Vous êtes ici

Le semestre européen ou l'illusion du pouvoir parlementaire


16 février 2017

Le Parlement européen a discuté du semestre européen cette semaine, procédure qui permet une coordination des politiques économiques des Etats membres. Mais les eurodéputés peinent toujours à faire entendre leur voix dans cette procédure.

La crise économique fait des ravages en Europe depuis 2008. La croissance ne repart pas, le taux de chômage reste important dans les pays du sud, et la crise de la dette n'est pas encore tout à fait réglée. Les Etats tentent d’appliquer unilatéralement leurs propres remèdes à une crise qui touche l’ensemble de l’Union européenne, sans succès probant jusqu’ici.

20170216-LP 16805218_251056912018465_579946168_o.jpg“Les Européens oublient que les économies des Etats sont étroitement liées”, regrette Bas Eickhout, eurodéputé néerlandais (Verts/ALE), à la sortie de l’hémicycle du Parlement européen, mercredi 15 février. C'est justement pour permettre une meilleure coordination des politiques économiques entre les Etats que le semestre européen a été lancé en 2010. Une procédure de coordination qui se joue principalement entre la Commission et les Etats membres. La première émet des recommandations sur les grandes orientations économiques que les seconds devraient suivre pour sortir de la crise. Mais, à la fin, ce sont les gouvernements nationaux qui décident d’appliquer ou non ces lignes directrices. “Le semestre européen correspond plus à un système de surveillance globale qu'à une gouvernance où sont décidées les politiques économiques. Il s'agit pour la Commission de repérer les incompatibilités entre les politiques économiques des Etats”, explique Stéphane de la Rosa, professeur de droit public à l’Université de Valenciennes. Et le Parlement européen dans tout ça ? Il est saisi pour donner son avis sur les recommandations de la Commission. Un rôle flou pour beaucoup.

Une simple hambre d’enregistrement

Le rapport consultatif de l'eurodéputé suédois Gunnar Hökmark (PPE, centre-droit) sur le Semestre européen 2017 a été adopté mercredi au Parlement européen. Un rapport qui évalue positivement les priorités économiques fixées par Bruxelles. Relancer la croissance et l’emploi, réduire les déficits budgétaires et la dette. Il encourage les investissements et l'achèvement, enfin, de l'Union bancaire. “Le travail parlementaire effectué est très important puisque la Commission n’a pas d’autres choix que de prendre en compte l’avis du Parlement”, explique M. Hökmark. Un optimisme qui n'est pas partagé dans tous les groupes parlementaires.

“On savait que le rapport allait être adopté, M. Hökmark avait déjà une majorité qui lui était acquise. C’est pour ça que le débat sur le semestre européen n’avait pas grand intérêt”, confie Bas Eickhout. Trois commissions parlementaires se sont mobilisées pour donner leur avis sur les recommandations de la Commission : économique, sociale et budgétaire. Mais la député Anne Sander (PPE, centre-droit), membre de la commission de l’emploi et des affaires sociales, pointe un déséquilibre dans ce fonctionnement : “les députés demandent à ce que les commissions soient sur le même plan. Mais les traités ne mettent pas l’aspect social sur un pied d’égalité avec l’aspect économique”.

La commission économique devant, les autres derrière

Lors des débats en séance plénière mardi soir, le commissaire Dombrovskis, en charge de l’Euro et du dialogue social, a parlé en longueur du volet économique du semestre européen. Le social n’a été que succinctement évoqué à la fin de son discours. Il s'est contenté de rappeler que l’UE devait « se montrer “sociale” envers les plus démunis ».

20170216-LP 16804745_10154817874028564_1927781444_o.jpgTrop peu pour Marie Arena, eurodéputée belge (S&D, sociaux-démocrates), également membre de la commission de l’emploi : “le rapport se limite à évoquer les perspectives attrayantes pour le secteur de l’emploi dans le numérique mais rien n’est dit sur les inégalités sociales qui sont au coeur du problème” déplore-t-elle. Elle appelle de ses voeux une fusion des commission économiques et sociales : “il faut un seul et même rapport sur le semestre européen !”.

Malgré tout, certains députés ont salué un début d'inflexion dans les orientations économiques de la Commission, jusqu'ici placées sous le signe de la rigueur. M. Eickhout l’explique très simplement par des différences de situation éclatant au grand jour : “les pays du nord de l’Europe, excédentaires budgétairement, veulent imposer une rigueur budgétaire à des pays du sud qui appellent de leurs voeux une politique de relance par l’investissement public”. Mais Stéphane de la Rosa reste prudent : « il y a un relâchement dans le respect des critères économiques imposés par la Commission mais on ne peut pas dire qu'il y a un changement global. »

L'eurodéputé néerlandais Bas Eickhout (Les Verts/ALE)

Texte: Clément Nicolas & Léo Paichard 

Photos: Léo Paichard & Diane Sprimont

 

Imprimer la page