Ses deux passages éclair auront plongé la salle 101 du tribunal de Strasbourg dans une atmosphère de flottement et de confusion générale, le mercredi 15 février après-midi. Renvoyé de France et accusé de ne pas avoir respecté son assignation à résidence à Épinal – à plus de 120 km de Strasbourg –, cet homme de nationalité nigériane débarque d’abord dans la pièce en silence, tremblant, escorté par deux policiers.
Alors que son interprète lui tend un écouteur dont il se saisit avec difficulté, le quadragénaire a seulement le temps de balayer du regard chacune des personnes présentes, que le président prend déjà sa place pour débuter un dialogue de sourds : « Vous êtes sans domicile fixe, célibataire, sans ressources… Acceptez-vous d’être jugé immédiatement ? » Pour seule réponse, l’homme à l’allure élancée vers qui tous les regards sont dirigés balbutie quelques mots incompréhensibles.
L’avocat n’a pas pu préparer la défense de son client
« Désolé, je ne comprends pas ce que dit ce monsieur. Ce n’est pas de l’anglais, ou en tout cas pas un anglais que je comprends », s’excuse la traductrice. Puis subitement, le quadragénaire parvient à sortir, dans un anglais parfait : « Si je dois être jugé, il me faut savoir pourquoi. » Il s’agit là d’une des seules interactions fluides. Mais ne souhaitant pas rappeler les faits déjà exposés, le président conclut avec impatience : « Qui ne dit mot ne consent pas, nous ne pouvons pas juger cette affaire immédiatement. »
Dans la foulée, l’avocat du Nigérian baisse les bras, expliquant aux juges ne pas avoir réussi à communiquer avec son client la veille de sa comparution : « J’ai eu un entretien assez lunaire. Ça ressemblait à une partie de kamouloux à chaque fois que je m’adressais à lui. Je ne peux que recommander une expertise psychiatrique. »
Durant ces brefs échanges, l’homme en question fixe les membres du public, les sourcils haussés, comme cherchant le motif de sa présence au tribunal. Le président tente une ultime communication : « L’anglais est-il votre langue maternelle ? On parle anglais avec maman ? » Le prévenu répond par l’affirmative, sans développer, sous le ricanement des policiers derrière lui qui le raccompagnent ensuite vers la sortie, menotté.
L’affaire sera jugée le 23 mars
Une demi-heure plus tard, après concertation des juges, le Nigérian revient dans la salle d’audience, toujours couvert d’une épaisse doudoune noire malgré la chaleur de la pièce. On lui explique la décision du tribunal : son cas sera jugé le 23 mars, il sera maintenu en détention et examiné par un psychiatre d’ici là. « J’ai une question », lance-t-il alors en anglais. « Ce n’est plus le moment », lui répond sèchement le juge.
Parmi les membres du public, une jeune femme chuchote : « Il a l’air perdu. » C’est le mot, et il s’applique à la vingtaine de personnes présentes : nous sommes perdus. Son arrivée en France, son voyage interdit d’Épinal vers l’Alsace, sa santé mentale… Autant de questions à propos de cet homme qui, le temps d’une audience de quelques minutes, restent en suspens.
Luc Herincx
Édité par Nils Hollenstein
Charlotte Thiede
Édité par Quentin Celet
Les tensions se cristallisent à l’Assemblée nationale, notamment depuis la nomination de la dernière législature. Retour en images sur les sanctions les plus marquantes de l’histoire parlementaire.
Une dizaine de manifestants kurdes se sont introduits dans l’hémicycle du Parlement européen. Ils demandent la libération d’Abdullah Öcalan, ancien leader de l’organisation terroriste PKK, emprisonné en Turquie depuis 1999.
Existe-t-il un adage plus adapté que « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » pour décrire la relation unissant l’Iran et la Chine ? Honnis par les pays occidentaux, les deux régimes ont scellé leur amitié à l’occasion d’une visite du président iranien à Pékin mardi 14 février.
