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Dès juillet 2007, la plateforme d’information européenne a choisi Internet pour recueillir les attentes de la société civile vis-à-vis de la présidence française. Les résultats de cette enquête ont été présentés le 4 décembre, à l’occasion du lancement d’Euractiv France.
Ils étaient 400 au palais de l’Europe de Paris, ce 4 décembre, venus débattre avec Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’état chargé des Affaires européennes, à l'invitation d'Euractiv France. La filiale nationale de la plateforme d'information sur l'Europe, y rendait public le résultat de son expérience: donner corps à la société civile organisée en recourant aux ressources du web.
Objet de ce test, une question : les priorités annoncées pour la présidence française de l’Union sont-elles en phase avec celles de la société civile ?
Si la lutte contre le changement climatique, avec 22 déclarations d’intérêt sur 70 réponses, s'est avérée une priorité commune, c’est la relance de la croissance et de l’emploi, avec 33 propositions, qui figure en tête des préoccupations des organisations qui ont répondu à l'enquête. Un thème que la future présidence française n’a pas choisi d’afficher.
Les relations entre l’UE et le reste du monde, y compris défense et immigration, en haut de liste pour la présidence française, n’ont eu droit qu'a 3 contributions. Des résultats qui semblent montrer que pour la société civile organisée les sujets d'intérêt national, comme le pouvoir d’achat, priment sur les intérêts communs européens.
L’enquête était ouverte aux partenaires sociaux, ONG, think tanks, collectivités territoriales. Parmi dix thèmes mis en avant dans le projet de la présidence française, il leur était demandé de formuler deux attentes, sous forme de textes courts. 46 organismes, du Medef à WWF y ont répondu et formulé 70 propositions. Mis à part le dossier énergétique, toutes les contributions témoignent d'une volonté de se protéger, de ne pas perdre l’avantage.
Si le retour de la France en Europe s’affirme, celui de l’Europe en France se fait à petits pas.
Ratiba Hamzaoui, à Paris
Une école européenne pour Strasbourg
L’école européenne ouvrira ses portes en septembre 2008. Le système est inédit en France. Sous contrôle pédagogique de Bruxelles, 450 élèves pourront y suivre un programme strictement européen et gratuit dans trois langues : français, anglais et allemand. Les enfants issus d’un autre pays de l’Union y disposeront également d'un enseignement de leur langue maternelle. Le cursus ira de la maternelle au baccalauréat européen, un diplôme reconnu par les 27 membres de l’Union.
Ouverte à tous, cette école accueillera en priorité les enfants de fonctionnaires européens, Conseil de l'Europe en tête. Jusqu’à ce jour, ils étaient accueillis à Karslruhe, où se trouve l’école européenne allemande.
Les inscriptions ouvriront dès janvier.
Ratiba Hamzaoui
Elle se découvrent soudain devoir appliquer des normes européennes sur lesquelles personne ne les a consultées. Et la Cour de Justice n'hésite pas à frapper les contrevenants au portefeuille. La mobilisation, pourtant, prend son temps.
Le 21 novembre 2007? Oui, Daniel Hoeffel s'en souvient, il a piqué une grosse colère.
Le maire d’Handschuheim (Bas-Rhin), ancien ministre et ancien sénateur, s’occupe des questions européennes au sein de l’association des maires de France (AMF).
Ce jour-là, à Paris, pour le 90ème congrès des maires, il animait un atelier sur « la participation des communes à la construction européenne, dans la perspective de la présidence française du Conseil européen en 2008 ». Tout un programme... qui n’attire qu’une poignée de participants. Coup de sang. « J'ai été injuste. J’ai sermonné les présents pour les absents,confesse Daniel Hoeffel. Au milieu de la réunion, on a tout de même réussi à être 150 (ndlr : sur environ 5000 congressistes). La prise de conscience des élus français à l’égard de l’Europe progresse, mais elle n’est pas encore à la hauteur des enjeux. »
L'épineux problème des marchés publics
Des enjeux de taille, pourtant. Aujourd’hui, 70% des normes applicables par les collectivités locales découlent du droit européen. La législation imposée par l’Union régit l’organisation et la gestion des services publics locaux. Dernière illustration en date : l’intercommunalité. 90% des communes françaises sont membres d’une communauté de communes ou d’agglomération. Via cet EPCI (établissement public de coopération intercommunale), les villes assument collectivement leurs compétences lourdes : transport scolaire, gestion des déchets, assainissement... Objectif : simplifier la gestion et réduire les coûts.
