le parti de la majorité compte 17 eurodéputés contre 31 aux socialistes.
Le cas d’Alain Lamassoure (Sud-Ouest) n’est «pas tranché» indique Jean-Claude Gaudin. Malgré ses compétences et son expérience, il ne devrait pas être tête de liste et pourrait même perdre son siège. Il reste pourtant très engagé dans la préparation de la campagne au parti populaire européen (PPE). Nicolas Sarkozy pourrait lui préférer Dominique Baudis, ancien député européen. En juin, le chef de l’Etat avait pensé à Alain Juppé qui a décliné l’offre. Le maire de Bordeaux préfère se consacrer à sa ville.
Daul et Barnier, têtes de liste dans l’Est et le Sud est
Mais à l’Elysée, où tout se décide, on a du mal à trouver des têtes de liste charismatiques et connues des Français. Le ministre de l’agriculture, Michel Barnier, quitterait le gouvernement en avril pour mener la liste Sud-Est. Dans cette circonscription, la situation de Françoise Grossetête est incertaine. Elle serait en concurrence avec Dominique Vlasto, elle aussi sortante et par ailleurs adjointe de Jean-Claude Gaudin à la mairie de Marseille.
La candidature du sortant Joseph Daul serait acquise dans l’Est. Dans le Nord, Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la solidarité, serait sur les rangs. Pour l’Ouest, le nom du président de la FNSEA (Fédération nationale des exploitants agricoles), Jean-Michel Lemétayer, circule. Brice Hortefeux aurait été pressenti pour être tête de liste dans le Massif central-Centre mais il a démenti l’information. Le ministre de l’immigration devrait être candidat mais en position non éligible.
L’Ile-de-France n’a pas encore de candidat après le «non» de Rama Yade à Nicolas Sarkozy. La secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme refuse de quitter le gouvernement pour Strasbourg. Le nom de Luc Ferry a été évoqué. Seule certitude : Nicole Fontaine ne se représentera pas. Cette circonscription illustre bien le problème posé au chef de l’Etat : trouver des personnalités et les convaincre de leur importance politique à Strasbourg.
Jean-Claude Gaudin et Brice Hortefeux doivent présenter leur travail au chef de la majorité, à savoir Nicolas Sarkozy. C’est lui qui aura le dernier mot.
*La France est divisée en huit eurocirconscriptions : Nord Ouest, Ile de France, Ouest, Est, Centre-Massif Central, Sud est, Sud ouest, Outre mer.
Matthieu Cotinat
«Les européennes sont une élection nationale à thématique européenne», répète t-on à l’UMP. Comprenez que les candidats et les électeurs seront français et s’inscriront dans une «ambiance nationale» liée à la politique du gouvernement et du chef de l’Etat.
Le programme du PPE (Parti populaire européen) sera adapté aux niveaux national et régional selon une «version UMP». Sur les tracts et la profession de foi figureront les logos du PPE et de l’UMP. Pour sensibiliser les électeurs à la politique européenne, l’objectif est de leur montrer que «c’est du concret».
Dans chaque eurocirconscription, une personnalité politique est chargée de faire des propositions pour adapter la campagne à chaque territoire. Michel Barnier s’occupe du Sud-Est, Roselyne Bachelot de l’Ouest, Pierre Lequiller de l’Ile-de-France, Hubert Haenel de l’Est, Brice Hortefeux du Massif central-Centre, Alain Lamassoure du Sud-Ouest, François Baroin de l’Outre-Mer et Antoine Rufenacht du Nord-Ouest. Ces personnes ne seront pas forcément les têtes de liste. Leurs idées seront présentées en janvier. Chaque tête de liste se les appropriera en les faisant évoluer.
M. C.
La nouvelle première secrétaire, Martine Aubry a nommé Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national aux affaires internationales et européennes, et Christophe Borgel secrétaire aux élections. Les deux Strauss-Kahniens auront la tâche de préparer le scrutin de juin 2009.
Le PS se prépare à des élections serrées: début décembre, un sondage prédisait un score au coude-à-coude avec l’UMP, autour de 22%. Le score de 29% réalisé en 2004 sera difficile à égaler. Martine Aubry a décidé de ces nominations peu de temps après le Conseil du PSE de Madrid, auquel elle a assisté et après les recommandations de Bernard Poignant, un eurodéputé proche de François Hollande. Peu avant le Conseil national, celui-ci a remis une note à la nouvelle première secrétaire dans laquelle il appelle les élus à s’engager «à ne pas abandonner leur mandat européen pour un siège national».
