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Ari Huusela est dernier de la course depuis l’abandon de Sébastien Destremeau mi-janvier. Pas de quoi émouvoir cet épicurien, qui répète être "l’homme le plus heureux du monde" sur son bateau de classe Imoca. Sur ses réseaux sociaux, les photos de café (son péché-mignon) prises devant l’horizon sont légion. Il l’avait annoncé avant de s’élancer : son unique objectif est de boucler la boucle. Une déformation professionnelle de son métier de pilote de ligne. "La sécurité est une priorité, glissait-il à IS (en finnois) à l’aube du départ. Terminer en 100 jours serait un rêve, mais ça ne me dérange pas de prendre 120 jours." Son arrivée est prévue début mars, après 115 jours de course.
Un budget modeste, une équipe minime
Quand des favoris se sont brulé les ailes*, le Finlandais économise son bateau. Il reste sur un rythme de croisière, à 60% des capacités de sa monture. À l’arrivée, il compte bien la revendre et évite les risques inutiles. Pour le moment, la mission est réussie. Aucune grosse casse n’est à déplorer, même si le passage au Cap Horn a été mouvementé. Cette prudence est aussi motivée par la modestie de son budget (1,5 million d’euros), bien loin de celui de Charlie Dalin, premier sur la ligne** (environ 10 millions d’euros). Sur terre, l’équipe du Finlandais se limite à ses proches et à des bénévoles. Surtout, son embarcation a déjà bien vécu et réalisé trois tours du monde.
21h, dans le tram C qui part tout juste de la gare. Quelques voyageurs ont pris leur place dans le wagon, leur valise à côté d’eux. Ils reviennent de Paris, ayant pris le premier train qui part après le couvre-feu, celui de 18h43. Jamel revient d’une conférence du Conseil national des universités qui s’est finie plus tôt que prévu. "Il y a plus de gens dehors à Paris, raconte-t-il. C’est un cliché, mais ici les gens sont un peu plus disciplinés." Les autres voyageurs semblent plus fatigués que lui. Ils sont magistrats, stagiaires, médecins. À part eux, le tram est vide.
21h24, route du Polygone, dans le Neudorf. Une silhouette discrète sort d’un immeuble. "Je sors de chez la coiffeuse, elle travaille à domicile", glisse rapidement Mégane, munie d’aucune attestation. "J’habite de l’autre côté de la rue, je vais rentrer rapidement", promet la jeune femme. Sans se faire prier, elle jette un œil furtif à droite, à gauche. Aucune voiture à l’horizon. Elle disparaît au pas de course.
21h25, station de tram Étoile Bourse. La jeune femme qui semble frigorifiée dans son écharpe rose sur le quai, c’est Simsey. L’étudiante en Master d’administration publique sort de chez son frère. "J’y vais pour profiter de sa connexion internet, elle est meilleure que chez moi. Mais pas tout le temps, quand j’ai des cours importants, là j’avais un oral donc je ne voulais pas que ça coupe." Elle y va deux ou trois fois par semaine. A-t-elle déjà été contrôlée ? "Pas pour le moment, je croise les doigts", joignant le geste à la parole. Elle se confie "Il n’y a vraiment personne on se sent un peu seul…" avant de s’interrompre pour ne pas louper son tram.
21h40, parc du Heyritz. Pas une âme qui vive. Seuls les ragondins, cygnes et corbeaux s’agitent dans le parc devenu inquiétant de nuit.
20h11, Nouvel Hôpital Civil. Sarah attend son Uber. Interne en gastro-entérologie, la jeune femme ne quitte jamais les locaux avant 19h et retrouve donc un Strasbourg sans vie. "C’est vraiment pas arrangeant pour faire les courses, il faut se lever plus tôt ou s’arranger entre nous…", regrette-t-elle. Sa vie sociale s’articule donc autour de son lieu de travail. "On ne peut pas sortir mais entre internes, on a une vie sociale. On fait nos gardes ensemble, on mange ensemble. Évidemment on aurait préféré déjeuner ensemble ailleurs. C’est arrivé une fois qu’on fasse une soirée", poursuit Sarah, avant de rejoindre la voiture qui la ramènera chez elle.
20h35, dans le tram B entre Wacken et Homme de Fer. Deladie, une trentenaire auxiliaire de vie en maison de retraite rentre du travail. "Je n’ai pas le choix, c’est le boulot." Épuisée de sa journée de travail, elle apprécie le calme du wagon plus vide que d’ordinaire. "Je suis tellement fatiguée, ça m’apaise. Je peux regarder mes messages, personne ne me dérange, il n’y a pas d’étudiants qui parlent fort ou de personnes qui viennent me demander quelque chose."
19h49, près du parc des expositions. Yann, un jeune homme aux cheveux noirs, se dirige d’un pas pressé vers le tram. Il est infirmier à l’Hôpital de Hautepierre et aujourd’hui, il travaille en heure de nuit. "Franchement je ne vois pas de différence avec ou sans le couvre-feu parce que je continue à voir pas mal de monde dans les rues et je pense pas qu’ils vont tous bosser". Lorsqu’il rentre de l’Hôpital à 7 heures du matin, il trouve le tram déjà particulièrement bondé. "Avec le couvre-feu, les gens sont plus concentrés sur certains créneaux."
Au même moment, rue du Levant, à quelques mètres du Parlement européen. Marie-Louise, des cheveux blancs et les yeux gentils d’une grand-mère, promène sa chienne. Elle l’assure: "C’est calme, on ne rencontre presque personne après le couvre-feu. Il y a quand même des coureurs de temps en temps". Sa petite boule de poils blanche au bout de la laisse, Gena, fait la fête et demande des caresses. Alors qu’elle s’éloigne, elle s’exclame: "Ah bah tiens regardez!" Deux coureurs en tenue fluo traversent la rue.
19h30, dans la Petite France. Deux hommes discutent aux abords de l’Hôtel du département, l’un assis, l’autre debout, tous deux tournés vers l’Ill. "Bah comme vous voyez on boit des canettes en attendant un pote", évacue l’un deux, un rien méfiant. "Comme c’est le week-end pour nous on attend qu’il sorte du travail pour aller se poser chez lui", raconte l’autre, plus détendu. "On préfère l’attendre là et aller chez lui, parce qu’il y a de la famille chez moi. On ramène pas des gens comme ça."
19h18, arrêt Aristide Briand, au sud-est de la ville. Malik, 22 ans, est accoudé à une barrière en attendant son tram. L’heure ne le stresse pas pour un sou. Il sort du domicile d’une amie et rentre au sien : "Je ne me soucie pas du couvre-feu, si je dois être dans la rue après 18 heures, j’y suis c’est tout." Les possibles contrôles et l’amende qui irait avec ? "Je n’ai presque jamais croisé les flics et quand c’est le cas, ils ne s’arrêtent pas. Ils ont autre chose à faire en fait !"