Gérante depuis 17 ans d’un restaurant Döner Kebab au Port du Rhin, Satnul* prépare consciencieusement une pâte à pizza. Il est midi, les premiers clients arrivent. Un habitué, puis cinq institutrices de l’école voisine. Personne d’autre ne vient à l’heure du déjeuner ce jour-là. Depuis au moins sept ans, Satnul n’a cessé de voir sa clientèle diminuer.
« C’est un quartier mort », déplore-t-elle. Avant l’ouverture des frontières, le quartier comptait beaucoup plus de commerces en activité, plusieurs hôtels, une brasserie et même un Office du Tourisme. Depuis que les douanes ont fermé, les transporteurs qui autrefois faisaient étape dans les hôtels et les restaurants ne s’arrêtent plus ici.
Pour Satnul, le Port du Rhin souffre d’un manque d’attractivité en raison du faible nombre de commerces de proximité. « Il faudrait une boulangerie, un marchand de glace, une boucherie, un marché… ». Cette commerçante n’a pas le sentiment de bénéficier des évolutions le quartier. Pendant environ trois ans, Satnul recevait à midi entre 20 et 40 personnes. Beaucoup d’ouvriers des chantiers. Mais depuis l’achèvement des travaux, son chiffre d’affaires a chuté d’environ 800 euros par jour à 150 euros, malgré le tramway et les nouvelles habitations. « Tout le monde préfère aller à Kehl. Si c’était moi, je ferais pareil », constate-t-elle.
L’Eurométropole voit les choses autrement. Selon Lassad Essadi, chef de projet Port du Rhin, « il ne faut pas chercher à concurrencer Kehl, mais à lui être complémentaire ». La ville est engagée dans une réflexion pour faire du quartier un lieu de destination et pas juste un endroit de passage. En faire un quartier de Strasbourg comme les autres.
Plus loin, du côté de la route du Rhin, le magasin d’articles de sport et de running Jog’R fait figure de pionnier. Yann Schuler l’a ouvert en avril 2010 : « C’était le premier commerce du coin. A l’époque, il n’y avait pas de trottoir et même pas d’immeubles autour. » Malgré la montée de l’e-commerce et la concurrence, il survit sans site internet et sans avoir développé la vente en ligne. Et son magasin n’a pas souffert du manque d’infrastructures ou de l’absence de dynamique économique.
Marianne Naquet et Konstantin Manenkov