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Il est 14h ce mercredi 2 octobre. Alors que la pluie s’abat sur la cité des Brasseurs, Christian Ball est en pleine discussion avec son « bras-droit », Dera Ratsiajetsinimaro, dans l’arrière salle de La Houblonnière, une bierstub typique située dans le cœur historique de Schiltigheim.

Récemment investi par Les Républicains pour les municipales de 2020, l’homme de 49 ans présente bien : rasé de près, cheveux impeccables, chevalière à l’annulaire gauche et veste de costume, sous laquelle un pull en cachemire fin cache une chemise rouge.

Né à Strasbourg, Christian Ball vit une enfance heureuse dans le quartier de la Montagne-Verte. Son père, tailleur de pierre originaire d’Edimbourg, et sa mère, vendeuse aux Galeries Lafayette, travaillent beaucoup. Le jeune garçon passe son temps chez ses grands-parents. « Avec un parrain communiste et un grand-père gaulliste, je suivais les débats politiques. A 11 ans, je découpais les articles de campagne dans la presse », raconte-t-il.

A cette époque, le jeune homme se rêve footballeur professionnel. Il joue milieu de terrain avec les moins de 17 ans du Football Club Strasbourg Koenigshoffen 06, à l’échelon national, et compte plusieurs sélections en équipe d’Alsace mais une déchirure des ligaments du genou brise ses espoirs. Le numéro 8 mettra deux ans à réapprendre à marcher. A 18 ans, son diplôme d'entraîneur en poche, Christian Ball se lance dans un BTS en Comptabilité et gestion puis débute une carrière dans les assurances. 

Un homme de terrain

Entre temps, ce gaulliste et pro-européen convaincu s’est engagé avec le RPR et commence à prendre des responsabilités. La politique, Christian Ball l’aime au niveau local. En 2000, une Schilikoise entre dans sa vie. « Je suis tombé amoureux de ma femme et de sa ville .» Il ne quittera ni l’une ni l’autre.

 Schilick, c’est son cheval de bataille. Lors des élections municipales 2008, il apparaît pour la première fois sur une liste divers droite, en huitième position, comme le numéro floqué dans son dos du temps où il foulait encore les pelouses d’Alsace. En 2014, Christian Ball, qui se définit lui-même comme têtu et obstiné, prend la tête de la liste UMP. Son ralliement au second tour à Jean-Marie Kutner (UDI), finalement élu, le propulse premier adjoint.

Mais en 2017, un désaccord avec le maire le pousse à quitter son poste. Le démissionnaire est suivi par 14 autres élus. Le conseil municipal perd alors plus d’un tiers de ses membres. Le candidat veut aujourd’hui s’affranchir de cette image écorchée. Il n’y a pas eu de « putsch », comme l’ont écrit les médias locaux, se défend Christian Ball.

Lui martèle son « amour viscéral » pour les autres : « Je suis quelqu’un d’extrêmement empathique.» Une proximité avec les gens qu’il dit ne retrouver que sur le terrain. Là encore, le sport n’est jamais loin.

Son fidèle compagnon de l’arène politique, Dera Ratsiajetsinimaro, va même jusqu’à le comparer à Jacques Chirac. Lorsqu’il le rencontre en 2011, il est immédiatement séduit par le personnage. Ce qui le frappe le plus, encore aujourd’hui, ce sont ses qualités d’anticipation : « Gouverner, c’est prévoir ! », glisse-t-il, faisant référence à Emile de Girardin. 

« Il est très organisé », poursuit celui qui au fil des années est devenu plus qu’un simple collaborateur : « Il y a une vraie amitié et une vraie complicité entre nous. On passe plus de temps ensemble qu’avec nos femmes, et elles ne manquent pas de nous le reprocher », s’amuse Dera Ratsiajetsinimaro. « J’essaie de garder des moments pour la famille. Ca vous rend plus fort », répond Christian Ball qui accompagnait sa fille de 19 ans au concert du chanteur Gims au Stade de France le 28 septembre dernier.

