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Alain Lamassoure: les enjeux de la négociation budgétaire


14 mars 2013

"Faire tomber le chateau de cartes de Van Rompuy"

Le président de la commission des budgets est au poste de pilotage des opérations. Entretien.

Comment, à partir de maintenant, les négociations avec le Conseil vont-elles s’organiser ?

Le score d’hier sur l’approbation de la résolution a déjà beaucoup frappé les esprits. Le Conseil européen pensait que l’affaire était bouclée, il se rend compte que ce n’est pas le cas. Les négociations sur le cadre financier pluriannuel vont être un peu compliquées. En ce qui concerne la commission des budgets, la négociation classique va être entamée, avec deux rapporteurs pour les dépenses, et deux pour les recettes. La date n’est pas encore fixée. Le trilogue (Commission, Conseil, Parlement) aura probablement lieu dans les quinze jours.

Parallèlement à ces négociations budgétaires, les commissions législatives vont négocier avec les ministres la base juridique de cet accord. Si ces commissions travaillent bien, elles vont faire tomber le château de cartes de Van Rompuy.

Nous espérons arriver à un accord final pour juin 2013, c’est-à-dire la fin de la présidence irlandaise au Conseil.

En quoi la négociation des actes législatifs peut-elle avoir un impact sur l’accord conclu au Conseil eropéen ?

Leur impact peut être gigantesque ! Le Parlement peut changer les trois quarts des conclusions de ce Conseil européen. Les chiffres ne seront pas remis en question, mais les critères, eux, peuvent être modifiés. Par exemple, le montant du Fond de cohésion est défini en fonction du PIB. La Pologne, seul État, à avoir vu sa croissance augmenter de 2 à 3% par an, se verra donc attribuer un fond de cohésion augmenté de 5%, alors que la Grèce, qui est en récession, verra ce fond baisser de 30%. C’est illogique: le Fond de cohésion est censé bénéficier aux pays les plus pauvres. Il faudrait le critère inverse !

Tel qu'il est, ce budget, c’est vraiment un paquet de 27 cadeaux. Quel que soit le niveau, on veut des critères différents. Le Parlement va modifier la répartition entre les politiques publiques et entre les États.

Quel est l’état d’esprit du Parlement européen ?

Je ne suis pas sûr que la majorité des collègues osera dire non au cadre financier pluriannuel. Le Parlement n’a pas une culture de la révolte mais une culture de bon élève. Regardez le « two packs » d’hier: il a seulement réussi à le reculer d’un an.

Il y a 20 ans, l’état d’esprit du Parlement c’était la révolte permanente. De 1979 à 1989, le budget a été rejeté 8 fois sur 10. Aujourd’hui il a un peu peur de ses pouvoirs, il a peur de la critique. Quand le Congrès aux USA dit non au Président, il est estimé. Si le Parlement rejette un accord, Van Rompuy dit que le Parlement est irresponsable. C’est une épreuve de force psychologique. Je voudrais essayer d’insuffler cet esprit de révolte, quand c’est nécessaire.

Le Parlement européen a le pouvoir juridique de rejeter l’accord, mais en l’absence du pouvoir de lever les recettes, peut-il politiquement le faire ?

C’est vrai que c’est le seul domaine où le Parlement n’est pas un vrai parlement. Il a le pouvoir sur les dépenses mais pas sur les impôts. Il faut créer un vrai budget démocratique, revenir aux traités, à une autonomie budgétaire. Il faut que l’UE soit financée par des ressources propres. Aujourd’hui 95% des ressources de l’Union sont des cotisations nationales ; ça constitue une vraie paralysie.

Cette situation donne lieu à un double jeu des gouvernements : le Parlement demande aux nations plus d’argent, alors que Conseil demande de la rigueur. Les gouvernements se disent européens alors qu’en même temps ils veulent garder la rivalité du pouvoir.

Un ministre des finances ne peut pas me dire sérieusement qu’il veut appliquer l’agenda 2020, mais qu’en même temps il ne veut pas augmenter les cotisations de son pays, et refuser que l’UE ait des ressources propres. Il faut faire un choix:  soit on augmente les cotisations, soit on crée des ressources propres. Pour moi, les ressources propres sont la seule solution. La taxe financière qui s’applique à onze pays est une première étape.

Claire Le Moine

Olivier Mougeot

 

 

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