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20/12/24
17:23

Cyberdéfense européenne : les États sont-ils unis face aux hackers ?

Entre piratages et désinformation, l'UE est menacée en ligne. Les États membres essaient timidement de coopérer pour résister à ces menaces, mais une défense commune sur la question reste un horizon lointain.

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Le secteur de la santé est aussi touché. En France entre 2022 et 2023, trente hôpitaux ont fait l’objet d’une attaque par rançongiciel. Illustration : Sasha Lefere et Imen Megherbi

"La sécurité ne se limite pas aux menaces extérieures. Les cybermenaces et les menaces hybrides s'amplifient", a alerté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son discours d'investiture du 18 juillet 2024. Ces dernières années, les opérations qui déstabilisent la société, comme les cyberattaques, ont explosé dans les démocraties et notamment dans l’UE

La France en a d'ailleurs fait les frais durant sa campagne présidentielle de 2017. Quelques jours avant le second tour du scrutin, les messageries électroniques de personnalités d'En Marche ! sont piratées. Résultat : plus de 70 000 documents et e-mails internes au parti sont rendus publics sur le web et les réseaux sociaux. Nommée "Macron Leaks", l'affaire a fait grand bruit, les pirates ayant mélangé des documents authentiques avec des falsifiés, dans le but de brouiller la frontière entre vérité et mensonge. Presque deux ans plus tard, Le Monde révélera que cette tentative d'intrusion dans la politique française avait été menée par des groupes de pirates, proches du renseignement militaire russe.

Même si elle n'est pas la seule, la Russie demeure un acteur majeur en termes de menace cyber. Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne en 2022, plusieurs pays européens connaissent une augmentation des cyberattaques venant d'organisations russes. En Estonie, on observe que le nombre d'attaques de déni de service – qui consistent à multiplier les connexions sur un système pour le paralyser – a augmenté de 60 % entre 2022 et 2023. "Nous avons assisté à une intensification des piratages à motivation politique, liés aux tensions géopolitiques et aux conflits en cours. Par exemple, notre soutien à l'Ukraine a fait de nous une cible pour les hacktivistes du Kremlin, analyse Gert Auväärt, directeur général adjoint de l'Autorité estonienne du système d'information (RIA). On découvre en permanence de nouvelles vulnérabilités et les outils techniques pour les détecter et les exploiter s'améliorent."

Une cyberdéfense européenne, mission impossible ?

Pour détecter les menaces, l'UE s'appuie sur son agence pour la cybersécurité, l'Enisa. Mais cette dernière ne possède qu'un pouvoir de conseil. Et si certains acteurs, comme Ursula von der Leyen, plaident pour une cyberdéfense européenne, une coopération entre États sur le sujet semble bien lointaine. En cause : la proximité entre cybersécurité et renseignement, qui provoque une réticence des pays à transférer la gestion de leur défense et à partager leurs informations avec leurs voisins. 

Faute de pouvoir disposer d’une cyberarmée européenne, l'UE mise alors sur la coordination des capacités nationales des pays. C'est d'ailleurs l'un des objectifs du règlement européen sur la "cyber solidarité" adopté le 2 décembre 2024 par les gouvernements des Vingt-Sept. Il s'agit de créer un "système d'alerte de sécurité" afin de mieux préparer les secteurs stratégiques comme la finance, l'énergie et la santé, aux potentielles attaques. Il est également prévu de mettre en place une liste d'experts en cybersécurité prêts à intervenir à la demande d'un État membre, ou d'institutions de l'UE pour "contenir le feu" d’une cyberattaque. Ces mesures visent à remédier aux inégalités de capacités de réponse aux piratages entre les divers pays.

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Illustration : Sasha Lefere et Imen Megherbi

Car si des États sont moins avancés, selon Arnault Barichella, chercheur associé en cybersécurité à l'institut Jacques Delors, "certains pays comme la France, l'Allemagne ou l'Estonie ont mis en place des mesures ambitieuses au cours des dernières années". L'Hexagone s’est par exemple doté, dès 2009, d’une agence nationale spécialisée dans la cybersécurité : l’ANSSI. Connus comme les "cyber pompiers" français, ses agents interviennent lors d’une cyberattaque pour l’arrêter et identifier les pirates.

Des cyberattaques à la désinformation

En parallèle de cette protection des infrastructures numériques, la France s’arme aussi face aux menaces informationnelles. Elle est considérée comme en pointe dans la lutte contre la désinformation et a créé en 2021, la Viginum, un bureau dédié à l’observation des ingérences étrangères. "À sa création, l'agence était unique à travers le monde. Et depuis qu'elle existe, notamment cette dernière année, nous avons été très sollicités par des partenaires étrangers, plutôt européens", explique Claire Benoit, la cheffe du bureau de coordination et stratégie de la Viginum. 

À lire aussi : Européanisation de la défense : le sacrifice des souverainetés ?

La multiplication de ces ingérences étrangères pousse d'autres pays à suivre l'exemple français. La Suède s'est ainsi dotée d'un service analogue en 2022. À l’instar des cyberattaques, la désinformation peut elle aussi déstabiliser les processus démocratiques, comme en témoigne le cas récent de la Roumanie. À l'occasion de ses élections présidentielles en décembre 2024, le pays a été la cible d’une vaste opération d'influence pro-russe sur les réseaux sociaux qui visait à inciter la population à voter pour le candidat d'extrême-droite, Calin Georgescu. Ce dernier est finalement arrivé en tête au premier tour du scrutin. Les liens directs entre cette campagne de désinformation et les conséquences ne sont pas encore avérés. Toutefois, la situation a conduit la Cour constitutionnelle de Roumanie à invalider les résultats du premier tour, allant jusqu'à l’annulation des élections.

Mélissa Le Roy

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