Or, les communes déléguent directement l’organisation de ces services à l’EPCI, sans passer par un appel d’offre public. Une pratique jugée anticoncurrentielle par Bruxelles. La Commission exige que les relations entre communes et EPCI soient soumises à la logique des marchés publics, au nom de la libre concurrence.
« Impensable », martèle Daniel Hoeffel. Il prend pour exemple sa commune de 300 habitants, membre, avec cinq autres, de l’EPCI d’Ackerland. « Si demain Ackerland n’est plus gestionnaire des bus scolaires ou des stations d’épuration, nous devrons ouvrir ces chantiers à la concurrence. Et recourir, chacun dans son coin, à une multiplicité de prestataires. Cela va considérablement compliquer notre quotidien et nos finances. » Le maire compte sur la présidence française pour clarifier le débat. «Cette présidence va se situer à un moment charnière de la mise au point avec la Commission. »
Autre attente importante des acteurs locaux : les fonds structurels, alloués par Bruxelles dans le cadre de sa politique de cohésion, pour financer le développement des territoires.
« Globalement, explique Daniel Hoeffel, le gâteau des fonds structurels est le même mais doit être partagé avec les nouveaux arrivants dans l’Union. Les critères d’attribution aux anciens Etats membres vont devenir plus sélectifs. Nous voulons peser sur la redéfinition de ces critères. » C’est en partie sous mandature française que vont être réexaminés les moyens et les priorités du budget communautaire. « Du fait des délocalisations et des restructurations, plusieurs de nos régions doivent continuer à recevoir l’aide de l’Europe pour survivre. »
«Le travail de sensibilisation des élus doit être accentué»
« Les Français mettent du temps à voir en l’Europe non plus un mythe lointain mais un acteur de leur vie quotidienne. Les collectivités elles-aussi ont tardé à se rendre compte qu’elles étaient actrices et non plus spectatrices. Le travail de sensibilisation des élus doit être accentué. Il faut de la persévérance », reconnaît Daniel Hoeffel. L’AMF entend jouer un rôle moteur dans la prise de conscience. « 40% des maires changent à chaque élection. Dès le lendemain des municipales, nous allons accélerer l’action vers les nouveaux maires mais aussi remotiver ceux en place. »
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes assure que les collectivités seront étroitement associées à la future présidence française de l’Union. Effet d’annonce? « J’ai confiance, soutient Daniel Hoeffel. Monsieur Jouyet est une personne au fait. Il a vécu à Bruxelles les négociations des fonds structurels, il a l’habitude de rencontrer les acteurs locaux. Ce n’est pas juste un homme politique, c’est un vrai technicien de l’Europe. Il sait qu’on ne peut plus se passer de l’avis des collectivités territoriales.» Les propositions concrètes se font cependant attendre. Seul temps fort connu au programme : des conventions thématiques, organisées à partir de la mi-mars 2008 par Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, dans huit grandes villes de France.
Katleen Marie Bilas, à Strasbourg
Tous les lundis matin, Anne Marquant se rend dans son bureau du Parlement européen à Bruxelles pour assister à la réunion des représentants des parlements nationaux. Elle est l’administrateur du Sénat français à Bruxelles depuis décembre 2005. Avec son homologue de l’Assemblée nationale Frank Baron, nommé en octobre 2007, elle assure les contacts entre les deux chambres parlementaires françaises et celles des autres pays européens. «Tous les représentants des pays membres n’ont pas le même statut. Certains sont engagés pour une période définie, d’autres n’ont pas quitté le poste depuis sa création.»
Pendant la présidence française, les deux postes avancés participeront aux rencontres organisées par le Parlement français avec les parlements des 26 autres États membres et le Parlement européen. Celle de la COSAC qui réunit les commissions parlementaires spécialisées sur les affaires européennes aura lieu à Paris. Elle devrait se tenir en novembre 2008.
Principale mission : envoyer les rapports de l’UE à Paris
Les deux administrateurs du Parlement français travaillent dans des bureaux côte à côte à Bruxelles. Leur principale mission consiste à faire un premier tri entre les dossiers traités à Bruxelles avant d’envoyer les rapports à Paris. «Il ne faut pas inonder le Sénat avec des mails de Bruxelles», prévient Anne Marquant. Quand un parlementaire travaille sur une question et souhaite trouver un interlocuteur, c’est également à eux deux de fixer les entretiens, louer le minibus et réserver le restaurant. En moyenne, ils organisent chacun une mission de parlementaires par semaine à Bruxelles. «La semaine dernière sur le dossier énergie, j’ai organisé quatre groupes de députés français qui sont venus à Bruxelles», explique Frank Baron. Anne Marquant se rend régulièrement à Paris. «J’y suis deux jours par semaine. Il est important de ne pas s’isoler à Bruxelles. Quand je suis à Paris, je me rends compte qu’au Sénat, tout ne tourne pas systématiquement autour de l’Europe.»
