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L’Organisation mondiale de la santé a lancé le 25 mars dernier une campagne promouvant le jeu vidéo comme moyen de faire respecter le confinement. Est-ce une bonne chose ?

“Je ne peux que recommander la pratique du jeu vidéo. Le confinement a été une réponse à une crise sanitaire mondiale dans un climat assez anxiogène. Beaucoup d’entre nous avons perdu le contrôle sur notre avenir et sur notre quotidien. Nous ne pouvions plus aller au travail, nous déplacer librement, voir notre famille, nos amis… Tout ce qui fait habituellement le quotidien était largement entravé. Dans ce contexte, heureusement que le jeu vidéo était là. Quand on joue, que ce soit aux jeux vidéo, aux jeux de société ou autres, on récupère ce contrôle que l’on a perdu. C’est le moment de s’autoriser à s’inventer des histoires qui contrastent avec une réalité bien sombre, où tout est incertain.”

Qu’est-ce que le jeu vidéo peut apporter au sein du cercle familial ?

“Le fait de jouer en famille, je pense aux jeux vidéo mais pas seulement, une fois de plus, c’est d’abord créateur de souvenirs. On renforce ainsi les liens, on partage nos idées et nos pensées avec l’autre. Quand on joue à plusieurs, on communique et ça ne passe pas forcément par les mots, ça passe aussi par ce que l’on fait dans le jeu. Et chacune de ces actions est un reflet de notre personne et de notre manière d’appréhender le monde.”

Des conséquences contestables 

Vivre avec un sommeil perturbé durant quelques semaines aura-t-il des conséquences sur le corps ? Les médecins ne sont pas unanimes. Pour certains praticiens, un rythme de vie chamboulé pendant deux mois peut avoir des conséquences sur la santé, et notamment aggraver d’autres pathologies comme le diabète, l’hypertension ou le mal de dos, en particulier chez les personnes âgées. Pour d’autres, les impacts à moyen terme sont principalement d’ordre psychologique. Selon Pierre Wehrlé, psychiatre à Strasbourg, les répercussions seraient plus importantes chez les personnes vivant seules, et pourraient parfois aller jusqu’à la dépression. Mais la plupart des professionnels de santé se montrent optimistes. Ce confinement est inédit, parce que relativement court, et surtout temporaire. “Un mois et demi, c’est peu dans la mémoire humaine. Ce n’est pas dérangeant pour le corps si on retrouve un rythme”, pointe Céline Mugultay-Ozdemir. La généraliste reste cependant prudente, prête à revoir son diagnostic en cas de deuxième vague.

Chi Phuong Nguyen
Jeanne de Butler

Thomas, tout comme Vincent et Jonathan, estime y avoir passé deux heures par jour environ. “Mais depuis que j’ai repris le travail et les cours, je n’ai plus tellement de temps à y consacrer. Malgré tout, je ne compte pas renoncer au projet et dès que je le pourrais, je finirais ce que j’ai commencé.” De son côté, "DJ00" s’est attaqué, avec d’autres joueurs français, à la construction de la cathédrale de Strasbourg. Il leur faudra encore du temps pour reproduire le travail d’"Achencraft" et ses amis qui, eux aussi, s’attachent depuis 2015 à reproduire la capitale alsacienne dans Minecraft, cathédrale comprise.

74% des Français ont souffert de troubles du sommeil pendant le confinement. © Centaur Azur

Un atelier numérique organisé par Tous en Tandem dans un Ehpad du XVIIe arrondissement de Paris. Crédits : © Tous en tandem

Ces derniers mois ont été l’occasion, pour certains, de passer plus de temps à jouer aux jeux vidéo. Un moyen de tuer l’ennui et de passer des moments conviviaux, à la maison.

