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Les start-up, nouveaux ponts sur le Rhin

21 mars 2018

Les start-up, nouveaux ponts sur le Rhin

Pour un créateur de start-up, la proximité de l'Allemagne offre des opportunités alléchantes. Mais si la frontière du Rhin est aisément franchie, la langue reste une barrière bien réelle.

La success story d'une start-up berlinoise

Start-up fondée à Berlin en 2008, l’entreprise allemande a conquis l’Europe en moins d’une décennie. Depuis 2014, elle est cotée en Bourse comme société européenne [Lire aussi : « La galère du financement des start-ups »]. En quatre ans, elle a doublé le nombre de ses employés et elle est aujourd’hui présente dans quinze pays. Les clients de Zalando peuvent faire leurs achats sur le site ou avec l’application mobile et surtout renvoyer gratuitement les articles qui ne leur conviennent pas, ce qui a fait le succès du site.

A Lahr, 900 employés gèrent depuis fin septembre 2017 le côté pratique de l’e-commerce, pour les marchés suisse et français en plein essor. Un employé sur trois vient de l’autre côté du Rhin. « L’ambiance est très internationale, les équipes sont bilingues, tous les panneaux sont en français et en allemand », raconte Jonathan. Son ancien job était déjà dans la préparation de commandes, dans une entreprise française.

L’entrepôt de Lahr est parmi les plus automatisés et modernes de Zalando. Ici, un système automatique, le « trieur-poche » gère les retours. Chaque article renvoyé par un client est mis dans une « poche » identifiée par une puce. Elle tourne accrochée à une chaîne sous les hauteurs du toit jusqu’à ce que l’article soit de nouveau vendu. Le système l’envoie alors automatiquement au « packing ». Ce système permet d’augmenter le volume de stockage et d’exécuter une partie des tâches de façon automatisée. Pourtant, le centre dépend encore fortement du travail manuel.

Estelle, la quarantaine, travaille pour la première fois dans un entrepôt d’e-commerce, après seize années passées dans une entreprise allemande à Strasbourg. C’est son deuxième jour chez Zalando. Ce qui l’a convaincu de venir travailler outre-Rhin, c’est le salaire avant tout. « Avec les primes familiales, je gagne plus de 13 euros par heure maintenant. En France, même avec l’ancienneté, j’ai à peine dépassé le SMIC », dit-elle. Pour l’instant, Zalando s’inspire de la convention collective du secteur logistique pour fixer la grille des salaires, en les adaptant au coût de la vie dans les régions respectives, ce qui fait qu’un employé à Lahr gagne plus que son collègue d’un entrepôt en Allemagne de l’Est.

« Pas encore de comité d'entreprise et très peu de syndiqués »

Les problèmes que les travailleurs rencontrent dans les centres logistiques de Zalando se ressemblent pourtant. A Lahr, comme dans plusieurs autres entrepôts, « il n’y a pas encore de comité d’entreprise et très peu de syndiqués », nous explique par mail le syndicat allemand Verdi. Difficile alors pour les travailleurs de faire valoir leurs droits, même fondamentaux comme la pause.  « A cause de la taille de l’entrepôt, ça nous prend longtemps pour arriver dans les locaux destinés à la pause », confie Estelle. « On perd sept minutes rien que pour nous déplacer et c’est beaucoup sur une pause de vingt minutes. »

Un problème que les employés de l’entrepôt Brieselang, près de Berlin, rencontraient jusqu’à ce qu’ils protestent. Les contrôles de sécurité aléatoires à la sortie, pour empêcher les vols dans l’entreprise, prennent beaucoup de temps aussi. Si son badge sonne a la sortie, l’employé devra alors passer à côté pour se faire fouiller par les agents de sécurité. Ces fouilles génèrent souvent de longues files d’attente à la sortie et les employés attendent parfois jusqu’à trente minutes avant de pouvoir sortir.

