Un homme brandit une tête décapitée : celle d’Emmanuel Macron. L’œuvre est signée de l’artiste Blow, membre du Kolèktif Awtis Rézistans. Son tableau était visible en janvier dans le cadre d’une exposition en Guadeloupe sur le scandale sanitaire du chlordécone. Ce pesticide hautement toxique, utilisé jusque dans les années 1990, affecte encore aujourd’hui les Antilles. Quoi qu’il en soit, la création a déplu : le Président a annoncé porter plainte ce mercredi 5 février, sans qu’on en connaisse l’exact motif. Sur ses réseaux, l’artiste Blow a réagi en mentionnant, entre autres, le #JeSuisCharlie.
Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, les limites juridiques à la liberté d’expression continuent d’être questionnées. En mars 2023, le journal satirique avait lui-même publié pour sa Une la tête d’Emmanuel Macron venant d’être guillotinée. Le dessin n’avait pas fait l’objet de poursuites. Le curseur de la tolérance a-t-il bougé ?
Une précédente plainte
Si le dépôt de plainte d’un président en exercice n’est pas monnaie courante, ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron saisit la justice. Pendant la pandémie de Covid-19, il avait porté plainte contre Michel-Ange Flori, à l’origine d’affiches le représentant à l’effigie d’Hitler. L’ancien publicitaire avait d’abord été condamné pour injure publique. La Cour de cassation avait annulé cette décision, considérant qu’il n’avait pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression.
Avant Emmanuel Macron, d’autres présidents de la Vème République avaient saisi la justice. Près de 500 fois, pour Charles De Gaulle. Il n’avait par exemple pas supporté une caricature le représentant en vautour griffant des soldats français. C’était en 1963. Depuis, le recours à la justice d’un président de la République est plus rare, mais il existe : Valéry Giscard d’Estaing avait par exemple obtenu la saisie d’un jeu de cartes le caricaturant en personnages historiques. Autre exemple : Nicolas Sarkozy, qui avait porté plainte en 2008 à l’encontre de t-shirts parodiant son patronyme.
Jurisprudence européenne
Une affaire en particulier peut faire jurisprudence à l’échelle européenne, d’après le spécialiste en droit de la presse Philippe Piot. Elle nous ramène en Espagne, en 2007, date à laquelle deux indépendantistes catalans avaient brûlé une photo du roi d’Espagne et de son épouse. Les institutions espagnoles avaient considéré cet acte comme une “injure à la Couronne”. En appel, le tribunal avait conclu que l’acte impliquait une incitation à la violence et ne pouvait être protégé au titre de la liberté d’expression. À l’inverse, la Cour européenne des droits de l’homme a finalement tranché que cela entrait dans ce champ.
Avec cet antécédent, difficile de croire à une condamnation de l’auteur de la peinture exposée en Guadeloupe. Même si on ne peut pas totalement l’exclure. “La jurisprudence n’est pas constante. Elle peut évoluer vers davantage de maintien de l’ordre”, rappelle le docteur en droit. Ce qui n’est pas possible, en tout cas, c’est que l’œuvre soit considérée comme une offense au chef de l’État. Tout simplement car ce délit a été abrogé en 2013.
Élodie Niclass
Édité par François Bertrand
Un seul ennemi : la route. Chaque année, plusieurs amphibiens (crapauds et grenouilles) sont écrasées sous les roues des voitures, en essayant de rejoindre des mares lors de leurs migrations nuptiales. Alors, pour éviter cela, plusieurs bénévoles, soutenus par la Ville de Strasbourg, ont placé des filets autour des routes. Le processus est simple : arrivés devant l'obstacle, les batraciens tombent dans des seaux. Ensuite, les bénévoles, dont Pierre Buchert, les ramassent, les identifient, avant d'aller les déposer près de la mare. Un système ingénieux, qui a déjà permis de sauver des miliers d'amphibiens et de faire le recensement de toute une population.
Gustave Pinard et Paul Ripert
Dans la forêt du Neuhof, Pierre Buchert et des bénévoles s'investissent depuis début février pour aider les crapauds et les grenouilles à traverser les routes. L'objectif : rejoindre en sécurité la mare où ils vont pondre.
Angellina Thieblemont
Édité par Elsa Rancel
Decathlon est au centre d’une affaire très épineuse. Mercredi 5 février, le média d’investigation Disclose a publié une enquête dans laquelle l’équipementier sportif français est accusé d’utiliser dans des conditions inhumaines la main-d’œuvre des Ouïghours, minorité musulmane opprimée en Chine. Impliquée dans les révélations, l’émission “Cash Investigation” de France 2 va consacrer ce jeudi 6 février (21h10) une émission aux controverses qui touchent le groupe Mulliez, maison mère de Decathlon. Voilà ce que l’on sait de l’affaire, quelques heures avant la diffusion du programme.
Dans le cadre de leur enquête, Disclose et Cash Investigation ont eu accès à la liste des sous-traitants de Decathlon. Parmi eux figurerait Qingdao Jifa Group, une entreprise soupçonnée de profiter du travail forcé des Ouïghours dans l’Ouest de la Chine. L’enquête révèle également qu’une partie du coton utilisé pour confectionner le textile vendu par Decathlon serait originaire des champs de la province chinoise du Xinjiang. Depuis cinq ans, des programmes gouvernementaux chinois visent à faire travailler, sous la contrainte, les ethnies musulmanes dans l’industrie et l’agriculture dans la région, au prétexte de la lutte antiterroriste. Entre 2017 et 2020, plus d’un million d’entre eux ont été capturés et enfermés dans des camps par l’armée chinoise, pour le même motif, selon un rapport publié par l’ONU en 2022.
Contacté par les deux médias, Decathlon a confirmé travailler avec le sous-traitant chinois mais a réfuté tout lien avec ses filiales situées au Xinjiang. Basé sur des dizaines de documents internes, des témoignages d’ex-employés et des vidéos d’usines de sous-traitants, le programme de Cash Investigation doit témoigner des coulisses de la stratégie “low-cost” de l’équipementier sportif en Chine, mais aussi au Bangladesh et au Brésil, selon les informations de Libération. En réponse à la polémique, l’entreprise a affirmé son engagement “au quotidien pour garantir l’intégrité et le respect des droits fondamentaux”. L’enseigne française s’est également adressée à ses collaborateurs mercredi. “Nous comprenons que vous puissiez avoir quelques questions”, pouvait-on lire dans Libération, dont la rédaction a pu consulter le mail interne.
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Les accusations portées contre Decathlon ne sont pas inédites. Fin 2023, l’entreprise française était déjà ciblée par un rapport commandé par le groupe socialiste du Parlement européen, pour utilisation du travail forcé des Ouïghours. Parmi les près de 40 enseignes visées par le dossier, d’autres géants du textile apparaissent tels que Zara, Next ou encore Prada. “Une quantité substantielle de vêtements fabriqués par des Ouïghours subissant le travail forcé est introduite dans l’Union européenne sans restriction”, dénonçait le rapport. Début 2024, le Parlement européen a approuvé un ensemble de règles pour faire reculer le phénomène. À partir de 2027, les produits issus du travail forcé qui se trouveront sur le marché européen seront donnés, recyclés ou détruits.
François Bertrand
Edité par Lilou Bourgeois
"Cash Investigation" va diffuser ce jeudi 6 février une enquête à charge contre Decathlon, suspecté d’exploiter des ouvriers de la communauté ouïghoure en Chine. L’entreprise française a démenti.