Ce féru d’histoire évoque la maxime de Pierre Mendès France « Gouverner, c’est choisir ! », sa ligne directrice. Le choix, ce sont les électeurs qui l’auront en mars prochain, mais le séguiniste « plus déterminé que jamais» l’assure : « La politique c’est comme le foot, aucun match n’est joué d’avance ». 

 

Robin Magnier

A six mois des élections municipales de Schiltigheim, Christian Ball a été investi par son parti, les Républicains, le 24 septembre dernier. Portrait d’un homme déterminé. 

Sarah Chopin

À Koenigshoffen, l'équipe de football féminine de moins de 15 ans du club FCSK06 a joué son premier match de saison ce mercredi 2 octobre contre l'équipe de Cronenbourg. L'occasion de rencontrer la coach de Koenigshoffen, Lucile Lodel, et parler de l'après coupe du monde. Selon elle, il y a bien eu un petit effet « post-coupe du monde » sur le nombre de nouvelles recrues. Mais le foot féminin a commencé à se faire une place dans le champ médiatique et sportif depuis déjà quelques années. 

Loana Berbedj et Nicolas Massol

Souvent qualifié de passoire thermique, un ensemble d’immeubles du quartier de l’Esplanade fait l’objet de travaux de réhabilitation — dans le parc public, comme dans les copropriétés privées. Malgré les aides publiques, l'investissement reste lourd pour le bailleur public et les propriétaires.

Pas mal de bruit et beaucoup d'échafaudages. C’est l’ambiance, depuis quelques mois, de la partie de l’Esplanade située entre les rues de Palerme, de Rome et l’allée Jean-Pierre-Lévy. Les travaux en cours visent à réduire la facture énergétique de plusieurs immeubles, détenus par Ophéa (ex-CUS Habitat), le principal bailleur public de l’Eurométropole, mais aussi par des copropriétés privées. 

De fait, ces bâtiments, construits dans les années 1960, sont souvent qualifiés de passoires thermiques : les charges liées au chauffage y sont particulièrement élevées. Et tirent à la baisse le prix au mètre carré dans le parc privé.

Pour Marc Philibert, le directeur général de l’Association des résidents de l’Esplanade, le problème ne date pas d’hier : “Ça fait vingt ans que je dirige l’Ares et qu’on parle du montant des charges.” Face à un risque de déclassement du quartier, des investissements ont donc été décidés. Si les travaux de réhabilitation dans le parc public sont directement financés par l’Eurométropole, en revanche, les copropriétaires privés doivent mettre la main à la poche. Pour les y inciter, un certain nombre d’aides publiques sont prévues.

Le centre de développement chorégraphique national Pôle Sud fête cette saison ses 30 ans. Installée au milieu de la Meinau, rue de Bourgogne, la salle de spectacle peine à s’intégrer dans le quartier, malgré les projets à destination des habitants.

Pôle Sud fête cette saison ses 30 ans d’existence. En 1989, la MJC de la rue de Bourgogne  se tourne vers la danse. « A cette période, il y a eu l’émergence d’un tas de projets autour de la danse vers lesquels s’est dirigé Pôle Sud. Les clubs sportifs ont été fermés mais l’école de musique a été conservée, explique Sylvie Fovanna, attachée aux relations publiques depuis vingt ans par le centre chorégraphique national. C’est l’époque de la décentralisation et de la démocratisation de la culture. » 

Démocratisation jusque dans l’architecture du lieu, réhabilité en 2004. Le bâtiment abrite aussi la médiathèque et le centre socio-culturel (CSC) avec lequel Pôle Sud travaille régulièrement et qui lui offre une meilleur visibilité auprès des familles. Le parvis peut faire office de scène. « Nous voulons mixer les publics et ouvrir les œuvres à tous », assure Sylvie Fovanna qui mentionne Extra-ordinaire, Trajets Phéno-Meinau ou un marathon de la danse, des projets de rencontres entre artistes et résidents du quartier.