Depuis 2004, six socialistes français ont délaissé leur siège européen pour devenir député ou sénateur. Bernard Poignant insiste: «Les socialistes français doivent être au niveau de leurs homologues européens. Cela suppose de prendre au sérieux cette fonction d’eurodéputé, ce n’est pas une présidence de conseil général.» Il souhaite «le moins de parachutages possibles et la meilleure prise en compte possible de la régionalisation du scrutin» mais aussi qu’on tienne compte de l’expérience «des sortants car l’expérience compte à Strasbourg». La campagne socialiste française sera lancée début janvier.
Mariam Pirzadeh
Les élections européennes de 2009 sur le site du Parlement européen...
... Et sur Toute l'Europe
Le traité de Lisbonne portait le projet d'un affrontement des candidats à la présidence de la Commission, brandissant chacun la bannière d'un europarti tout au long de la campagne. Démotivés, les partis hésitent à adouber leur candidat.
Des panneaux électoraux qui affichent en gros plan le visage de José Manuel Barroso dans les 27 pays de l’Union. Et le slogan : « Si vous soutenez le PPE, vous soutenez aussi la candidature de Barroso à la tête de la Commission ». A côté, une affiche du PSE montrant le danois Rasmussen, ou encore Daniel Cohn-Bendit sur le panneau des Verts européens. Voilà à quoi pourrait ressembler la campagne pour les législatives européennes de juin 2009. L’idée que chaque famille politique présente un candidat pour le poste de Président de la Commission pendant la campagne législative a été pour la première fois formulée par Jacques Delors en 1998. Son objectif était de proposer aux Européens des personnalités qui incarnent des choix politiques clairs sur les enjeux de l’Union, et d’asseoir la légitimité de la nouvelle Commission par un choix des électeurs entre plusieurs concurrents.
Tout, depuis 2004, est en réalité en place pour que ce scénario soit réalisable en 2009. Le Conseil européen, depuis l'entrée en vigueur du traité de Nice, arrête la désignation du président de la Commission à la majorité qualifiée avant de le soumettre au vote du Parlement. Or en 2004 le PPE, arrivé en tête, avait exigé que ce candidat soit issu de ses rangs. Cette condition préalable avait conduit les chefs d'Etat et de gouvernement à proposer José Manuel Barroso (PPE) aux suffrages du Parlement.
L'alibi irlandais
Le traité de Lisbonne ne fait que codifier cette pratique qui rend visible la couleur politique du président de la Commission, et le rôle déterminant des élections européennes dans sa désignation. Il précise désormais que le président de la Commission est "élu" (et non plus "approuvé") par le Parlement. Du coup, il incite ouvertement à faire de son élection l'enjeu central de la campagne électorale, ce qui revient à déposséder le Conseil européen de son droit de nomination au profit des europartis, et à donner aux électeurs celui de trancher.
Depuis des mois, les partis politiques européens sont donc à la recherche de candidats potentiels pour ce poste clé de l’Union, mais le « non » irlandais a douché leur enthousiasme.
Les états-majors des europartis hésitent devant un geste dont ils font valoir qu'ils pourrait être perçu comme une provocation par les opposants au traité. Derrière cette excuse officielle, des préoccupation plus boutiquières.
Pour le PPE, la position officielle est simple: "Il y a un consensus sur la candidature Barroso dans le parti", explique Wilfried Martens, président du PPE. Si elle n'est pas encore formalisée, c'est parce que l’intéressé hésite encore.
En réalité, admet-on au siège du parti, si l'ancien premier ministre portugais prend son temps, c’est que sa réelection à la tête de la Commission est loin d’être assurée. "Barroso est confiant de passer l’étape du Conseil européen : le PPE y détient la majorité qualifiée et les chefs d’Etat apprécient l’action du président sortant qui ne leur a pas fait d’ombre", confie un proche de la direction de l'europarti. "Mais la majorité absolue du Parlement européen n’est pas acquise. Il a un bilan très moyen, et selon moi, il rassemblerait à peine 40% des voix s’il se représentait devant les députés. Le problème c’est que le PPE n’a pas beaucoup d’autres options". Alain Lamassoure, eurodéputé PPE ajoute de son côté "le seul qui pourrait concurrencer Barroso au PPE c’est Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe, mais il n’est pas intéressé".
