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Stephen des Aulnois :

20 avril 2004

Stephen des Aulnois : "Le porno n'a rien inventé !"

Interview – Fondateur et rédacteur en chef du Tag parfait, Stephen des Aulnois a fait de l'univers de la pornographie et de son industrie une spécialité. A tout juste 30 ans, il se fait le porte-parole d'une ...

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Juillet 1924, Etudiants ouvriers chinois à Paris. Premier rang à partir de la gauche : 4ème, Zhou Enlai. Dernier rang, 3ème à droite : Deng Xiaoping.

Des mandarins en Alsace

19 mars 2014

Des mandarins en Alsace

Maintenant, en Chine, environ 100 000 personnes apprennent la langue française. En même temps, plus de 35 000 étudiants chinois font leurs études en France. A Strasbourg, les étudiants chinois seraient au moins ...

Gu Xiaonan et sa femme Wang Jin, à l'intérieur de leur magasin de sac.

Au début, Gu Xiaonan ne pensait pas rester en France. Comme la plupart des étudiants de sa génération, il escomptait retourner en Chine pour servir l’Etat, comme il l’avait promis avant son départ. Cependant, à la fin de ses études, huit ans plus tard, sa pensée a changé. En 1992, il a ses diplômes et sa carte de résident permanent en poche. Son professeur français lui propose alors de rester en France, bien que Gu Xiaonan prépare déjà son retour en Chine pour l’année suivante. En 1993, Gu est de retour à Hangzhou pour visiter sa famille. Il est alors frappé par l'ampleur des changements : « L’économie chinoise a beaucoup évolué durant mes huit années d’études tandis que Strasbourg a seulement ajouté des trams. Mais au début des années 1990, l’économie chinoise n’était pas encore comparable à celle de la France ». C’est pour cette raison qu’il décide de retourner en France, pour bénéficier d’une meilleure qualité de vie. Gu Xiaonan avoue pourtant son regret: « C’était peut être un mauvais choix. Si j’avais su que la Chine se développerait aussi rapidement, je ne serais pas reparti ».

1996 marque un autre tournant dans la vie de Gu Xiaonan. Il choisit d’abandonner l’architecture pour devenir commerçant et ouvre une boutique de sacs. Il semble le regretter maintenant. Ses camarades ont pu saisir des opportunités et beaucoup d'entre eux sont devenus professeurs. « Aujourd'hui en Chine, il y a beaucoup d'étudiants qui sont revenus de l'étranger – on les appelle les « tortues de mer » – ils ne sont plus une exception. Ils ne sont plus une petite élite. » explique Gu Xiaonan. Grâce à internet, les jeunes Chinois sont plus informés et arrivent à faire des choix plus justes, « Je les envie ». Il pense qu'il est trop tard pour lui pour rentrer en Chine et recommencer une nouvelle vie.

Comme Rao Bopeng, il conseille aux étudiants actuels de se concentrer davantage sur leurs études même si leurs conditions matérielles sont plus confortables. Etudier à l’étranger n’a pas pour but de « se couvrir d’or ». C’est une expérience difficile qui doit être préparée psychologiquement et physiquement.

Avant de venir, il n'avait aucune attente particulière envers la France et s'intéressait beaucoup plus aux Etats-Unis : « malheureusement je ne parle pas bien anglais et l'école française n'a pas demandé un très bon niveau de langue pour les étudiants en doctorat de notre spécialité ». Dès son arrivée, à la fin de l'année 2011, il a pourtant été séduit par des différences avec la Chine : le développement du pays, le fait que les produits alimentaires soient de bonne qualité ainsi que par la qualité de l'air. Par contre, il voit aussi très vite les inconvénients : « La vie est trop calme et trop routinière ici, moins dynamique et les possibilités d'avenir sont étroites », continue commente Zhu Wenwu.

Durant l'été 2013, il a fondé une société à responsabilité limitée d'import-export avec la Chine qu'il gère tout seul pendant son temps libre. Cette opportunité lui apporte l'expérience de l'entreprise, car il voudrait se consacrer à l'économie pour sa carrière professionnelle. Ses autres loisirs sont consacrés à des voyages en Europe. Il aime aussi jouer au badminton avec ses amis une fois par semaine.

Zhu Wenwu avoue finalement : « Pour moi, personnellement, je préfère rentrer en Chine. Je pense que la Chine est meilleure que la France. Le marché de la France est trop petit. En plus, les gens ne parlent pas chinois. En tout cas, mes racines sont en Chine. »

 

 

On ne peut pas parler des étudiants chinois sans mentionner Monsieur Dong Jiaqi, l’un des Chinois les plus connus à Strasbourg. Dans son livre, intitulé « Pensées du pays natal sous le Ginko Biloba », inspiré de l’arbre mythique du jardin de la citadelle, il raconte sa vie et celle des chinois expatriés en Alsace.

Sa propre existence l'a conduit à travailler dans la pharmacopée. Son arrivée à Strasbourg a eu lieu le 14 juillet, 1989. Il s'y est marié à une soprano de Guangdong. En 2001, il a créé l'association des Chinois d’Alsace, et depuis son arrivée, il est actif dans l’église protestante chinoise de Strasbourg. Ces différentes fonctions lui ont permis de rencontrer des chinois de tous les milieux. Il en sait long sur l’histoire de chacun, notamment sur celles des étudiants chinois de Strasbourg. 

Q1 : Pourriez-vous nous présenter un peu l'histoire des étudiants chinois de Strasbourg ?

