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Traite des êtres humains : la cacophonie de l'UE


12 mai 2016

Face au retard de la Commision pour évaluer les efforts des Vingt-Huit au sujet de la traite des êtres humains, le Parlement a décidé d'agir. Jeudi 12 mai les députés ont voté une résolution pour exiger des avancées.

« Le trafic d’être humain est partout. Ouvrez vos yeux », Catherine Bearder eurodéputée (ADLE, libéraux) a interpellé sans ménagement la Commissaire européenne en charge de la Justice Vera Jourova, jeudi 12 mai lors de la session plénière. La Commission aurait dû présenter en avril un rapport sur les mesures prises par les Etats membres contre la traite des êtres humains depuis l'adoption d'une directive sur le sujet en 2011. Face à son immobilisme, le Parlement a pris les devants et a adopté une résolution appelant les Etats membres a prendre leurs responsabilités. 

Qu’est-ce que la traite ?

Les activités concernées sont multiples : l’exploitation sexuelle, le travail ou le mariage forcé, le prélèvement d’organes, la mendicité sous contrainte ou les adoptions illégales. L’exploitation peut être double : « des fillettes ou adolescentes sont forcées de travailler en se prostituant », résume l’eurodéputée suédoise et rapporteuse du texte Malin Björk (GUE, gauche radicale). Si les victimes féminines sont plus concernées par l’exploitation sexuelle, une étude autrichienne de 2014  a montré que les hommes étaient défavorisés dans leur accès aux services d’assistance.  

Les divisions européennes

Selon Europol au moins dix mille enfants migrants ont disparu ces deux dernières années. Mais les désaccords continuent entre les élus européens. « En refusant un accès légal aux migrants sur notre territoire, nous ne leur laissons pas d’autres choix que d’emprunter les routes des trafiquants », insiste l’eurodéputée Konstantina Kouneva (GUE, gauche radicale).

Selon la députée indépendantiste Margot Parker (EFDD, souverainistes) c’est justement la « libre circulation des personnes [qui] réduit la possibilité de détecter les victimes et les trafiquants ».  « Pour mieux contrôler il faut quitter l’Union européenne », assène t-elle sous les chuchotements mécontents de ses collègues parlementaires.

L’hétérogénéité des politiques nationales

Les contrastes persistent : le 6 avril la France est devenue le cinquième pays européen à pénaliser les client-e-s de prostitué-e-s, après la Suède qui l’avait fait dès 1999, la Norvège, l’Islande et le Royaume-Uni. La prostitution reste tolérée ou autorisée dans les autres Etats membres. « Il faut criminaliser les trafiquants », insiste Malin Björk (GUE, gauche radicale). « C’est en luttant contre la demande que la traite reculera ».

Vera Jourova, la commissaire européenne en charge de la Justice, des droits des consommateurs et de l’égalité hommes-femmes, se défend du retard pris depuis 2011 : « En 2013, 13 procédures d’infraction ont été prononcées car les pays n’avaient pas communiqué sur le droit communautaire. »  

« Sur le terrain c’est plus compliqué »

En France la protection des mineurs non accompagnés reste compliquée. « Un dispositif expérimental va être mis en place cette année pour éloigner les mineurs victimes des trafiquants », admet Guillaume Lardanchet, directeur de l’association Hors la rue qui aide les mineurs étrangers. Il s’agit de les protéger en évitant qu’ils fuguent ou qu’ils subissent des pressions extérieures une fois qu’ils sont identifiés.

« Mais il faut favoriser le dialogue entre les différentes institutions car sur le terrain c’est plus compliqué», pointe du doigt le directeur. « Il arrive encore que des jeunes soient condamnés pour des actes qu’ils ont été contraints de commettre. La voie pénale ne fait pas toujours le lien avec la traite. Ces enfants sont encore vus comme des délinquants. » Il convient désormais à la Commission de rebondir sur la résolution du Parlement et d'assurer enfin la non-poursuite des victimes de la traite.
 

Clélia Bénard

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