  “Grâce au jeu, j’ai pu m’évader, trouver des choses positives, gérer et construire une île avec mes enfants.” Émilie vit seule à Brumath avec Valentin, 17 ans, Anastasia et Stanislas,  jumeaux âgés de 7 ans. Avant d’être confinée, l’assistante maternelle jouait peu aux jeux vidéo. Mais, depuis qu’elle est en chômage technique, sa Nintendo Switch, console hybride mi-portable mi-salon, offerte à Noël pour toute la famille, sert vraiment. Émilie a même commandé sur internet une variante plus petite et uniquement portable, la Nintendo Switch Lite, pour pouvoir s’amuser à deux endroits différents. “On a augmenté le temps de jeu de toute la famille”, reconnaît-elle. 

Le jeu vidéo comme antidépresseur

Sans jardin ni espace extérieur, la cour de récréation était virtuelle. “J’aimais bien le fait de pouvoir parler avec mes amis et cousins à travers le jeu”, raconte Stanislas. “Et puis, à part mes devoirs, je n’avais rien d’autre à faire.”  Pour Émilie, la console a littéralement joué le rôle “d'antidépresseur”. C’est surtout auprès d’Animal Crossing qu’elle a trouvé du réconfort avec New Horizons, le dernier opus de la franchise, sorti fort à propos le 23 mars (13 millions d’exemplaires ont été écoulés en six semaines à l’échelle du globe). Depuis le premier épisode, lancé en 2001, cette simulation de vie propose d’emménager dans un village peuplé d’animaux colorés, aux personnalités enjouées. “Dans un premier temps, cela m’a permis d’avoir une échéance, un objectif dans un avenir que je trouvais incertain”, analyse Émilie. Le déconfinement n’a rien changé : pour l’instant, pas de travail, pas d’école. Le nouveau rituel familial est parti pour durer. “Maintenant, je regarde plus souvent l’actualité du jeu vidéo et les promotions pour de nouveaux moments à partager avec mes enfants”, confie la maman. 

Le Bas-Rhin, bloc par bloc

Trois Bas-Rhinois, Jonathan, Thomas et Vincent se sont lancé un objectif depuis le début du confinement : reproduire leur environnement à l’échelle réelle dans le jeu Minecraft.

Jonathan, alias "DJ00", 20 ans, est en train de reproduire Souffelweyersheim, sa ville natale, dans le jeu vidéo Minecraft. “On construit là où on connaît”, explique l’étudiant en administration publique à Strasbourg. Il admet qu’il n’est normalement pas un gamer. Pourtant, à l’aide de cubes de différentes couleurs et textures, à la manière d’un jeu de construction, il a reproduit le croisement de la rue des Rossignols et de la route de Brumath ainsi que le pont voisin qui enjambe l’autoroute A4. Il se sert de l’application Google Street View comme modèle pour les bâtiments qu’il construits.

Le coronavirus étant toujours présent, les contacts physiques demeurent potentiellement dangereux. Dans ce contexte, les personnes qui cherchent à faire des rencontres repensent leur rapport à la séduction, aux rendez-vous galants et à la sexualité. 

Comment se déroule un rencard post-confinement ? Pour Alice*, 34 ans, le premier rendez-vous avec un homme rencontré via l’application Fruitz était masqué : “C'était étrange, mais je me suis sentie à l'aise. Le masque agissait comme un filtre : on était encore un peu planqué.” Porter un masque, des gants, respecter un mètre de distance… Des mesures qui ne sont naturelles pour personne. Théo, qui a rencontré des femmes pendant et après le confinement, ressent lui de la frustration. “ la situation sanitaire modifie les rapports de séduction. Avec un masque, on ne peut pas voir le sourire de la personne”, détaille le jeune homme de 26 ans.

 

La principale difficulté réside peut-être dans l'opposition entre envie de contact physique et distanciation sociale. “Une relation sans se tenir, sans se rouler des pelles, ce n’est pas une relation”, affirme Sylvain, 41 ans. Arthur, 33 ans, qui était dans un couple ouvert au début du confinement, a dû trancher le dilemme :. “On était tous les deux assez flippés par le Covid, mais c'était un risque à prendre. À un moment, lui faire un câlin était plus important que la peur du virus.”

