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Grâce au temps libre retrouvé, une activité a fait son trou parmi les loisirs : le jardinage. Une tendance que l’on retrouve dans le potager des Bas-Rhinois ainsi que dans les jardineries et autres pépinières du département, qui battent des records de vente.

“Au début, on livrait nos clients, mais on a eu tellement de demandes qu’on n’avait plus le temps de le faire", raconte Claude Barthel, responsable de Fleurs Barthel à Dorlisheim, qui ne chôme pas depuis le confinement. Car avec cette période particulière, l’intérêt de la population pour le jardinage s’est accru. “On a noté un surplus de 30% de ventes de plants de légumes”, poursuit-il. Un constat que partage Eric Bertha, responsable du magasin Botanic à Strasbourg : “Depuis Pâques, on voit une forte progression de notre chiffre d’affaires, entre 30 et 50%. Samedi 9 mai, on a établi un nouveau record en une journée ! On vit un truc de fou. Tout ce que l’on a perdu en mars, on l’a récupéré en un mois.”

Sur Youtube où il partage depuis 2016 ses conseils pour cultiver sans effort, Didier Helmstetter, alias “Le jardin du paresseux”, est passé de 20 000 à 29 000 abonnés en deux mois. “J’avais plus de temps, donc j’ai aussi publié plus de vidéos. Je ne peux pas dire que c’est uniquement dû au confinement”, nuance l’habitant de Rosheim. Ce moment de retour chez soi a également permis aux novices de se lancer. “Je dirais qu’un client sur trois était nouveau”, explique Eric Bertha.

“Je m'en suis rendu compte parce qu’ils venaient avec un jeton pour leur chariot alors que ça fait plus d’un an que les nôtres sont en libre-service.” Claude Barthel a aussi remarqué cette tendance : “On a vu plein de nouveaux jardiniers, des jeunes surtout, des parents. Cela se voyait qu’ils étaient novices car ils étaient décalés par rapport à la saison. À cause des gelées qui étaient encore prévues, ce qu’ils ont planté, ça n’allait pas tenir. Mais c’est difficile de dire à un client de ne pas acheter quand il en a envie. Et ça n’a pas loupé, il a gelé.”

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Didier Helmstetter, affaibli après un accident cardiaque il y a quelques années, explique sur Youtube comment jardiner sans effort. © Didier Helmstetter

De nouveaux adeptes

Matthieu Kieny fait partie de ceux qui ont décidé de plonger leurs mains dans le terreau pour la première fois. Avec sa femme, ils ont emménagé en septembre 2019 dans une maison avec jardin à Eckbolsheim. “Avant, nous vivions en appartement donc c’était compliqué. J’aurais pu essayer sur le balcon mais ça ne m’intéressait pas”, indique-t-il. Maintenant que la place n’est plus un problème pour lui, Matthieu a construit deux carrés potagers. “J’y ai planté des choses basiques, je voulais d’abord voir si j’avais la main verte. On a des tomates, des courgettes, des concombres, des radis et des poivrons. Ah, et aussi deux pommes de terre qui avaient commencé à germer au fond de mon placard”, précise le jeune homme, charmé par ce nouveau passe-temps. “C’est une activité qui détend. Suivre l’évolution de la plante, passer d’une simple graine à un légume, c’est super intéressant”, sourit-il.

Pour lui, le déconfinement ne change rien à cette passion naissante : “Maintenant, la machine est lancée, il ne me reste que de l’entretien, donc je vais continuer. Je vais même essayer de négocier avec ma femme pour agrandir l’espace potager dans le jardin !” Antoine Schwaller est étudiant en biologie à Strasbourg. Il a passé les deux derniers mois confiné au domicile de sa mère à Dabo, en Moselle, et y a commencé un potager. “J’ai eu une sorte de prise de conscience et, avec le temps que j’avais devant moi, c’était l’occasion de me lancer. J’ai retourné la terre, arraché l’herbe et épandu du terreau. Ensuite, j’ai planté les légumes que l’on m’a donnés : salade, courge, potiron et carotte”, raconte le jeune homme de 18 ans.

Problème : le retour dans son logement strasbourgeois approche et aucune solution n’a été trouvée pour l’entretien de ses plantes. Il espère pouvoir continuer à s’en occuper “les week-ends et pendant les vacances” et ajoute vouloir “emporter des pousses pour les replanter dans des pots, même si c’est compliqué de jardiner dans un 10m²”.

Compliqué, peut-être, mais pas impossible. Emma Ha a passé son confinement dans son appartement à Strasbourg. Elle s’est mise à jardiner sur son balcon et y a installé du poireau, du pak-choï, de la coriandre ou encore de la menthe. Même si elle considère que “pour débuter, un potager sur le balcon est amplement suffisant”, elle souligne tout de même quelques défauts à cette activité en intérieur : “La profondeur de la terre est limitée, il faut prêter attention à l’exposition du soleil et on manque vite de place. Il y a donc des plants qui ne prendront pas et d’autres qui ne sont même pas envisageables comme les brocolis, les courgettes ou les haricots qui sont grimpants.” Qu’à cela ne tienne : la jeune femme continuera de jardiner sur son balcon. Pour elle comme pour beaucoup de Français, le jardin pourrait bien devenir une nouvelle destination de choix cet été.

Justine Maurel
Quentin Griebel

Cultiver son bien-être

Entre la peur d’attraper le coronavirus et les incertitudes, le jardinage offre aux habitants du Bas-Rhin un bon moyen de se changer les idées.

