Hervé, le collectionneur aux 2 000 tomes
« Je m'étais trompé au début, jai commencé à lire le manga par le tome deux », avoue le restaurateur de 29 ans. Fan de l’œuvre depuis l’enfance, il a accumulé plus de 2 000 mangas au fil du temps. Trois affiches complètent sa collection ce soir, mais pas la chope en verre qu’il pose trop énergiquement sur le sol et se brise en mille morceaux. « Ce n’est pas grave, je l’avais eue gratuitement », dit-il en ramassant les éclats de verre. Le collectionneur ne tarit pas d’anecdotes sur la série et conseille même des livres pour ceux qui seraient tentés de s’ouvrir aux mangas. « Pour commencer, je dirais des light novel parce que ça ressemble un peu à des romans, mais dans un style japonisant », conclut-il en souriant.
« Pour une ville qui veut donner la priorité à la culture, ça ne passe pas. » Dans le centre de Strasbourg, au pied de la cathédrale, ce mercredi matin, des employées du Musée de l’Œuvre Notre-Dame fument une cigarette durant leur pause. Quand est abordé le sujet des nouvelles modalités d’ouverture, un malaise se fait sentir : « On n’a pas vraiment le droit de parler de ça », lâche Lorène*. Dans un communiqué, le 31 août dernier, la ville annonçait l’évolution des horaires d’ouverture de ses onze musées municipaux : un jour de fermeture supplémentaire par semaine et une heure par jour, de 13 à 14 heures. Une décision justifiée par le manque de personnel, que les agents des musées peinent à comprendre.
Des compléments de revenus perdus pour les étudiants
Comme l’explique Anne Mistler, adjointe au maire en charge des arts et de la culture, à nos confrères de Télérama, « depuis 2017, il y a eu dix-sept postes d’agent d’accueil et de surveillance supprimés au service des musées ». Pour faire face à cela, la Ville a dû faire appel à des vacataires. Mais pour cette rentrée, la municipalité souhaite réduire l’enveloppe financière que représente leur recrutement. Sans embaucher de nouveaux employés, pas d’autres choix que de fermer davantage les musées.
Seloua et sa fille : mangas, jeux de rôle et pixel art
Seloua, 46 ans, participe avec sa fille aux différentes activités prévues par la librairie. Perle après perle, elle reproduit minutieusement le personnage Chopper sur une petite plaque blanche en plastique. « A la base, je ne connaissais pas One Piece. Je me suis mise à regarder l’animé pour créer du lien avec ma fille et je découvre un peu plus l’univers aujourd’hui », sourit la maman sous ses boucles brunes. « Souvent on me dit que ce n'est pas de mon âge, que je ne devrais pas regarder ça, mais moi je trouve qu’il n’y a pas d’âge pour apprécier les mangas ! », affirme-t-elle avec conviction. Mère et fille sont présentes depuis quatre heures et repartiront avant la fin de la soirée à minuit. « Elle a cours à 8h demain matin, mais bon, je l’ai autorisée à rester ce soir pour lui faire plaisir », confie Seloua avec un sourire.
Myriam et Saran : One Piece, à la vie, à la mort
Bob rose feutré sur la tête et peluche à la main, Myriam tenait à se déguiser en Chopper pour la soirée. La jeune femme ne regarde l’animé One Piece que depuis trois semaines, pourtant, elle connaît déjà l’univers de la piraterie par cœur. Le responsable de sa nouvelle obsession se trouve à côté d’elle et n’est autre que son petit ami Saran. « Il ne m’a pas laissé le choix et m’a dit One Piece, c’est la raison pour laquelle je vis. Si tu veux devenir ma femme il va falloir t’y mettre… Je n’avais pas trop le choix ! », s’amuse la jeune femme en lui lançant un regard complice. « Et puis, il faut dire qu’elle entendait parler japonais au petit-déjeuner, elle ne comprenait rien donc elle en a eu marre », renchérit son copain en riant. La cosplayeuse a dû se mettre au diapason et regarde l’animé en version originale. Travaillant aux Halles à proximité, elle a même pu anticiper l’achat du tome 102 pour son compagnon qui en fait la collection. « J’ai acheté le manga en avance parce que j’étais sûre qu’il arriverait trop tard ce soir pour l’avoir », révèle-t-elle en montrant le poster offert dans l’édition collector du nouveau tome.
La Première ministre a annoncé, ce mercredi, une série de mesures pour faire face à la hausse du prix du gaz et de l’électricité, à l’approche de l’hiver.
