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Les outils européens de la lutte contre le terrorisme


11 février 2015

Une Europe démunie face à la menace terroriste? C’est la question qu’on a pu se poser après les attentats de Paris en janvier dernier. Pourtant, l’Union Européenne a défini une stratégie face à la montée du terrorisme et dispose d’un arsenal institutionnel pour y faire face. Le 11 septembre 2001 a fait prendre conscience aux pays membres que la lutte contre le terrorisme ne pouvait pas simplement relever de la compétence nationale et les a poussé à la coopération internationale. Après la vague d’attentats en Europe dans le milieu des années 2000 (Madrid en 2004 et Londres en 2005), le Conseil s’est doté d’une stratégie de lutte contre le terrorisme et en a posé les bases constitutionnelles lors du Traité de Lisbonne (2009). Il a également crée au sein de son secrétariat général le poste de coordinateur anti-terrorisme. Voulant concilier sécurité de ses citoyens et libertés individuelles, la politique antiterroriste de l’UE repose sur quatre domaines d’actions. 

1) Prévention 

Le premier pilier de cette stratégie européenne vise à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes. Les priorités dégagées à l’époque ont une résonance avec les préoccupations d’aujourd’hui : détecter et combattre les conduites particulières, réfréner l’incitation et l’enrôlement dans les lieux propices (prisons, lieux de culte…). Internet était déjà l’outil de la radicalisation et dès 2009 un réseau européen d’experts en matière de radicalisation (ENER) avait été mis en place afin de favoriser le dialogue entre les milieux universitaires et les décideurs politiques. A cela s’est ajouté en 2011 le Réseau de Sensibilisation à la Radicalisation (Radicalisation Awarness Network, RAN) qui rassemble des acteurs confrontés aux dérives extrémistes comme les éducateurs, les conseillers d’insertion, les forces de police ... 

2) Protection 

Le second objectif de l’UE est d’assurer la sécurité des citoyens et des infrastructures en  réduisant leur vulnérabilité aux attentats. Cette sécurisation passe d’abord par la protection des frontières extérieures via par exemple le système d’information de Schengen de deuxième génération (SIS II). Il permet le signalement de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour. Une amélioration combinée à un perfectionnement technologique avec notamment l’introduction des passeports biométriques. En coordination avec la sécurisation des frontières extérieures, un Fond de Sécurité Intérieure a été débloqué afin d’apporter un soutien financier aux Etats membres dans le domaine de la sécurité intérieure. Une aide qui a permis d’assurer la protection des lieux publics, définis comme «cibles vulnérables» avec par exemple le développement du réseau des polices aéroportuaires, AIRPOL

3) Poursuite 

La poursuite de l’UE contre les terroristes prend deux formes. La première est policière et judiciaire, et a pour finalité de coordonner les autorités répressives. Le principal outil de ce cadre juridique est le mandat d’arrêt européen. Sous demande formulée par l’autorité judiciaire d’un Etat membre, la remise d’une personne est obligatoire sous un délai de 16 jours (si l’individu concerné consent à son extradition) ou de 48 jours (sinon). C’est par exemple grâce au mandat d’arrêt européen que Mehdi Nemmouche, auteur de l’attentat du musée juif de Bruxelles en 2014, a été extradé de Belgique vers la France.  

En plus de sa coopération internationale avec les Etats-Unis, l’Europe a également approfondi son canal d’échange d’informations à l’échelle européenne via deux institutions, Eurojust et Europol. En 2012, l’ECRIS (European Criminal Records Information System) a alors vu le jour. Ce système permet d’uniformiser et d’accélérer l’échange d’information sur les condamnations en connectant les bases de données des casiers judiciaires. 

La seconde s’attaque au financement du terrorisme par l’établissement d’une cellule de renseignement financier (CRF) dans les pays de l’UE, pour signaler les transactions suspectes.  Un accord transatlantique a même été mis sur pied en 2010 avec le TFTP Agreement (Terrorism Finance Tracking Programm) qui se concentre sur les réseaux de soutien. Un mécanisme particulièrement sollicité face aux combattants partis se battre à l’étranger (Syrie, Irak) et résidents d’un pays membres. 

4) Réaction

Le quatrième piler de la stratégie antiterroriste de l’UE vise à faire face aux conséquences d’un attentat terroriste sur le territoire d’un Etat membre.  La clause de solidarité du Traité de Lisbonne fait force de loi face à une attaque. Tous les pays membres doivent porter assistance au pays agressé en mettant à disposition ses moyens militaires et civils. La principale illustration de cette solidarité est le Mécanisme de protection civile permettant le déploiement d’aide humanitaire ou par exemple l’assistance militaire, via le ERCC, le Centre de Coordination de la réaction d’urgence

Selon le site du Conseil européen, entre 2009 et 2013, 1010 attentats (avortés, déjoués ou réussis) ont été recensés dans les Etats de l’UE, causant la mort de 38 personnes. Il faut y ajouter les 17 victimes des attentats de Paris de janvier 2015. 

Manon Descoubès

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