En Bucovine, dans le nord de la Roumanie, la campagne fait fuir plus qu'elle n'attire. Avec ses quelques animaux et son potager, Ionuț Loba, rare trentenaire de la vallée, porte à bout de bras les traditions de son village et de la vie rurale. Récit et diaporama.
Prendre la relève : une responsabilité collective
Derrière ses larges lunettes et son sourire en coin, l’homme d’affaires reconnaît l’opportunité économique que représentent ces nouveaux flux de marchandises pour son pays. Il le croit dur comme fer : aider l’Ukraine à exporter ses marchandises permettra de financer et de gagner la guerre. « On a accueilli les réfugiés, c’est très bien. Maintenant, il faut aider les fermiers à vendre leurs produits et à faire tourner l’économie. » La Commission européenne a bien versé 450 millions d’euros à la Roumanie pour donner asile aux déplacés, mais le soutien sonnant et trébuchant pour la reprise en main des marchandises ukrainiennes est encore en suspens. Un oubli intenable pour Viorel Panait, qui juge le sujet explosif. « Les Ukrainiens sont assis sur 25 millions de tonnes de céréales qui attendent d’être exportées. À la fin de l’année, ce sera 110 millions de tonnes de plus. Au-delà de la famine, il s’agit de soutenir les industries du monde entier. Pour le fer, on parle de 40 millions de tonnes bloquées en Ukraine. Sans ces matières premières, votre frigo coûtera le double l’année prochaine. »
Avec la guerre à ses portes, la Roumanie se charge désormais d’une large partie du transfert des exportations de l’Ukraine. Par camion, train et barges, les marchandises transitent largement par le sud du pays, mettant à rude épreuve des infrastructures dépassées.
Pour régler le problème et accélérer les flux, le ministère des Transports, Sorin Grindeanu, s’est engagé à rénover les cinq kilomètres de rails problématiques avant septembre. Une opération à 260 millions d’euros, à laquelle un responsable du groupe allemand DB Schenker, chargé de la logistique des exportations internationales, ne croit guère. « Entre ce que le gouvernement dit et ce qu’il fait… J’attends de voir. » Sans attendre les investissements promis, le transit des marchandises ukrainiennes à Galați a d’ores et déjà augmenté de 15 %.
Le conflit accélère la mise en place de ces nouvelles routes commerciales, une opportunité de taille pour la Roumanie et l’UE, ainsi mieux connectées à l’Ukraine et au reste du monde. Plusieurs observateurs roumains s’accordent à penser que cette « porte de secours » que représente leur pays sera toujours utile après la guerre. Les investisseurs espèrent que ces chemins se pérenniseront, quand bien même le ciel d’Odessa s’éclaircit.
Éléonore Disdero
Maintenant, les poids-lourds s’entassent de tous côtés. Certains remplis de marchandises attendent de finir les formalités administratives pour descendre à Constanța, 150 kilomètres plus au sud. Pour les autres, à vide, il faut patienter avant de prendre la barge – une toutes les trois heures – et rentrer en Ukraine. Parce que les moyens financiers manquent pour mettre en place plus de passages et que le poste frontière n’a pas la place d’accueillir plus de camions, les routiers en provenance d’Odessa patientent plusieurs jours avant de pouvoir traverser le fleuve.
260 millions d’euros pour moderniser les rails
Du côté de Galați, port fluvial majeur de la Roumanie un peu plus au nord d’Isaccea, d’autres marchandises ukrainiennes franchissent, elles, la frontière moldave avant d’être convoyées par voies de chemins de fer jusqu’aux deux ports de la ville. Problème, l’écartement des rails moldaves – héritage de l’époque soviétique – et roumains n’est pas le même. Résultat, les trains se retrouvent bloqués à un ou deux kilomètres de leur destination. Une perte de temps considérable pour les convois de marchandises qui peinent à arriver jusqu’aux barges de Galați, elles-mêmes chargées de descendre jusqu’à Constanța par le Danube, empruntant en fin de course un canal construit sous l’ère Ceaușescu.