La gauche divisée sur son choix
Les autres partis, PSE (parti socialiste européen) en tête, tardent à décider d'une position. Pour Martine Roure, députée socialiste européenne et vice-présidente du Parlement, "les élus socialistes seraient prêts à lancer un candidat, mais il faut se mettre d’accord sur un nom". Le seul "présidentiable" semblerait être le danois Rasmussen, actuel président du parti. Mais il aurait refusé l’offre pour ne pas sacrifier son avenir politique au Danemark.
Autre problème du PSE: les socialistes se positionnent différemment sur ce sujet selon la situation politique qu’ils occupent dans leur pays. Les Allemands, au pouvoir dans une coalition avec la CDU, sont réticents à voir un affrontement entre un candidat de gauche et un candidat du PPE, qui attiserait les tensions entre socialistes et CDU en Allemagne.
Le parti des Verts européens lui, choisit de faire profil bas. "Nous sommes la quatrième force du parlement, et nous ne sommes pas vraiment légitimes à présenter un candidat car on sait très bien qu’il ne sera pas élu", justifie Juan Behrend, secrétaire général du parti.
L'annonce qui pourrait changer la donne
Face à la réticence générale, les militants de l’Union des Fédéralistes Européens (UEF), reboublent l'intensité de leur campagne "Who’s your candidate ?"(Qui est votre candidat?), lancée il y a un an, afin de faire pression sur les europartis pour qu’ils nomment dès maintenant un candidat.
"Si les partis décident de présenter un candidat, c’est un pas de plus vers la supranationalité", argumente Henrik Kroner, président du Mouvement Européen, partenaire de la campagne. "C’est le moyen de politiser davantage les élections, et de rendre visible les clivages politiques."
Au-delà des distributions de tracts aux abords des réunions des partis, les organisations pro-européennes ont cependant peu de moyen de pression sur les acteurs politiques. Et elles peinent à se faire entendre.
Le PDE (Parti Démocrate Européen) de François Bayrou et Francesco Rutelli pourrait bien bousculer la donne. "Nous allons présenter la candidature d’une personnalité crédible, car nous sommes insatisfaits de la Commission sortante, et nous n’acceptons pas l’idée d’une reconduction automatique de son président", ont déclaré début décembre les deux co-présidents de l'europarti.
Une annonce qui pourrait bien forcer la main des hésitants. Il suffit qu'un europarti se lance, pour que les autres soient soumis à une pression accrue pour présenter un candidat. Le président du groupe PSE, Martin Schultz, a déclaré que la décision de son parti serait définitivement arrêtée en février à l'issue de son Conseil.
Marie Regnier, à Bruxelles
Simon Hix est professeur de politique européenne comparée à la London School of Economics and Political Sciences. Il décrit les principales familles politiques dans l'Union européenne.
Le Parlement européen permet d'identifier cinq grandes familles politiques transnationales et des forces politiques atypiques.
Le plus grand groupe au Parlement est le Parti populaire européen, qui est une coalition de démocrates chrétiens et de conservateurs. Le principal parti de centre-droit de la plupart des pays européens siège au sein de cette famille.
Au centre gauche on trouve les socialistes ou les sociaux-démocrates – les termes sont interchangeables. Ils sont plus cohérents que le PPE car ils forment une alliance moins lâche. Chaque pays en Europe, sauf peut-être en Europe centrale et orientale, a un parti qui s'y intègre bien.
Entre les deux, on trouve l'Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe, qui est en gros une coalition de libéraux sur le plan social et économique. Certains de ses membres se situent à gauche, comme les libéraux démocrates britanniques, d'autres se positionnent à droite comme les libéraux scandinaves, les libéraux néerlandais et les libéraux belges, d'autres encore au centre comme le parti italien (La Margherita, aujourd'hui intégré au Partito Democratico) et le parti français (le Modem) qui siègent maintenant dans ce groupe. Ils constituent donc une sorte de bouquet mélangé. Cela leur permet de former tantôt une coalition avec les sociaux-démocrates sur les questions environnementales par exemple, tantôt avec le PPE sur les questions de régulation économique du marché.