Pour rentrer ensuite en Alsace, les travailleurs français peuvent prendre le bus qui s’arrête directement devant l’entrepôt. Cette ligne spéciale, qui pourrait être un jour ouverte au public, a été mise en place pour faciliter la venue des employés alsaciens en reliant la ville d’Erstein à la zone d’activité « Industrie- und Gewerbezentrum Raum Lahr ». La proximité avec l’Alsace, où le taux de chômage est autour des 8 %, a été un facteur décisif pour l’installation de Zalando dans la région.  « Au Bade-Wurtemberg, en région frontalière, on a presque le plein emploi. C’est difficile de trouver de la main-d’œuvre disponible », explique Daniel Halter, gérant de la zone d’activité. Avec environ 300 employés français, pour l’instant de nombreux précaires, le calcul semble avoir été le bon.

Franziska Gromann et Clara Surges

Le nouveau complexe Kilmètre zéro (KM0) abritera bientôt la Ligne numérique. Crédit photo: Mehdi Boswingel

« On n'est pas des sociologues ou des scientifiques, expliquent les jeunes femmes, on ne prétend pas faire une étude précise. On souhaite juste imaginer d'autres utilisations des réseaux. Les gens ont conscience que leurs données sont utilisées. On en parle beaucoup. La question maintenant c'est : qu'est-ce qu'on peut faire pour lutter contre leur utilisation ? Comment peut-on changer ses habitudes ? »

Pour Alice et Mona, l'idée n'est pas de culpabiliser les gens avec un discours alarmiste. En dehors de leur travail, elles prennent sur leur temps libre pour leurs entretiens. Les jeunes sont les cibles de ce premier jour. Après une demi-douzaine d'échanges dans le tram, elles partent en quête de cobayes sur le campus universitaire. Et repèrent un autre mélomane.

Lui n'hésite pas à donner son téléphone. Après l'avoir interrogé sur les applications qu'il utilise le plus – Spotify « pour la musique » et les différents réseaux sociaux pour « tuer le temps » , Mona lui demande si elle peut « liker quelque chose avec son compte Facebook ». Aucun problème. « Est-ce que tu pourrais envisager d'avoir un seul compte Facebook que tu partagerais avec des amis ? » « Pourquoi pas », répond le jeune homme un peu surpris.

Perturber les algorithmes pour mieux gérer ses données 

La question n'est pas posée au hasard. Facebook interdit en effet à ses utilisateurs de partager leur compte, ou de créer des comptes communs. La plateforme exige par ailleurs de ses utilisateurs qu'ils indiquent leur vrai nom pour s'inscrire. Probablement pour maximiser la récolte de données personnelles. « Partager un compte permet de diminuer la valeur des données récoltées. Les publicités ciblées ne marchent plus aussi bien dans ce cas », explique Mona. « Cela perturbe le fonctionnement des algorithmes », ajoute Alice. Et ces algorithmes sont l'essence même du réseau social, ceux qui déterminent le contenu du fil d'actualité des utilisateurs. Abonnées aux mêmes pages et aux mêmes médias, deux personnes ne verront pas les mêmes publications. Les algorithmes leur proposeront ce qui est le plus susceptible de les garder le plus longtemps possible sur le site, et donc de générer le plus de recettes publicitaires.

Mais toutes les personnes interrogées ne sont pas prêtes à partager leurs comptes, sur Facebook, Instagram ou Snapchat. « Je tiens beaucoup à ma “vie privée” », explique une jeune femme en mimant des guillemets. « Enfin, privée...  se reprend-t-elle, je sais bien que sur Facebook ce n'est pas vraiment privé mais bon... »

A la fin de leur journée, les filles font le bilan sur ceux qui ont accepté de balancer leur portable aujourd'hui. « Franchement, on ne s'attendait pas à ce que les gens donnent leur téléphone aussi facilement. Ça fait tomber un certain nombre d'idées reçues qu'on pouvait avoir sur les jeunes. On en a rencontré qui n'étaient pas beaucoup sur les réseaux sociaux », s'étonne Mona. Tous ont reçu leur cassette rétro, sur laquelle figure l'adresse mail du mouvement. Ne reste plus qu'à exhumer un vieux Walkman du grenier pour réécouter l'échange.