Ebrahim Raïssi a été accueilli sur le tapis rouge de l'immense Palais du peuple, au bord de la place Tiananmen. La dernière visite d’État – plus haute forme de contact diplomatique entre deux pays – d’un président iranien en Chine, remonte à l’an 2000.
« Face à la situation complexe entraînée par les évolutions du monde, de l'époque et de l'histoire, la Chine et l'Iran se soutiennent mutuellement, affichent leur solidarité et leur coopération », a déclaré Xi Jinping.
Soutiens de la Russie
Cette rencontre intervient au moment où l’Iran et la Chine font face à de fortes pressions occidentales, notamment en raison de leurs positions vis-à-vis de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L'Iran fait partie des derniers grands pays à offrir son soutien à Vladimir Poutine, dont l'isolement diplomatique s’intensifie depuis l'intervention militaire russe fin février 2022. La République islamique est accusée de fournir à la Russie des drones militaires utilisés contre l'Ukraine, ce que Téhéran dément. L’Union européenne pourrait d’ailleurs viser des opérateurs de drone iraniens dans son dixième paquet de sanctions contre Moscou.
Partenaire stratégique de la Russie, la Chine rechigne à prendre position. Pékin exhorte au respect de la souveraineté des États, tout en appelant à prendre en compte les préoccupations russes en matière de sécurité.
Alliés commerciaux
La Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial de l'Iran, selon l’agence de presse nationale iranienne Irna. Entre mars 2022 et janvier 2023, la République islamique a exporté vers la Chine pour 12,6 milliards de dollars (11,7 milliards d’euros) de marchandises, tandis qu'elle a importé pour 12,7 milliards de dollars de produits chinois.
La coopération économique entre la Chine et l’Iran s’est approfondie durant la période des sanctions internationales : le commerce bilatéral est passé de 4 milliards de dollars en 2014 à 51,8 milliards en 2023.
En mars 2021, Pékin a signé un vaste accord stratégique avec l'Iran, bête noire des États-Unis dont les lourdes sanctions asphyxient l'économie de la République islamique. Valable pour 25 ans, ce grand partenariat couvre l'énergie, la sécurité, les infrastructures et les communications.
L’Iran occupe également une place au sein de l’Organisation de coopération de Shanghaï depuis septembre 2021. La première rencontre entre Xi Jinping et Ebrahim Raïssi s’était d’ailleurs tenue à l’occasion du sommet de cette année à Samarcande, en Ouzbékistan.
Une relation de longue date
Depuis la normalisation de leurs relations en 1971, la Chine et l’Iran n’ont cessé d’intensifier leurs liens.
« Surprenante association que celle nouée entre la monarchie impériale de droit divin du shah puis, après 1979, la théocratie des mollahs, et un régime communiste chinois proclamant son attachement à l’athéisme », relève le sinologue Emmanuel Lincot dans son ouvrage Les Proche et Moyen-Orient et la Chine : des fondamentaux historiques aux nouvelles routes de la soie, paru en février 2021.
Si leurs idéologies diffèrent, les deux régimes se rejoignent dans leurs dérives autoritaires. Tandis que la Chine confine et traque sa population sans relâche depuis le début de la pandémie, l’Iran réprime violemment la sienne depuis la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre. Suite au mouvement de contestation déclenché par le décès de cette femme de 22 ans, arrêtée pour une infraction au strict code vestimentaire de la République islamique, l’Iran compte peu d’alliés. Raison de plus pour se tourner vers l’Est et fermer les yeux sur la répression de Pékin à l’égard de la minorité musulmane des Ouïghours au Xinjiang.
Jeudi 16 février, le président chinois Xi Jinping annonçait qu'il se rendrait à son tour en Iran en visite d'État. Si la date n'est pas encore fixée, le symbole est bel et bien ancré.
Audrey Senecal
Édité par Matei Danes