Sarajevo la bosniaque, Mostar la croate, Banja Luka la serbe : trois cités-totem pour un seul pays. La Bosnie-Herzégovine peine à réconcilier ses peuples. Les accords de Dayton ont mis fin aux combats, mais le pays vit coupé en deux, séparé par l’ancienne ligne de front devenue frontière intérieure entre deux entités. D’un côté, la Republika srpska, à majorité serbe, garde jalousement la gestion de son territoire. De l’autre, la Fédération bosno-croate, éclatée en dix cantons et autant de gouvernements, se perd dans les lourdeurs administratives.
Au milieu de ce millefeuille, l’Etat ne parvient pas à se construire une autorité. Trois présidents, un de chaque communauté, exercent cette fonction alternativement. Les institutions centrales et les réformes sont paralysées par les divisions entre les peuples.
Le pays, sous tutelle internationale, doit avancer sur le chemin du compromis s’il veut regagner sa souveraineté. Le Haut représentant des Nations Unies, incarnation du protectorat étranger, a posé les conditions à son départ : les responsables politiques doivent s’entendre, entre autres, sur la répartition des biens de l’Etat.
La Bosnie devra aussi se doter d’une nouvelle Constitution, jugée discriminatoire par la Cour européenne des droits de l’Homme en décembre. Ceux que Dayton appelle les « Autres » - juifs, Roms, Bosniens qui ne se déclarent d’aucun des trois peuples constitutifs – ne peuvent prétendre à un mandat national.
Accordée aux voisins croates et serbes, mais refusée à la Bosnie, l’exemption de visas pour l’espace Schengen est attendue par les citoyens. Les Bosniens sont appelés à rejoindre l’Union européenne. Ils aspirent, dans l’immédiat, à sortir librement de leurs frontières.
Elodie Auffray
Du 2 au 28 mai 2010, le Centre d'enseignement du journalisme s'est installé en Bosnie-Herzégovine, quinze ans après les accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre. Près de cinquante étudiants ont enquêté à Sarajevo, Mostar et Banja Luka. En quatre semaines de reportages, ils ont réalisé et produit un magazine radio, un numéro spécial de News d'Ill et des reportages vidéo et multimédia.
Les accords de Dayton ont mis fin à la guerre, ils ont échoué à construire la paix. Rencontres à Mostar, où Bosniaques et Croates se partagent le territoire, à Banja Luka, la ville dont les Serbes veulent faire leur capitale, et près de Sarajevo, où se sont implantés des réfugiés qui nourrissent, ou non, des rêves de retour.
L’un se dit Serbe de Bosnie, l’autre se veut musulman et Bosniaque. A l’école ou au café, c’est chacun son histoire et chacun chez soi. Pour tous, la carte du parti est un sésame, dans un pays où les ressources sont plus que rares. D’une voix l’autre, itinéraire sonore.
Magazine diffusé le 3 juin 2010 dans «Et pourtant elle tourne» sur France Inter.
Le 10 juillet 2010, le magazine de la rédaction de France Culture était
également réalisé par les étudiants du CUEJ.
A l'approche de nouvelles élections, Bosniaques, Croates et Serbes campent sur leurs divisions. Voyage au pays des identités nationales.