« On va attendre combien de morts avant de réagir ? » assène Christian Prud’homme, secrétaire général du syndicat Force ouvrière Hôpitaux universitaires strasbourgeois (FO-HUS). Au Nouvel hôpital civil (NHC), l’alerte a sonné 19 fois depuis le 1er janvier 2022. Deux fois par mois, une pour chaque épisode de saturation où des patients ont passé plus de 12 heures sur un brancard. La dernière date de mercredi après-midi. La veille, un homme de 81 ans est mort sur son brancard. Il avait attendu 22 heures sans recevoir de soin, et avait été retrouvé inanimé par l’équipe de l’après-midi qui prenait la relève de celle du matin. La faute à un manque de lits, d’organisation, de personnel et de bienveillance hiérarchique, selon le syndicat.
Aux urgences, c’est « le marqueur fort, quand un patient passe plus de 12 heures sur un brancard », appuie Christian Prud’homme. Ce temps écoulé, « on devrait être redirigé vers un autre service ou renvoyé chez soi ».
Le 31 août déjà, selon le syndicaliste, 26 des 40 patients présents ont passé plus de 12 heures sur leur brancard. Rebelote le lendemain. 43 patients étaient pris en charge, dont 25 étaient restés allongés plus de 12 heures. Le service est saturé au-delà de 30 patients. L’un d’eux sera déclaré mort à 14 h 40 dans l’après-midi du 1er septembre. Une enquête judiciaire a été ouverte pour ces deux décès. Sur place, aucun urgentiste n'a souhaité nous répondre.
« C’est vraiment qu’au NHC qu’on a ces problèmes »
Le syndicaliste affirme que ce qui afflige les urgences du NHC va bien au-delà des problématiques connues de l’hôpital public. « On a les mêmes difficultés qu’ailleurs. Mais on a aussi un souci de surcharge, de respect de notre hiérarchie et d’organisation. » Il va plus loin encore, en affirmant que les autres établissements des HUS ne sont pas concernés : « On a subi 12 départs en quatre mois. Aucun autre service n’a connu ça. On a même eu une soignante qui a quitté le service pour l’hôpital de Hautepierre. Ça prouve bien qu’ailleurs, ça va mieux. »
Ces départs entraînent des fermetures de lits, faute de personnels pour prendre les patients en charge. Un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années, comme le rapportait Libération en décembre 2021 : en 16 ans, 75 000 lits ont été fermés. Le syndicaliste affirme avoir fait remonter ces problèmes à sa hiérarchie. La direction des HUS, que nous avons sollicitée en vain, a reçu et entendu les doléances des syndicats. « Mais rien n’a été fait », affirme Prud’homme. « La Direction générale repousse ou rejette, pour des raisons qui nous échappent. » Quant au ministère, malgré les nombreux courriers envoyés cette année, le silence est de mise.
Christian Prud’homme avance trois pistes pour éviter la chute, sans prétendre avoir de « solution miracle ». D’abord, mettre en place un gestionnaire de flux qui permettrait, en amont, de prévenir des situations de surcharge pour permettre au service de mieux s’adapter. Ensuite, réorganiser le « pôle paramédical et médical avec une attention portée sur le management », autrement dit, selon lui, un changement hiérarchique. Enfin, mettre en place un « service tampon » qui aurait pour rôle d’alléger la charge des urgentistes pendant les périodes de forte affluence. Dans l’état actuel des choses, il redoute que plus de ses confrères ne quittent le service, faute de pouvoir « exercer leur travail dans de bonnes conditions ».
Amjad Allouchi
Edité par Matei Danes
Aya, pirate fauchée mais heureuse
Beaucoup ont saisi cette occasion pour se déguiser. Aya a jeté son dévolu sur le personnage principal du manga, Luffy : un chapeau de paille orne sa tête et une cape repose sur ses épaules. Sa passion a débuté il y a trois ans, lorsqu’elle est allée voir l’un des films de la franchise au cinéma. « Je suis fan de One Piece ! A chaque arc narratif, on ne sait pas à quoi s’attendre, c’est plein d’émotion », s’exclame la jeune femme de 22 ans. « J’ai vu l’événement sur Instagram, alors je me suis dit pourquoi pas venir. Je ne regrette pas, l’ambiance est incroyable ».
La strasbourgeoise n’a cependant pas pu acheter le tome 102 en avant-première. « Je n’ai pas assez d’argent pour le moment », plaisante-t-elle avant de partir, sa cape noire voletant dans son dos alors qu’elle rejoint ses amis dans la rue.