Pour d’autres, comme Valentin, la peur de contaminer des personnes fragiles a pris le pas sur le contact physique. “ À 39 ans, je rencontre principalement des femmes qui ont des enfants. Avoir des contacts, c'est mettre en danger toute une famille”, explique-t-il. L’unique rendez-vous qu'il a eu post-confinement s'est déroulé sans masque, mais avec un mètre de distance. “On s'est fait la bise, naturellement, puis on s'est dit ‘merde, on a oublié il fallait pas !’”, avoue le Strasbourgeois.

 

Bien que certains aient continué de se rencontrer, Nadia Mariott, sexologue dans le Bas-Rhin, considère que le contexte sanitaire a un effet profondément négatif sur les rapports de séduction : “Il y a quelque chose de délétère, d'angoissant lié à la défiance de l'autre et au danger de mort. Les personnes célibataires qui essayent de rencontrer quelqu'un sont désespérées.” Avoir confiance en l’autre devient donc crucial avant le premier rendez-vous. Clara, 22 ans, a rencontré deux personnes depuis le déconfinement, et a eu des relations sexuelles avec l’une d’entre elles : “On n’avait pas de gants, pas de masque mais on en avait parlé avant. Ça me semblait un peu normal puisque déconfinement ne veut pas dire disparition du virus.”

Théo n’a eu de relations sexuelles qu’au sein de son cercle de connaissances. “J’ai eu le coronavirus. Mais les filles que j’ai vues, c’était des gens que je connaissais déjà, avec qui j’ai un rapport de confiance. Je les avais donc prévenus et ils ont tout de même souhaité qu’on se retrouve.” Avoir une relation sexuelle avec une personne inconnue lui poserait problème. Une solution qu’il se dit cependant prêt à envisager, à condition de discuter d’abord sur internet pour être sûr de son partenaire. Comme pour une maladie sexuellement transmissible. “C’est un peu comme une MST, on peut l’avoir, on peut la filer à d’autres”, estime Valentin.

Arthur est totalement en désaccord avec cette vision : “Un virus comme ça, c’est silencieux. Que ce soit avec la nana avec qui j’étais avant le confinement ou que ce soit avec quelqu’un d’autre, le potentiel de risque est le même.” Un virus volatile est plus facile à attraper qu’une MST. 

Les discussions préliminaires aussi sont différentes maintenant que le coronavirus bouleverse notre intimité. “Est-ce que tu as des symptômes, es-tu en bonne santé, est-ce que tu veux que je porte un masque ?” Les échanges avant le premier rendez-vous d’Alice ont été étranges : “C’était marrant parce que dans nos discussions, on se disait ‘est-ce qu’on doit faire une sérologie avant d’enlever le masque ?’” Ce qui était en jeu avec le préservatif hier vaut aujourd’hui pour un baiser.

Léo Bensimon et Juliette Mylle

Le confinement a isolé les personnes âgées, l’un des publics les plus vulnérables face au Covid-19. Dans le Bas-Rhin, cette période a été l’occasion de renforcer, non sans difficulté, l’utilisation des nouvelles technologies pour tenter de maintenir le lien avec les aînés. 

 

 “Avec les personnes dépendantes, la communication passe par les gestes : se tenir la main, une caresse… Skype ne remplacera jamais tout ça”, témoigne Marie-Laure, 57 ans. Sa mère, octogénaire, vit dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer et ne parle plus. Les échanges par Skype ont finalement été une épreuve douloureuse à vivre pour sa fille. Elle estime que “beaucoup vont mourir du manque de contact et de stimulation”.