Mais son fer de lance à la Meinau, ce sont les écoles. Des quatre maternelles du secteur au collège Lezay-Marnésia, les élèves découvrent des spectacles via des ateliers pédagogiques menés par des artistes. Laëtitia, qui vit à la Meinau depuis six ans, se souvient que sa fille avait assisté à une représentation avec son instituteur : « Ça lui avait beaucoup plu ! »

Selon Sylvie Fovanna, « le lien n’a jamais vraiment été coupé mais il a été plus ou moins fort selon les périodes ». Et d’ajouter : « La plupart des habitants de la Meinau connaissent le centre chorégraphique. » 

Pôle Sud, méconnu dans les environs 

Mouldi et son ami discutent sur le parvis du CSC. A leur droite, des spectateurs se pressent devant Pôle Sud, un spectacle va commencer. Aucun d’eux ne semble le remarquer mais Mouldi fréquente l’institution : « Cela permet aux enfants de s’exprimer via la musique plutôt que de traîner dans la rue. » Son ami, qui vit depuis cinquante ans dans le quartier, ne connaît pas le centre chorégraphique. 

Pour Yannick Pfister, éducateur spécialisé au sein de l’association Jeunes équipes d’éducation populaire (JEEP), cette méconnaissance de Pôle Sud est d’abord due à des projets peu accessibles : « Il existe deux parties à la Meinau : un quartier prioritaire de la ville (QPV) avec ses tours, et une partie pavillonnaire. Les résidents du QPV, surtout les jeunes avec lesquels nous travaillons, préfèrent faire du rap ou du slam. Ils n’aiment pas forcément les activités proposées par Pôle Sud. » Yannick Pfister travaille pourtant avec le centre chorégraphique.

La volonté de rendre Pôle Sud accessible se prolonge au niveau des tarifs. « Les cours de musique coûtent cher. Nous avons donc baissé le prix pour les gens du quartier », détaille Sylvie Fovanna. Une demi-heure de cours de musique par semaine coûte 420€ par an en tarif plein. Elle est réduite à 400 € pour les habitants du quartier et 345 € pour les demandeurs d’emploi et allocataires CAF.

Des tarifs peu accessibles

Laetitia, malgré la bonne expérience de sa fille, trouve les tarifs excessifs : « Pour les activités de ma fille, qui durent deux fois plus longtemps, je paie seulement 100 € par an ». Sengathit, 44 ans, dont la fille et le mari sont inscrits à l’école de musique, ne partage pas cet avis : « Ce sont les tarifs, je ne trouve pas qu’ils soient plus chers qu’autre part. » 

« Oui, il y a des réductions, admet Yannick Pfister. Mais les cours de musique et même les stages et les spectacles restent extrêmement chers pour des gens qui n’ont même pas les moyens de faire des sorties à la piscine à 1€ ». Les résidents de la Meinau représentent tout de même près de 50 % des effectifs.

Judith Barbe et Aïcha Debouza

Philippe Kern, le directeur adjoint de l'IUT, admet que le rythme du cursus est intense./ Photo Mariella Hutt

« On avait déjà les murs, un projet solide, des rendez-vous avec les architectes… Tout ça est aujourd’hui suspendu à une décision judiciaire… » Dépités, six habitants de Koenigshoffen se posent la même question, mercredi 2 octobre, lors d’une permanence du conseil citoyen du quartier. Verront-ils un jour sur pied la maison des services publics, projet qu’ils soutiennent à bras le corps depuis deux ans ? Avec l’installation le 22 juillet dernier de l’Hôtel de la rue, un squat de 160 personnes, dans l’ancien siège de la brasserie Gruber, le plan est aujourd’hui contrecarré.

Après l’enthousiasme, la résignation

Tout avait pourtant bien commencé. L’Eurométropole avait préempté le bâtiment, inoccupé depuis 2010 et racheté par la Ville de Strasbourg en 2018 pour un montant de 910 000 €, au RSI, le régime social des indépendants d’Alsace. Les architectes s’étaient déjà mis au travail et les travaux de rénovation devaient commencer d’ici un an.