Sentir le parfum des roses au détour d’une allée, admirer les glycines en fleurs, se régaler avec le basilic qui pousse sur le balcon… Autant de petits plaisirs qu’offre le jardinage. Et pendant le confinement, les Bas-Rhinois ont eu davantage le temps d’en profiter. “Les gens ont redécouvert leur jardin d’un autre œil”, explique Isabelle Boucq, présidente de la Fédération française jardins, nature et santé, et passionnée d’hortithérapie. “La rencontre avec la nature s’est en quelque sorte intensifiée. Pour beaucoup, le jardinage n’était plus une tâche, mais un plaisir.”

Quoi de plus agréable que de pouvoir passer un moment dans une bulle de verdure, loin des contraintes extérieures ? Pour les époux Riffel, de Reipertswiller, ça a été une véritable bouffée d’air en cette période de restrictions : “Honnêtement, nous, avec notre jardin, on ne ressentait pas spécialement le besoin de sortir. Les restaurants, tout ça, on a pu s’en passer sans problème.” Le contact avec la nature, ne serait-ce que visuel, a aidé de nombreuses personnes à passer le cap du confinement plus facilement. “Le jardinage permet de se replacer dans le temps qui passe, de se reconnecter aux saisons. C’est essentiel parce que la quarantaine nous a fait perdre nos repères”, souligne Isabelle Bouc.

Des vertus relaxantes

Ce lien avec la nature est aussi un excellent moyen d’évacuer le stress. Arroser quotidiennement une plante en pot ou tout un potager, plonger ses mains dans la terre fraîche ou encore arracher les mauvaises herbes a tendance à apaiser.

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Récolter ses propres légumes est bon pour la confiance en soi. © DR

“Le fait d’être dans une tâche, de s’y consacrer pleinement, ça évite de partir dans des pensées anxiogènes”, ajoute Isabelle Boucq. Des bienfaits que nombre de confinés ont découvert en se lançant dans cette activité. Christian Romain, horticulteur à Barr, a remarqué une certaine prise de conscience chez ses clients : “On voit que les gens ont envie de jardiner, ils ont compris que leur bien-être passe par le jardinage. Toucher les plantes, les voir pousser, c’est une satisfaction personnelle.”

Le sentiment du travail accompli, après avoir passé des heures à retourner la terre en plein soleil ou s’être cassé le dos à soulever des pots de fleurs, renforce l’estime de soi. Et un jardinier satisfait ne s’arrête pas en si bon chemin : le succès actuel du jardinage a désormais un bon terreau pour fructifier.

Justine Maurel
Quentin Griebel

 

Les petites mains vertes

Entre deux séances de classe à la maison, certains enfants ont découvert les plaisirs du jardinage. L’occasion pour eux de passer du temps en famille, et d’apprendre en s’amusant.

Un peu de terreau, des billes d’argile, des petits pots en verre, et le tour est joué. Dans son appartement à Strasbourg, Lila Descamps a profité du confinement pour rempoter des capucines et bouturer une plante araignée avec ses filles de 2 et 5 ans. Chaque étape de ces activités est détaillée sur son blog “Les idées du nid” qu’elle alimente régulièrement depuis 2016. “Je n’étais vraiment pas douée en jardinage, mais le fait d'être avec mes enfants me pousse à expérimenter et à apprendre petit à petit”,  raconte-t-elle. Ses filles ont adoré mettre les mains dans la terre une fois par semaine. “Ma grande m’a même dit qu’elle voulait devenir fleuriste !”, ajoute Lila.

Pour le fils d’Adeline Koller aussi, le jardinage est un vrai moment de plaisir. Âgé de 12 ans, Noé a planté des tournesols géants dans son jardin à Bischoffsheim. “Ça lui a redonné le sourire pendant ces deux mois enfermé, indique sa maman. C’était la première fois qu’il jardinait tout seul, il m’a juste demandé si la disposition des fleurs était bonne, et c’était parti.” Aménager un petit coin de verdure est un bon moyen pour les enfants de développer leur créativité, d’apprendre l’autonomie et la patience.

Un plaisir pour toute la famille

C’est aussi pour eux l’occasion de découvrir la faune et la flore. Georges Machejek se souvient encore de sa dernière séance de jardinage avec son petit-fils : “Je tondais le gazon et il a trouvé un insecte rare. Il m’a demandé ‘papy, c’est quoi ça ?’ Je lui ai expliqué que c’était un lucane cerf-volant, un coléoptère. Il m’a répondu ‘il est bizarre ton cerf-volant !’”

Si les enfants aiment jardiner, les parents y trouvent également leur compte. Yasmine Oume, maman de trois garçons et une fille âgés de 5 à 14 ans, apprécie le temps passé avec eux en jardinant chez elle, près de Sarrebourg : “Ça me permet de partager ma passion avec mes enfants, surtout les deux derniers. On se construit des souvenirs ensemble et pour eux c’est du temps en moins devant les écrans.” Harmonie, qui habite à Hochfelden, y voit un tout autre avantage. Avec son fils de 4 ans et demi, elle a planté un gazon fleuri : “Ça donne constamment des fleurs, et Corentin adore m’en offrir. Ça me change des pissenlits trouvés dans la rue !”

Justine Maurel
Quentin Griebel

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Les enfants aussi peuvent prendre du plaisir en jardinant. © 9lnw/Pixabay

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