A gauche nous avons ensuite les Verts. C'est une coalition de partis présents dans un nombre surprenant de pays. Presque chaque pays en Europe possède maintenant un parti Vert. Ils sont membres du parti transnational et beaucoup ont un siège au Parlement. Enfin, à gauche de la gauche on trouve une famille radicale composée d'anciens communistes ou de socialistes tels que le parti danois.
Il y a deux autres forces politiques au Parlement européen qui ne me paraissent pas correspondre à des partis transnationaux.
Nous avons une sorte de groupement anti européen, une alliance sacrée de divers groupes eurosceptiques de gauche et de droite, aux traditions plus religieuses, comme les communistes danois, la Ligue des familles polonaises, ou encore un parti orthodoxe grec.
Puis nous avons une coalition de partis conservateurs, la droite traditionnelle, qui ont choisi de ne pas rejoindre la famille PPE. Certains d'entre eux aimeraient le faire mais n'y ont pas été autorisés, comme Alliance nationale, en Italie ou le Fianna Fail irlandais qui s'interdit de rejoindre le PPE parce que son adversaire national, Fine Gael, y siège.
Enfin, il y a d'autres eurodéputés, issus principalement de la droite radicale comme le Front national français, le Vlaams Belang flamand, le Parti de la liberté autrichien mais aussi de divers partis protestataires, nationalistes et anti européens. Ils ont des difficultés à former une alliance transnationale parce que par définition ils ne croient pas en un projet transnational.
Clarisse Briot, à Strasbourg
Depuis le printemps 2006, le Parti socialiste européen (PSE) s’est doté d’une base militante de plus de 12 000 adhérents. Ceux-ci n’ont cependant que peu d'influence.
Pas de passage par les urnes pour désigner leur leader, ni d'ailleurs de cotisation supplémentaire à verser. Ils sont Allemands, Anglais ou Français, encartés au SPD, au Labour ou au Parti socialiste, et militent au sein du Parti socialiste européen (PSE). Depuis mai 2006, les adhérents des 33 partis membres du PSE peuvent se muer en euro-militants. Au total, plus de 12 000 socialistes, travaillistes et socio-démocrates des 27 pays de l'Union ont été recensés comme militants PSE, dont 4000 Français.
"L'objectif est avant tout de pouvoir rencontrer et échanger avec d'autres militants européens, témoigne Benjamin Lanier, militant PSE des Hauts-de-Seine. Nous faisons venir des camarades en France et vice-versa. Récemment, nous avons organisé un jumelage avec les militants PSE de Bruxelles, et nous avons été actifs lors de la dernière campagne des législatives à Dublin."
Ces euro-militants privilégient ainsi les rencontres, à défaut d'avoir de réelles prérogatives, comme la possibilité d'élire leurs responsables au niveau européen. En effet, le PSE est une fédération de partis nationaux dont les leaders prennent les décisions de manière collégiale.
Treize contributions au Manifesto
Les militants du PSE ont participé à l'élaboration du Manifesto. Lequel constitue le programme du parti pour les élections européennes de juin 2009. "En terme de démocratie participative au niveau européen, c'est une première, souligne Benjamin Lanier. Pour notre contribution, on a organisé deux réunions à Sceaux et à Fontenay-aux-Roses. On a aussi fait venir Pervenche Bérès (députée PSE, présidente de la commission économique et monétaire au Parlement)."
Seules treize contributions de groupes de militants ont été enregistrées. "C'est déjà beaucoup, vu que ces contributions constituent un travail de longue haleine, le fruit de débats et de consultations", juge Cécilia Gondard, qui participe à la gestion des militants au secrétariat du PSE.
Le parti invite régulièrement les militants lors des congrès et conseils - comme celui de Madrid pour l’adoption du Manifesto, début décembre. "On épaule les groupes de militants pour leurs campagnes européennes – en leur faisant parvenir tee-shirts ou flyers par exemple, détaille Cécilia Gondard. Mais le but est qu'ils lancent eux-mêmes leurs actions." Parmi les initiatives dont les militants sont le plus fiers : le blog des adhérents de Paris, ou encore le groupe Facebook (plus de 600 inscrits) de Gabriel Richard-Molard, de la fédération du Bas-Rhin.