De leur côté, plusieurs habitants de Koenigshoffen s’étaient montrés intéressés par la concentration de services administratifs. Le centre médico-social, la mairie de quartier, les locaux de la direction du territoire, une antenne de la CAF, de la CPAM, un pôle fracture numérique avec des ordinateurs, des accompagnateurs et une permanence Pôle emploi devaient être regroupés dans un même bâtiment, route des Romains. 

« Le dispositif entendait ramener de la proximité à Koenigshoffen, alors qu’on est l’un des seuls quartiers prioritaires de la ville à ne pas posséder, encore, de maison des services publics », témoigne Suzanne B., membre du conseil citoyen et bénévole à Par’Enchantement, l’association des parents du quartier. On n'est pas contre l’Hôtel de la rue, mais ce projet correspondait à nos attentes. Imaginez qu’aujourd’hui, on doit prendre une demi-journée pour aller à la CPAM ! »

« C’est pénible de savoir que c’était un beau projet et qu’un jour... paf ! C’est squatté », résume Mohamed Erramami. Le médiateur habitat à l’association Par’Enchantement se sent impuissant, « d’autant qu’il y a de grosses structures associatives qui soutiennent le squat Gruber… »

La Ville entre deux feux 

Pour ces bénévoles actifs dans le quartier, la mairie de Strasbourg pèche par son inaction. « Lorsqu’on l’a vue mettre à disposition des bennes pour les ordures, on s’est dit "c’est fini pour notre maison des services publics" », témoigne Sahid. En réalité, la Ville ne faisait qu’appliquer la loi. « Dans tous les cas, depuis l’Hôtel de la rue, il y a de moins en moins de monde aux réunions du conseil citoyen », constate-t-il. 

Sous le feu des critiques, la mairie a tenté de clarifier sa position, dans un communiqué publié le 31 août dernier. Faisant un pas vers les habitants mécontents, elle rappelle avoir déposé plainte dès le 24 juillet, pour « occupation illicite » du bâtiment. « Il s’agissait de signifier clairement qu’une telle occupation ne saurait être durable dans ce site, où la Ville avait déjà engagé un projet », précise-t-elle. Edson Laffaiteur, président de l’association La Roue Tourne, qui gère le squat, doit ainsi comparaître face au juge le 5 novembre prochain, à 8h45.

D’ici là, et le début des travaux de la maison des services publics, la municipalité indique qu’une « évolution positive et responsable de la situation (...) ne se fera pas sans un dialogue et la mise en place d’un projet structuré, avec des compétences reconnues en matière d’hébergement d’urgence et d’accompagnement sanitaire et social ».

Avec les municipales, une période d’expectative 

À l’Hôtel de la rue, on souhaite en tout cas faire perdurer le squat. Pour preuve, plusieurs bénévoles travaillent à l’élaboration d’une convention et souhaitent s’entourer de professionnels. « Des médecins, des psychologues, des assistants sociaux, des éducateurs… Il nous manque ces compétences, on sait qu’on ne peut pas tout faire », explique Edson Laffaiteur. 

Reste que dans les rues de Koenigshoffen, certains soutiennent l’Hôtel de la rue et mettent en avant la nécessité d'avoir un toit. D’autres ne se sentent pas concernés et beaucoup ignorent tout de ce qui se joue au parc Gruber. De son côté, la mairie entretient le flou sur les échéances de la maison des services publics. Sa position d’équilibriste, pour ne fermer le dialogue ni avec les uns, ni avec les autres, n’aide pas à y voir plus clair. Et Mohamed, l’une des six personnes présentes à la permanence citoyenne, d’avancer : « Sauf si la justice en décide autrement, la situation pourrait perdurer. A l’approche des municipales, je ne pense pas que des politiques se risqueront à chasser quiconque du squat. »

Nicolas Arzur et Thémïs Laporte

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