 

Les services publics se sont saisis de l’outil numérique pour lutter contre l’isolement des personnes âgées, sommées de rester chez elles malgré le déconfinement progressif. Le conseil départemental du Bas-Rhin a fourni, en avril, 300 tablettes à 77 Ehpad. Le moyen de garder le contact avec les proches, dont les visites étaient interdites pendant le confinement. Freddy, infirmier-coordinateur dans une maison de retraite au nord de Strasbourg, bénéficiaire de six tablettes, explique que “les familles étaient demandeuses de visioconférences”. Voir leurs proches à distance fait “du bien” aux résidents qui sont parfois restés un mois sans sortir de leur chambre. 

 

“Il faut remettre le numérique à sa bonne place”

 

Pour les séniors dépendants, comme la mère de Marie-Laure, il est difficile d’appréhender la visioconférence, affirme Freddy. “Les personnes atteintes de troubles cognitifs pensent voir une photo ou une vidéo de leurs proches” sans comprendre qu’il s’agit d’une rencontre en direct. D’ailleurs, la présence physique favorise davantage la stimulation du cerveau que ne le permet le numérique, selon Frédéric Bernard, chercheur en neuropsychologie à Strasbourg. Les personnes âgées, en perte de capacités cognitives et sensorielles, sont d’autant plus concernées. 

 

“Il faut néanmoins remettre le numérique à sa bonne place, comme le maillon d’une chaîne. L’accompagnement est un facteur clé de prise en main et d’appropriation”, estime Véronique Chirié, ingénieure, présidente du Tasda*. Pour elle, l’arrivée de tablettes dans les Ehpad a eu lieu trop tard puisque “tous ces outils nécessitent beaucoup d’accompagnement, de soutien et de formation”.

 

Les personnes âgées font face à “une nouvelle dépendance” qui “les démoralise et fragilise leur estime de soi”. C’est ce qu’explique Alexandra de Saivre, fondatrice de Tous en tandem, une association qui promeut les nouvelles technologies chez les séniors, en collaboration avec des Ehpad à Strasbourg et Colmar. Pendant le confinement, les membres de l’association ont dû laisser de côté les appels via Skype et revenir aux traditionnels coups de téléphone.

 

 

Des initiatives pour démocratiser le numérique

 

Il n’a pas fallu attendre la crise sanitaire pour que la place du numérique dans le maintien du lien social avec les aînés soit prise en compte. L’association Génération mouvement 67 organisait déjà des séances de formation au numérique qui ont dû brutalement être suspendues. Jacques Cordonnier, le président de la fédération bas-rhinoise, y voit l’occasion de les repenser : “On va désormais ajouter à nos formations l’utilisation de la visioconférence. On s’est rendu compte que l’usage des tablettes ou des ordinateurs n’était pas évident, même pour ceux qui en ont l’habitude.”

 

Les personnes âgées sont cependant de plus en plus familiarisées aux nouvelles technologies par leur entourage ou au cours de leur carrière. Francine, 68 ans, est membre d’une association de séniors à Illkirch-Graffenstaden où elle a bénéficié, l’année dernière, d’une formation au smartphone. Le confinement lui a permis d’approfondir sa maîtrise de l’outil, notamment grâce à sa fille :  “Maintenant, j’arrive à utiliser WhatsApp et Hangout (deux applications de messagerie instantanée, ndlr). J’ai pu joindre une amie confinée au Laos et faire des apéros avec ma fille.”

 

Assurément, cette crise a au moins permis de rendre visible les conditions de vie du grand âge, estime Arnaud Campéon, sociologue spécialiste du vieillissement. Un point positif, selon lui, dans “une société de performance et de jeunisme où la place réservée aux personnes âgées n’est pas éclatante, alors que les 60 ans et plus représentent 15 millions de personnes en France”.

 

* Technopôle Alpes santé à domicile et autonomie : une association iséroise qui œuvre pour l’usage du numérique des personnes en perte d’autonomie et pour le soutien à domicile.

 

Inès Guiza et Myriam Mannhart

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