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« Je ne suis pas en Haïti mais c’est comme si le pays était avec moi. C’est comme si c’était un espoir souterrain et une blessure que je porte éternellement. C’est ça qui m’amène au geste de l’écriture », confie Jean D’Amérique sur son pays d’origine, touché pendant l’été 2021 par l’assassinat de son président, Jovenel Moïse, et un tremblement de terre qui a fait plus de 2 000 morts.
L’auteur est invité mercredi 9 septembre au festival Bibliothèques Idéales à Strasbourg, pour présenter son roman Soleil à coudre. Devant une salle presque remplie, il capte avec facilité l’attention de son auditorat grâce à sa voix calme et apaisée. Une heure plus tard, une des spectatrices venues par curiosité, ressort en affirmant : « Lui, c’est un grand. »
D’études contestées à l’écriture
Né en 1994 à Côte-de-Fer en Haïti, il retient surtout de son enfance des expériences sensorielles : « J’ai grandi à la campagne où je n’ai connu que des chants d’oiseau, le vent qui provoque de la musique dans les arbres et le chant de la rivière. »
Jeune adulte, il s’installe à Port-au-Prince où le bruit et la musique sont omniprésents, parfois assourdissants puis commence des études de philosophie. Un choix de vie incompris, qui n’offre « pas beaucoup d’horizons » et qui lui vaudra d’être mis à la porte par sa famille pendant sa première année de fac. « Les étudiants sont souvent au fond des mouvements sociaux donc on me voyait tout de suite finir avec une balle dans la tête face à la police », explique-t-il crument.
Il commence à écrire et décide d’abandonner son cursus pour se consacrer pleinement à un « chemin des mots et des lettres, plein de lumière ». À partir de 2015, il publie plusieurs recueils de poésie dont Petite fleur du ghetto et déménage en Europe, entre Paris et Bruxelles. Il publie en 2020 sa première pièce de théâtre, Cathédrale des cochons.
La littérature comme remède à la violence
Loin de son pays, les événements récents lui rappellent que la violence en Haïti est omniprésente. Dans son roman, il explore cette thématique à travers le personnage de Tête Fêlée, une jeune haïtienne de 12 ans, « la voix d’un pays, d’un peuple ». Les Haïtiens, écrit-il, héritent de la brutalité, présente de « l’espace intime au politique », et sont amenés à la reproduire au cours de leur vie pour survivre. Mais pas question de les juger. Pour ses personnages comme ses congénères, il veut donner à voir tels qu’ils sont, être empathique et leur « rendre une certaine dignité ».
Face à la violence, l’écriture s’est imposée comme une prise de parole, une prise de position semblable à celles de certains rappeurs. Il cite notamment les paroles Tupac Shakur, rappeur américain assassiné en 1996, qui a bercé son enfance. « Je tiens à revendiquer cet héritage-là, clame-t-il. La littérature se passe ailleurs que dans les livres. On pense qu’un écrivain qui écrit des recueils, des livres, des romans ne pourrait pas avoir un rappeur comme ancêtre. Moi, j’ai des rappeurs comme ancêtres. »
Emma Barraux
Le 26 septembre, les Allemands élisent leur nouveau Bundestag et avec cela, le nouveau chancelier ou la nouvelle chancelière. Le parti écologiste allemand Die Grünen se place parmi les favoris, derrière l’Union conservatrice (CDU/CSU) et le Parti socialiste (SPD). Un score envié par leur voisin français, à la peine dans les sondages de l’élection présidentielle.
1. Des Grünen plus ancrés localement
« Les Verts allemands ont beaucoup plus d’impact sur la vie des gens », note Pierre Radanne, président de l’association 4D et spécialiste des mouvements écologistes. Depuis leur arrivée au Bundestag en 1983, les Grünen cultivent leur ancrage dans les villes et les Länder (les régions). Une tendance qui s’accélère ces dernières années : en 2019, 90 communes avaient un maire écologiste, trois fois plus qu’en 2013 (37). Avec comme apothéose, la conquête de Stuttgart, première capitale régionale allemande sous pavillon vert en 2012.