Ne pas court-circuiter les partis nationaux
Pour s’inscrire au PSE, un seul critère à remplir : être encarté dans un parti affilié au PSE. Ensuite, il faut s'inscrire sur le site du PSE, en précisant le nom de sa fédération. "On ne cherche pas à court-circuiter les partis en créant une structure parallèle. Le but est de créer des réseaux entre les militants des partis – pour coordonner des actions de campagne, par exemple", souligne Cécilia Gondard. De Lisbonne à Bucarest, de Paris à Berlin, une cinquantaine de "city groups" de militants PSE a ainsi vu le jour. "Les modalités de création de cellules de militants PSE peuvent varier en fonction des pays et de la structure de leurs partis. Au Parti socialiste francais, par exemple, il existe des commissions Europe dans les fédérations qui peuvent choisir de créer, ou pas, un city group", précise Cécilia Gondard. Concrètement, tout militant du Parti socialiste peut fonder un city group, sous réserve que la fédération socialiste locale donne son aval.
Pierre Manière, à Bruxelles
L'Irlandais Declan Ganley lance son parti souverainiste. Objectif : faire des élections européennes un référendum sur le traité de Lisbonne.
« Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de voter sur le traité de Lisbonne, ce sera leur référendum. » Declan Ganley, leader du non en Irlande, a lancé officiellement son parti «Libertas.eu» le jeudi 11 décembre. Le message est clair : le traité de Lisbonne sera le principal cheval de bataille du parti lors de la campagne des européennes. L'homme d'affaire irlandais a choisi de réunir les journalistes à quelques centaines de mètres seulement du Conseil européen chargé d'examiner les solutions au problème irlandais. Le lendemain de son annonce, les dirigeants de l'U.E. suspendent l'avenir de l'Europe au référendum irlandais et le premier ministre irlandais, Brian Cowen, confirme l'organisation d'un nouveau référendum à l'automne. C'est une occasion en or pour Declan Ganley qui veut faire du traité de Lisbonne l'enjeu central des élections européennes.
Anciens de l'ADIE et amis de Bonde
Declan Ganley affiche l'ambition de « présenter des candidats dans les 27 pays de l'Union ». Ses partenaires restent plus mesurés. « Libertas aura des listes dans au moins une quinzaine de pays », estime Paul-Marie Couteaux. Le député européen soutenu par le MPF, assure par ailleurs que Philippe De Villiers « est le représentant de Libertas en France. » Suite à la dissolution de leur parti, les souverainistes de l'ADIE pourraient suivre les Français du MPF et grossir les rangs de Libertas. Le danois Jens-Peter Bonde, qui a quitté sa fonction de député au Parlement européen en mai dernier, est conseiller politique auprès de Declan Ganley. Toujours président d'EUDemocrats, Bonde souhaite une alliance entre les deux partis opposés au traité de Lisbonne. Plusieurs membres d'EUD, étaient d'ailleurs présents à Dublin à la mi-novembre. Le milliardaire irlandais avait alors réuni une cinquantaine de personnalités européennes pour un repas en l'honneur du président tchèque Vaclav Klaus. Le député européen non-inscrit, Hans-Peter Martin, avait lui aussi trouvé place auprès d'entrepreneurs et de personnalités des médias. L'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, où le créneau pour un parti souverainiste n'est pas encore investi, feraient partie des pays cibles de Libertas. Declan Ganley s'appuie aussi sur ses relations en Europe de l'Est, en Pologne et dans les Pays Baltes. En République tchèque, le président Vaclav Klaus a récemment évoqué la possibilité de soutenir un nouveau parti national qui pourrait s'appeler «libertas.cz». Son pays, qui prend la présidence de l'Europe au 1er janvier 2009, n'a toujours pas ratifié le Traité.
« Nous allons nous occuper de Libertas »
Le retour du traité de Lisbonne sur le devant de la scène ne plaît pas à la plupart des grands partis européens, même si aucun ne se sent réellement menacé. « Si les élections deviennent un débat pour ou contre le traité, explique le député européen PPE Alain Lamassoure, c'est évidemment très dangereux. »
« Libertas veut s'occuper de l'Europe. Nous allons nous occuper de Libertas », clamait Olivier Ubéda, délégué aux affaires européennes de l'UMP, lors du bureau politique du PPE à la mi-novembre.
