Niché entre le stade du Racing club de Strasbourg et la route de la Meinau, le petit quartier des Villas attise les convoitises des agents immobiliers. Un îlot de calme où les familles espèrent trouver la maison idéale, proche du centre, mais isolée du tumulte de la ville. Ce privilège a un coût.
© Abdoulaye Guisse et Mélissa Le Roy
Louise Pointin et Elsa Rancel
Il se remémore avec amertume une grève qu’il avait initiée en tant qu’élu CFDT pour négocier les cadences et les salaires. Les menaces de la direction de ne pas verser les primes de Noël avaient mis un terme à la mobilisation au bout d’une journée. Il raconte aussi les industries qui "ont fermé les unes après les autres", l’apparition du chômage de masse et la disparition de commerces à la Canardière. Il cite le bar Tout pour la gueule, situé avenue de Normandie : "Je ne sais pas pourquoi ce désert, tout ce vide." Malgré ces fermetures, Saïd Kaneb continue à voir les avantages de la vie à la Meinau, "agréable à vivre, malgré ce que l’on raconte, il y a des parcs, le lac Baggersee…"
Cet ancien militant du Parti socialiste travaille chez Baco pendant 35 ans ; il termine sa carrière en 2003, à l’âge de 60 ans, avec "la retraite de Mitterrand". Après des années à militer au sein du parti à la rose, on lui propose une place éligible sur la liste de Catherine Trautmann pour les élections municipales de 1989. Mais sa place fait débat : "Quand j’ai posé ma candidature, le nom de Saïd Kaneb faisait peur." Le PS s’inquiète de perdre des voix en mettant un nom maghrébin sur sa liste et le rétrograde en position non-éligible. Mais il négocie, déterminé à "ne pas faire l’Arabe de service" car "je suis français". On le remonte finalement dans la liste et il reste élu au conseil municipal jusqu’en 1995, période au cours de laquelle il dit avoir "lancé l’idée" de construire la Grande mosquée de Strasbourg, inaugurée en 2011.
Aujourd’hui retiré de toute activité syndicale et politique, il suit quand même le réaménagement urbain porté par la municipalité depuis 2006. L’abattage de 70 platanes sur l’avenue de Normandie en 2018 l’a ému : "Je me suis battu pour les garder." Malgré cela, Saïd Kaneb ne se voit pas vivre ailleurs, d’autant plus que sa seconde femme Nadia rencontrée en Algérie, l'a rejoint en 2020.