A partir des années 1980, au début de la politique de la réforme et de l'ouverture de la Chine après les dix ans de la révolutions culturelle (1966-1976), les premiers étudiants venus comme Rao Bopeng et Gu Xiaonan, sont envoyés par le gouvernement chinois pour faire des études en doctorat. Cette sélection a eu lieu tous les ans jusqu'à l'année 1995. Quand je suis venu à Strasbourg en 1989, il n'y avait que 80 ou 90 étudiants chinois ici. Ensuite, à partir de 1999, des étudiants financés par leurs parents sont arrivés avec l'aide d'agences intermédiaires. A ce moment-là, le niveau d'étude s'est diversifié : il y a à présent des lycéens, des étudiants en licence, en master et en doctorat. La qualité des étudiants a baissé évidemment.

Q2 : Pourquoi la qualité des étudiants a baissé ?

Aujourd'hui, le niveau de la vie a augmenté en Chine, étudier à l'étranger n'est plus autant difficile. Plus d'étudiants viennent en France, dont une partie n'a pas réussi le gaokao (examen d'entrée à l'Université chinoise).

Q3 : Pourriez-vous nous donner un exemple concret ?

Je me rappelle en 1999, 54 étudiants sont arrivés à Strasbourg. Une agence intermédiaire leur a raconté que ce serait facile de gagner de l'argent en France. Finalement, la majorité de ces personnes sont rentrées en Chine sans diplôme, ni compétence linguistique.

Q4 : Cette situation dure combien de temps ?

La situation a changé ensuite, peut-être les gens se sont rendus compte qu'il vaut mieux que les étudiants sortent du pays durant la phase universitaire. Du coup depuis 2003, la qualité des étudiants remonte.

Q5 : Que pensez vous des anciens étudiants en doctorat?

Les anciens docteurs n'avaient pas besoin de travailler durant leur temps libre, ils avaient le soutien économique du gouvernement chinois. Leurs buts étaient très claires : obtenir le diplôme, bien finir les études, rendre service à l'Etat chinois dans l'avenir. Les étudiants à l'époque formaient une élite.

Q6 : Et les nouveaux étudiants, qu'en pensez-vous ?

Par rapport aux anciens étudiants, les nouveaux ne sont pas aussi studieux, ceux qui n'ont pas assez de moyens, il leur faut travailler en dehors des études pour gagner leurs vies. Cela influence leurs études et, des fois, ils sont obligés de redoubler une ou deux années et même plus.

Mais par contre, c'est toujours une bonne chose de sortir de la Chine et d'ouvrir les yeux. C'est de toute façon une expérience impressionnante pour les jeunes. Il y a aussi beaucoup de bons étudiants, et vu que le nombre total augmente, le nombre de bons étudiants augmentent également. Je suis pour l'augmentation du nombre d'étudiants. En fait la proportion des étudiants chinois reste encore inférieure à celle des pays occidentaux. Je pense que cela favorisera le développement économique et culturel de la Chine, et aussi la communication et la coopération franco-chinoise.

Q7 : Est-ce que vous avez des conseils pour les étudiants chinois qui veulent étudier en France dans l'avenir?

Si tu as décidé d'étudier à l'étranger, précise ton but et ta motivation. Tu viens pour étudier mais pas pour t'amuser. Des étudiants ont gaspillé l'argent de leurs parents et sont rentrés de temps en temps en Chine, ça sert à quoi ? Donc je pense qu'il faut donner la priorité aux études, mais il faut aussi connaître la France, communiquer avec les Français, et c'est comme ça que tu prépares bien ton avenir.

 

 

Imprimeur bien connu de la communauté chinoise, Wang Yong, originaire de la province du Zhejiang, a fait un master en « art visuel » à l'Université de Strasbourg il y a 10 ans. Avec sa femme qui y a étudié l'architecture, ils sont installés dans la capitale européenne depuis 2003. Aujourd’hui, avec leur fille de 7 ans et leur fils de 2 ans, la famille de Wang est installée à demeure en Alsace. « Ma vie est à Strasbourg, j'ai ma vie sociale ici, ma femme et mes enfants, mon travail aussi. Je ne peux plus revenir en Chine », raconte Wang Yong devant le bureau de son entreprise.

Depuis 2000, des étudiants financés par leurs parents sont arrivés en France. Après leurs études à Strasbourg, et plutôt que de repartir en Chine, certains font le choix de débuter leur carrière professionnelle en France. Ils se mettent à leur compte, ou bien travailler pour de grandes firmes chinoises. Après 25 ans de croissance économique à deux chiffres, les entreprises de Shenzhen, Shanghai ou de Beijing s'attaquent désormais aux marchés étrangers. Elles ont besoin de salariés qui maitrisent la langue et la culture de leurs clients.

 

 

La pékinoise Yin Xiaofei (44 ans), est arrivée à Toulouse en 1998 pour suivre un master de marketing. Deux ans après, une fois son diplôme obtenu, elle a souhaité venir à l'Université de Strasbourg afin d'améliorer son niveau de français. En 2003, une société photovoltaïque chinoise originaire de Shenzhen (au sud de la Chine, dans la province du Guangdong) cherchait une responsable en France. Par l’intermédiaire d’une connaissance, Yin a été choisie comme chargée d'affaires de la filiale française de la société. Elle en est devenue la présidente.

Venu de la province du Zhejiang où il a étudié dans l'Université de Zhejiang, une des meilleures universités chinoises. Gu Xiaonan est envoyé en France en 1985 par le gouvernement pour faire son doctorat d’architecture à l’INSA de Lyon, puis de Strasbourg. Après son arrivée, il a tout d’abord été surpris par le faible nombre de pauvres en France et le décalage entre la vision de la propagande et le pays réel qu’il a découvert. Le mode de vie capitaliste ne lui semblait pas aussi néfaste que ce que l’on disait en Chine.

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