Du côté des Verts, Alain Lipietz estime qu'en créant un parti, Libertas s'isole. « Le non irlandais a gagné en disant : je ne suis pas le patronat et je représente l'avis de tout le monde. (...) Or la position de Ganley est celle du grand patronat irlandais qui a extrêmement peur de l'harmonisation fiscale. Libertas, on va leur faire la publicité qu'il faut sur ce qu'ils représentent, les intérêts qu'ils défendent et la question de leur financement. »
Polémique sur le financement du parti
Les très importants fonds mobilisés par Libertas dans la campagne du non en Irlande intriguent autant que la personnalité de son fondateur. Declan Ganley a fait fortune dans la vente d'aluminium en Europe de l'Est et dans les télécommunications. Sa société américaine, Rivada Networks, vend des services de communication à l'armée et à la garde nationale américaines. « On ne sait pas où Ganley a obtenu ses fonds. La presse irlandaise a parlé d'organisations américaines », rappelle le secrétaire général des Verts, Juan Behrend. Aucune enquête sur le financement de la campagne du non en Irlande n'a été mandatée par le Parlement qui déclare se fier aux autorités irlandaises. « Si Libertas crée un parti, cela lui imposera de clarifier son financement », estime Antonio Lopez-Isturiz, secrétaire général du PPE. Face aux critiques dont il est l'objet, Declan Ganley affirme que « Libertas n'est pas un mouvement eurosceptique mais résolument pro-européen ». Il souhaite maintenant réunir un groupe de travail et élaborer un texte d'une vingtaine de pages, simple et lisible, plus conforme à ses ambitions pour une Europe « plus démocratique ».
Julie Bienvenu, à Bruxelles
Philippe De Villiers n’en fait plus un secret, il sera la tête de liste française de Libertas pour les élections européennes. "Je suis à la disposition de Declan Ganley pour permettre à ce grand mouvement pan-européen d’être présent en France", affirme le président du Mouvement pour la France (MPF).
La surprise n’est pas grande car après sa victoire contre le traité de Lisbonne, Declan Ganley a passé une partie de ses vacances en terre vendéenne, fief de M. De Villiers. Quelques mois plus tard, l’homme d’affaires était reçu aux universités d’été du MPF en île-de-France, où il a été acclamé par plus de 700 militants.
Le 11 novembre dernier, Philippe De Villiers était au diner organisé par Declan Ganley à Dublin. Ce rendez-vous a permis au milliardaire irlandais, de réunir les leaders "euroréalistes" de différents pays européens.
Cette association entre le leader souverainiste français et Declan Ganley ne fait pas l’affaire de l’Elysée. En 1999, une liste souverainiste rassemblant Philippe De Villiers et Charles Pasqua avait recueilli 13,1% des voix, devant la liste conduite par Nicolas Sarkozy qui avait obtenu 12,8 %. Le président de la République a rencontré Philippe De Villiers, le 27 octobre dernier, dans la plus grande discrétion à l’Elysée. Selon Patrick Louis, secrétaire général du MPF, L'UMP espère que De Viliers renoncera à se présenter dans les régions où il n'est pas certain d'avoir des élus, comme en île-de-France.
Pauline Ringenbach, à Strasbourg
Le président de Debout la République, le député-maire de Yerres (91) Nicolas Dupont-Aignan, ne souhaite pas se rallier au mouvement Libertas.
La crise financière et le traité de Lisbonne s'invitent dans les thèmes de campagne.
Tout était calé. Prospérité économique, climat, sécurité, défense et politique étrangère devaient être au cœur de la campagne européenne. Mais l'encre des programmes était à peine sèche que les europartis ont dû revoir leurs plans. En cause, l'arrivée totalement imprévue de deux gros dossiers: la crise financière et le traité de Lisbonne.
D’abord, la crise. Difficile de parler de clivage ici. Les partis sont plongés dans la même incertitude et tentent d’adapter leurs discours aux soubresauts des marchés financiers. Tous sont d’accord sur une chose: il faut désormais repenser le modèle économique européen. Reste à savoir comment.
