Vous êtes ici

Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.

Télécharger l'original

Par : Louise Claereboudt

Sur Instagram, des centaines d’hommes et de femmes aux milliers d’abonnés exposent leur vie quotidienne, en apparence parfaite, pour en tirer profit. Ancienne miss Prestige Alsace, Léa Marie Grotzinger (39 000 abonnés), alias mysweetcactus, est blogueuse et influenceuse à plein temps depuis six mois. A 26 ans, le strasbourgeois Maurice Style (29 000 abonnés) cumule les casquettes d’influenceur et de chargé d’influence marketing. Dans l’univers parfois impitoyable des réseaux sociaux, ces nouveaux travailleurs ont décidé de tout miser sur leur image.

Influenceurs

Crédits

Directeur de la publication : Christophe Deleu 

Directrice des études : Rafaële Brillaud 

Encadrement : Etienne Guidat, Raphaël Da Silva

Rédacteur en chef : Maxime Arnoult 

Chef d'édition : Victor Boutonnat 

Réalisation : Nicolas Arzur, Judith Barbe, Loana Berbedj, Hugo Bossard, Estelle Burckel, Pauline Boutin, Caroline Celle, Sarah Chopin, Emma Conquet, Laurie Correia, Aïcha Debouza, Mickaël Duché, Jérôme Flury, Aurélien Gerbeault, Marine Godelier, Mariella Hutt,Thémïs Laporte, Robin Magnier, Benjamin Martinez, Nicolas Massol, Julia Toussaint

Encadrement technique : Guillaume Bardet

 

Depuis 25 ans, l’Alsace est donc légèrement au-dessus de la moyenne nationale lors des élections européennes. Cet écart est bien plus marqué lors des élections présidentielles, même s’il se réduit depuis 2012 en parallèle de l’explosion générale du vote RN et de l’arrivée de Marine Le Pen.

La présence de plusieurs institutions européennes dans la ville de Strasbourg, et la proximité de l’Alsace avec son voisin allemand, n’empêchent pas d’en faire une place forte du parti profondément eurosceptique. Un rapide retour en arrière permet d’établir une correspondance entre le vote d’extrême-droite et le rejet d’une Europe forte. À titre d’exemple, lors du référendum de 2005 sur l’adoption d’une Constitution européenne, certains cantons alsaciens ont enregistré un taux de « Oui » particulièrement faible. C’est le cas de Saales (42,5%) et de Schirmeck (43,4%), deux communes où le RN arrivait largement en tête lors des européennes de 2019, avec respectivement 33,3% et 33,4%. 

 

Le niveau de vie au sens de l’INSEE s’entend comme le revenu disponible par personne. Dans les 44 communes alsaciennes où le RN a réalisé ses meilleurs scores en 2019, ce niveau de vie médian s’élève à 21 669 euros. En comparaison, il atteint 25 925 euros dans les communes où La République en Marche a enregistré ses meilleurs résultats, soit 4 256 euros d’écart. Pour Bernard Schwengler, ce différentiel « recoupe le clivage socioprofessionnel ». En effet, en se penchant sur la composition socioprofessionnelle des communes où la liste de Jordan Bardella fait ses meilleurs scores, il ressort que la part d’ouvriers et d’employés est supérieure à celle des 44 autres communes. 

« Depuis les années 1990, ce sont les ouvriers qui votent le plus RN, analyse Bernard Schwengler. Le parti a beaucoup changé dans son discours, son programme est construit autour des revendications sociales, de la défense des retraites… Il va dans le sens d’un vote ouvrier. » Le docteur en sciences politiques avance aussi une raison historique : dans cette région, la gauche s’est moins implantée qu’ailleurs. « En 1918, il n’y avait pas de parti radical socialiste en Alsace, alors qu’il s’était développé dans le reste de la France depuis 1870. » A défaut d’une gauche travailliste pour défendre leurs intérêts, certaines catégories populaires se sont donc tournées vers l’extrême droite. À l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures, ainsi que les agriculteurs, sont plus nombreux dans les 44 communes à faible vote RN.

Cela explique que dans les années 1990, quand le FN commence à séduire les ouvriers, le vote d’extrême droite gagne du terrain loin des villes alsaciennes. Aux élections européennes de 1999, Kirreberg, la commune affichant le score le plus élevé pour le FN (27%), se situe en Alsace Bossue. Si les écarts entre les communes affichant le plus fort ou le plus faible pourcentage de vote FN sont significatifs, il convient de rappeler qu’en raison d’un nombre plus important d’électeurs, les grandes agglomérations totalisent, en valeur réelle, plus de votes FN. Le parti fondé par Jean-Marie Le Pen enregistre de bons scores dans les grandes agglomérations comme Strasbourg, Colmar ou Haguenau, avec respectivement 7%, 8,7%, et 10,1%. Les suffrages montrent bien que le déplacement du vote d’extrême droite vers la campagne a commencé à se concrétiser. Mais il demeure encore morcelé sur le territoire.

En 2019, un vote de plus en plus polarisé 

Les résultats des européennes de 2019 confirment ces observations, avec une concentration plus importante du vote RN sur certains territoires. Une fois encore, c’est en Alsace Bossue, dans les Hautes-Vosges ou encore aux alentours de Mulhouse, que le parti enregistre ses meilleurs résultats. Dans certaines communes, il passe la barre des 35%. À Magny, dans le Haut-Rhin, il atteint même 54,3%, contre 17,9% en 1999. À l’époque, la commune se plaçait déjà dans la moyenne haute (entre 13,6% et 27%). Ces chiffres mettent en lumière la progression fulgurante du parti d’extrême droite aux élections européennes. 

En revanche, dans les territoires urbains, le vote RN a faiblement augmenté, voire diminué. Dans la plupart des communes de l’Eurométropole, on observe des scores légèrement plus élevés qu’il y a 20 ans. La seule ville de Strasbourg enregistre une augmentation de 5,8 points de pourcentage, une variation relativement faible comparée au reste de l’Alsace. Il en est de même à l’ouest de Colmar.

Cette nouvelle répartition s’expliquerait donc par la conquête du monde ouvrier - fortement présent hors des grandes agglomérations - par le RN. « Il y a eu un moment où, à composition sociale équivalente, le FN avait les mêmes scores en Alsace Bossue que dans les quartiers ouvriers de Strasbourg comme le Neuhof. Progressivement, dès les années 1990, c’est devenu un vote davantage rural. Or, ce qui semble être un vote rural plus que urbain reflète en réalité les catégories socioprofessionnelles », déroule Bernard Schwengler.

Les revenus des votants RN inférieurs à ceux de LREM

Le vote RN, perçu comme un vote d’opposition, est-il vraiment l’apanage des ouvriers ? Dresser le profil sociologique du votant RN en Alsace est une démarche infaisable en raison de l’anonymisation des scrutins. Néanmoins, certains éléments caractéristiques ressortent de l’étude des 880 communes du territoire. 

Pages