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Les lieux où les cours de français sont dispensés à la Montagne-Verte. © Stéphanie Ghacibeh et Jade Santerre 

 

                                                                                                                                                                                                                                 

Il est simple de se frayer un chemin jusqu'aux étals du marché : les allées sont vides. Aucune bousculade, pas la moindre file d’attente. Il faut dire qu’il ne reste que six stands et les clients, eux, se comptent sur les doigts d’une main. "Ce serait bien qu’il y ait un ou deux commerçants de plus pour que le marché soit plus diversifié", confie Gaëlle, une marchande de volaille. Non loin de là, l’un des deux maraîchers présents ce jeudi appuie ce constat : "Il n’y a pas de mouvement, il manque une dynamique." Pour un des habitués, "il manque quelque chose, un boulanger par exemple".

Le classement inclut toutefois son lot d'obligations. Bénédicte Mathey précise : "Dès que vous avez un monument historique, vous générez un périmètre réglementé de  500 mètres. Cela provoque souvent des interrogations ou des conflits [entre le voisinage et] les services de l'État." Pas de quoi décourager les deux compères, certains que cette reconnaissance du quartier réjouira ses habitants. Mohamed Zailioui table sur l'absence de terrain constructible aux alentours pour lui éviter des déboires avec les riverains. Il préfère probablement les voir jouer au quinté dans un monument historique.

Le maître des lieux conclut sur un ton plus sérieux : "Dans six ans, si tout se passe bien, j’ai fini de payer l’emprunt. Alors, je mets le paquet pour faire quelque chose de joli !"

Mohamed Zailioui devra toutefois s’armer de patience. Après un premier rendez-vous avec la Drac en mars 2024, le propriétaire doit désormais constituer un dossier justifiant l’intérêt patrimonial de l’édifice. La commission régionale du patrimoine et de l’architecture rendra ensuite plusieurs avis sur l’utilité de poursuivre ou non les démarches. Bénédicte Mathey estime que la durée totale du parcours pourrait prendre quatre à cinq ans. "On est très sollicités sur la région Alsace", justifie-t-elle. Le propriétaire et son ami tempèrent : "On est sur une pente douce. Et si ça ne se fait pas demain, on va continuer à notre rythme."

"On a même pensé à appeler Stéphane Bern" 

Quelques rénovations seront nécessaires pour maximiser les chances de voir l’édifice classé. Les matériaux qui dénaturent l’architecture traditionnelle du bâtiment peuvent freiner le processus. "Les fenêtres en PVC, le carrelage, le plafond…" : autant d’éléments que Mohamed Zailioui souhaite changer pour les rendre plus authentiques.

"On a même pensé à appeler Stéphane Bern, à lui proposer de venir faire un Rapido pour financer les travaux", ironisent-ils.

Un quartier peu valorisé au niveau du patrimoine

Début 2024, le propriétaire entame les démarches avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) du Grand Est, rattachée au ministère de la Culture. C’est cette administration qui instruira la demande de classement. Bénédicte Mathey, chargée de protection des monuments historiques à la Drac, suit le dossier depuis le départ. Un aspect de sa mission consiste à s’assurer que le motif principal de la démarche soit plus patrimonial que fiscal.

Les propriétaires d’un bâtiment classé peuvent en effet bénéficier d’une déduction d’impôts allant jusqu’à 100% des frais engagés pour la rénovation du lieu. À ses yeux, l’histoire du bar est intéressante, d’autant plus qu’il est situé dans un "quartier peu valorisé au niveau du patrimoine".

Accoudé au comptoir, entre la machine à café et les tickets à gratter, Mohamed Zailioui narre l’histoire du lieu. Il rachète le Nid de cigognes en 2016 après le décès de Nicole Teutsch, l’ancienne propriétaire. "Je lui ai rendu pas mal de services, j'ai toujours été là pour elle. Et un jour, elle m’a dit : c’est toi qui va reprendre l’affaire !", se souvient-il.

Un assemblage de colombages en forme de rosaces, des dizaines de fenêtres de tailles hétéroclites, une tourelle unique aux allures de donjon médiéval… Sur les bords de la route de Schirmeck, le bar-PMU Au Nid de cigognes détonne avec les maisons voisines.

Les cours de lecture du Coran et de religion relèvent quant à eux du centre Salam, du même nom que la mosquée située maintenant sur la place d'Ostwald. Ici, toutes ces activités cohabitent. Yannis, 8 ans, enchaîne son cours d’anglais avec le cours de lecture du Coran. Pour une centaine d’euros à l’année, 500 enfants et 90 adultes suivent les formations proposées tous les jours de la semaine, dans les quatre petites salles de cours décorées d'affiches éducatives et de dessins.

Faire lien, renouer avec ses origines 

Malika, résidente du Murhof, se promenait le long des berges quand elle a poussé pour la première fois les portes du centre. L’endroit lui a tout de suite plu. Aujourd’hui elle y enseigne la lecture du Coran et l’arabe aux enfants. Elle confie : "Quand les enfants viennent le soir, ils sont un peu fatigués, mais toujours heureux d’être là." "J’aime bien venir parce qu’on fait les devoirs et quand on a fini on peut faire des jeux de société", indique un garçon âgé de 8 ans gigotant sur sa chaise.

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