Ensuite, le traité de Lisbonne. L’émergence du mouvement souverainiste "Libertas", associée à la décision de faire revoter les Irlandais à l’automne 2009, pourrait transformer la campagne en référendum pour ou contre le texte.
Concernant le climat, la défense et la politique étrangère les discussions s’annoncent là aussi complexes. Car sur chacun de ces dossiers, les clivages changent. Droite contre gauche, extrêmes contre partis de gouvernement, divisions au sein d’un même europarti... Les machines politiques doivent régler leurs positions au millimètre pour, à chaque fois, dégager de nouvelles alliances.
Jordan Guéant, à Bruxelles
Personne ne l'attendait. La crise financière a débarqué dans le calendrier en invitée surprise, prenant les partis au dépourvu. Les Verts, par exemple, ont dû ajouter en urgence un paragraphe à leur manifeste, en octobre dernier.
PGE et PVE. Bastion de la gauche anti-libérale européenne, le PGE n'a pas eu besoin de réadapter son discours. Ses positions sont claires: taxe sur les transactions monétaires pour dissuader les spéculateurs (taxe Tobin), hausse des impôts sur le revenu et mise en place d'un contrôle de l'État sur le système bancaire. Dans la même lignée, les Verts (PVE) militent eux-aussi pour des lois anti-monopoles, pour une suppression des donations publiques aux entreprises et pour la taxe Tobin.
PSE. Dès 2006, les socialistes ont évoqué les menaces pesant sur le système financier. Mais faute d'avoir une majorité politique, leurs propositions sont restées sans suite. Elles n'ont même pas été relayées dans les pays dirigés par des gouvernements socialistes. Aujourd'hui, le PSE les reprend dans son "Manifesto". La mesure phare concerne la réforme des fonds spéculatifs et des capitaux d'investissement, que le parti souhaite rendre plus transparents. Les socialistes envisagent de taxer ces
fonds qui agglomèrent des sommes colossales. Suppression des
parachutes dorés et des paradis fiscaux, renforcement de la régulation et réforme du FMI font aussi partie des propositions avancées.
PDE. Les troupes de François Bayrou et Francisco Rutelli souhaitent un renforcement des compétences politiques de l'Union afin d'avoir plus de poids pour contrer la crise. Favorables à une relance, ils entendent revoir à la hausse le budget communautaire. Ils veulent également renforcer la BCE, notamment pour lui confier une mission de surveillance des banques européennes.
ELDR. Difficile d'assumer l'affiliation au libéralisme par les temps qui courent. L'ELDR a donc mis un peu d'eau dans son vin en réclamant un renforcement du FMI. Mais il ne renie pas ses fondamentaux et réfute toute idée de nationalisation, de protectionnisme ou de "sur-réglementation".
Pour Daniel Tanahatoe, le parti "reste plus proche du PPE sur les questions économiques". Et de préciser: "Le problème, c'est qu'il y a deux visions au PPE. Celle de Sarkozy, interventionniste, et celle de Merkel, plus en retrait mais que nous approuvons davantage".
PPE. Changement de ton au sein du parti de droite. Il y a quelques mois, une écrasante majorité de ses membres prônaient le libéralisme, dans la lignée de l'ELDR. Avec la crise, une deuxième voie est apparue. Suivant les
positions françaises, certains ne sont plus hostiles à une dose d'interventionnisme et de régulation : "Ce sont des éléments peu contrôlés de l'économie de marché qui sont à l'origine de la crise. Il faut un arbitre. Pas un intervenant mais un contrôleur. Et sur ce point, je ne vois aucune différence avec le PSE", explique Antonio Lopez-Isturiz, secrétaire général. Mais en terme de programme, la droite reste floue, se contentant de réclamer une réforme du FMI.
A plus long terme, que faut-il faire de la très libérale stratégie de Lisbonne?
Voté en 2000 par les 15 pays membres d'alors, elle a servi depuis de colonne vertébrale à tous les programmes politiques.
Cette stratégie mise tout sur la recherche de la compétitivité dans un contexte de mondialisation galopante. Le retour de l'interventionnisme et de la régulation pourrait définitivement la mettre à mal.
Jordan Guéant, à Bruxelles