En France, la vague écologiste annoncée à l’issue des élections municipales, représente 36 grandes villes, comme Lyon, Bordeaux et Strasbourg, soit 1,9 millions de Français.
Mais le parti EELV a du mal à mobiliser un électorat en dehors des villes, alors que les « Grünen ont pu influer sur l’ensemble de la société, par le biais des collectivités territoriales », ajoute Pierre Radanne.
2. Une politique plus pragmatique
Les élus Grünen se distinguent par leur tendance à sortir du seul cadre de la défense de l’environnement. Réalistes, ils n’hésitent pas à dialoguer avec les grands patrons industriels du pays. Le conseil économique du parti compte ainsi dans ses rangs Martin Brudermüller, le PDG du laboratoire chimique BASF ou Hagen Pfundner, membre de la Fédération de l'Industrie allemande (BDI).
Les mesures défendues par les candidats à la primaire écolo, centrées sur la décroissance pour Delphine Batho ou sur un impôt des hauts-revenus d’Eric Piolle, apparaît bien éloignée de la conception allemande. Les Grünen proposent eux un plan d’investissement de 50 milliards d'euros pour financer des infrastructures vertes et investir dans les technologies de pointe.
Cette conception écologiste et libérale ne convainc pas les sympathisants verts outre Rhin. « Ils sont moins radicaux en Allemagne. Ils cherchent à trouver l’équilibre, à être dans la croissance », fustige Octave Delepierre, membre des Jeunes écologistes. Mais ce jeune élu salue l’aptitude de ces voisins à faire des consensus avec d’autres partis, alors que les Verts refusent pour le moment de s’allier avec les autres partis de gauche. « Ce serait contre-productif pour les Grünen de refuser une coalition avec la droite », lâche-t-il, réaliste.
3. Des idées écologistes supportées par d’autres partis
Depuis 1961, la majorité absolue au Bundestag n’a jamais été obtenue et un système de coalition s’est installé. Les partis sont donc parfois contraints de soutenir les idées écologistes, s’ils souhaitent obtenir les faveurs des Grünen. Les discussions entre les partis de gouvernement et l’opposition ont permis de « faire pénétrer la pensée écologiste dans la totalité des partis politiques allemands », souligne Pierre Radanne.
Ainsi, le mouvement de la Energiewende (le virage énergétique) a été initié par les socio-démocrates en 2000, en coalition avec les Verts (1998-2005). La SPD, consciente des problématiques environnementales, a lancé un plan de construction d’éoliennes financé en partie par les impôts.
Succédant à la SPD en 2005, Angela Merkel (CDU) entend aussi adopter des mesures écologiques fortes, sans inclure les Grünen dans son gouvernement. À la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011, et après une forte mobilisation citoyenne, elle annonça la fin du nucléaire à l’horizon 2022. Une mesure balayée respectivement par la droite puis la gauche française. Elle est difficile à mettre en place, tant la France est dépendante de l'énergie nucléaire.
Moins de trois semaines avant les élections, les Grünen tablent sur leur participation au gouvernement. Peu importe quel parti l’emporte, la SPD ou la CDU pourraient probablement compter sur la candidate verte Annalena Baerbock et son équipe pour gouverner. « Il pourrait y avoir des consensus majeurs de la CDU s’il y a une coalition », précise le spécialiste des mouvements écologistes.
4. Un manque de reconnaissance des Allemands pour les Verts
Les deux partis frères, en campagne électorale, ne se sont pas mutuellement soutenus. Un jeune membre des Grünen admet ainsi qu’il ne savait pas que les Verts français gouvernaient dans des grandes villes. D’un autre côté, les sympathisants français sont peu au fait de l’importance de leurs confrères allemands: « c’est une belle surprise cette remontée des voix », ajoute Octave Delepiere. Alors que le parti écologiste trône dans le trio de tête des sondages depuis le début de la campagne.
Malgré tout, « les élus allemands et français sont en contact étroit au niveau européen, car ils siègent dans le même groupe au Parlement européen », confirme Paul Maurice, expert des relations franco-allemandes. Une entente bienvenue, dont « les Français devraient peut-être s’inspirer dans leur conquête du pouvoir », conclut Pierre Radanne.
Alina Metz et Félicien Rondel