* les prénoms ont été changés à la demande des interviewées 

Anne Mellier

L'entrepôt Zalando à Lahr profite de sa situation à la frontière et de l'accès à la main-d'œuvre alsacienne. Crédit photo : Cuej / Franziska Gromann

Mais ils pourront se spécialiser, en création (graphisme, vidéo, photo), ou en technique (code informatique, modélisation 3D). « Ils ont du talent, ils ont des idées, mais souvent, ils n’arrivent pas à se vendre sans diplôme, explique-t-elle. Notre mission est surtout d’ordre humain. On les aide à remettre le pied à l’étrier, à reprendre confiance en eux et à réapprendre à vivre dans un groupe, avec une hiérarchie. » A partir de l’année prochaine, une « journée test » viendra compléter la sélection à l’entrée. Objectif : voir comment les futurs stagiaires gèrent un exercice imposé, et comment ils se comportent en groupe. « Le groupe est très important, justifie Pauline Walter, il doit tenir toute l’année ».

Pourtant, plusieurs stagiaires quittent la formation chaque année. Pour des raisons financières le plus souvent. Les 300 à 600 euros perçus par les étudiants, selon leur situation, ne sont pas toujours suffisants pour faire face à leurs charges ou à leurs dettes. Des problèmes de discipline ou d’absentéisme peuvent aussi justifier un renvoi. « Ici, c’est un cocon, explique Pauline Walter, mais pendant la période de stage on les pousse dehors, et c’est là que l’on peut rencontrer un certain nombre de problèmes. »

Numéro 1 mondial de « Yu-Gi-Oh »

A l’issue des neuf mois de formation, plusieurs options s’offrent aux stagiaires. Chercher du travail, reprendre une formation, ou créer leur propre activité. Comme Terence Figueiredo, qui a intégré le pré-incubateur d’E-nov campus à la sortie de la Ligne numérique. Stagiaire de la première promotion de la Ligne Numérique en 2015-2016, le jeune Mulhousien de 27 ans a ouvert sa propre école privée, la Power House Gaming, en 2017. Elle forme ses élèves aux différents métiers de l’e-sport, comprenez la compétition en matière de jeux vidéo. La formation concerne aussi bien le jeu pur et dur (pour devenir joueur professionnel), que l’organisation d’événements e-sport, le coaching, ou le management.

Ex-numéro 1 mondial de cartes Yu-Gi-Oh ! – dérivées d’un manga – et champion de France 2015, Terence Figueiredo n’avait pas de formation en arrivant à la Ligne numérique : « J’avais débuté un bac professionnel en technique d’usinage mais je n’ai pas continué. » Passionné d'e-sport, il ouvre une boutique de cartes Magic et Yu-Gi-Oh ! à Mulhouse, mais son affaire périclite. « Je me retrouvais beaucoup plus à entraîner les jeunes qui venaient qu’à vendre quelque chose, sourit-il, je me suis dit que la vente n’était vraiment pas faite pour moi. »

Aujourd’hui, la Power House Gaming accueille 48 pensionnaires, qui vivent et étudient au sein de la structure. Coût : 6 000 à 8 000 euros. Chaque année, la structure reçoit plus d’une centaine de candidatures et songe à s’agrandir. « La Ligne numérique m’a aidé à peaufiner mon idée, à savoir ce que je voulais, se souvient-il. Je pense qu’ils ont vraiment tout ce qu’il faut pour sublimer la passion ou le talent de quelqu’un, même si la plupart du temps, les gens viennent avec une idée à la base. »

Gratuite et organisée par l’association E-nov campus, cette formation financée par la région Grand Est accueille des jeunes en panne d’orientation ou en décrochage scolaire, avec le niveau bac au maximum. Tous ont déjà un goût pour le numérique, ou des compétences autodidactes. Pour intégrer la promotion qui compte une douzaine de places, les futurs stagiaires sont d’abord sélectionnés par dossier et sur leurs réalisations (vidéo Youtube, site web, etc.), s’ils en ont.

« Apprendre à travailler avec une hiérarchie »

La dernière étape de sélection se fait par entretien. « Ce que l’on cherche, ce sont des jeunes qui ont envie d’apprendre et de continuer à progresser », explique Pauline Walter, responsable pédagogique de la formation. Quel que soit le domaine qui intéresse les candidats, tous suivront des cours qui abordent aussi bien le graphisme que le code informatique. Une volonté de E-nov campus pour qu’ils « apprennent à travailler avec tous les métiers du numérique », expose Pauline Walter.

Mehdi Boswingel, photographe-vidéaste, a suivi une formation à la Ligne numérique. Crédit photo: CUEJ/Anne Mellier

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