Maud Czaja, à Bruxelles
Décrit comme le summum de l’impréparation, la présidence française de 2000 avait abouti à l’épisode du traité de Nice. Consciente qu’une préparation rigoureuse est la garantie d’une présidence réussie, la présidence de 2008 entend se rattraper. Il reste pourtant bien des choses à régler d’ici le mois de juillet.
Une préparation ralentie par les élections françaises
La présidentielle et les législatives ont imposé à la France un calendrier spécifique. «La campagne a considérablement ralenti la préparation», estime un haut fonctionnaire. Les priorités de la présidence n’ont été connues que fin août lors de la conférence des ambassadeurs. Consciente du retard qu’impliquaient des élections en juin 2007, la France avait pourtant réussi à faire décaler sa présidence de six mois. Si le calendrier initial avait été respecté, elle aurait dû présider l’Union européenne à partir de janvier 2008.
L’équipe du site Internet à recruter
Début décembre, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) recrutait l’équipe éditoriale. L’appel d’offres pour la réalisation d’un prototype du site Internet a été émis... en octobre 2006. Prévu en cinq langues, le site sera un outil essentiel de la présidence française. «Nous recherchons entre cinq et dix personnes pour l’équipe éditoriale, y compris le webmestre, le rédacteur en chef et un adjoint», explique Michaël Christophe, du Secrétariat général des affaires européennes. Cependant, rien n’est encore fixé pour le moment. Il se pourrait que de la vidéo y soit aussi intégrée.
1000 fonctionnaires à former...
...Et à sensibiliser aux grands enjeux de la présidence. Le chiffre a été établi par le SGAE dès l’an dernier. Soit 800 fonctionnaires des ministères directement concernés par la présidence française, plus 200 personnes de la Représentation permanente de la France à Bruxelles. Pour les former, une journée de sensibilisation est organisée tous les mois, depuis mars. Elle est axée autour de quatre thèmes: l’enjeu de la présidence, les relations entre Conseil, Parlement et Commission, le rôle du Parlement européen, et les aspects logistiques.
Un logo à choisir
Un appel d’offres a été lancé l’été dernier pour choisir le logo de la présidence française. L’appel d’offres a été doté de 60 000 euros. A partir des résultats arrivés cet automne, Nicolas Sarkozy en personne a opéré une première sélection. Mais on n’en sait pas plus. L’Elysée a demandé à une entreprise d’affiner sa proposition.
Rattrapés par les autres
Dans les couloirs du Quai d’Orsay, on l’avoue volontiers: «Les Suédois en sont au même point que nous dans leur préparation», alors que la Suède présidera le Conseil de l'Union un an après la France. Quant aux Tchèques, qui succéderont à la France, ils ont déjà un slogan («L’Europe sans barrière»). Un message auquel la France a quasiment renoncé. Trop réducteur, craint-on. Si le calendrier des événements organisés par Prague n’est pas officiellement dressé, on sait déjà qu’il y aura 11 conseils des ministres et plus de 140 rencontres informelles.
Un temps de travail amputé
Un des défis pour les Français est de concentrer plus de 150 réunions en quatre mois et demi. En effet, en août, aucune session ne se tient à Strasbourg, et l’activité gouvernementale tourne au ralenti. Quant au mois de décembre, «tout le monde sera uniquement préoccupé par la tenue du Conseil européen», explique Claude Blanchemaison, le secrétaire général de la présidence.
Des lieux à réserver
Dans une note interne diffusée fin novembre, le Secrétariat général de la présidence française de l’Union européenne (SGPFUE) a demandé aux ministères de prendre des options et de réserver dès que possible les centres de conférence, les hôtels, les moyens de transport et les hébergements afférents aux manifestations qu’ils organisent dans le cadre de la présidence. «Pour des raisons d’économie, est-il précisé, le SGPFUE recommande de recourir, dans la mesure du possible, à des bâtiments publics.»
Des structures créées tardivement
En juin, le SGAE s’est doté d’une cellule consacrée à la présidence française. Le SGPFUE a quant à lui été créé au mois de juin. Les deux structures disparaîtront quelques mois après la présidence. Malgré ce retard, «la mobilisation est très forte, explique Michaël Christophe, de la cellule présidence française du SGAE. Nous sommes en ordre de bataille.»
L. B.
C'est la règle, la France assumera le financement des activités liées à sa présidence. 190 millions d’euros ventilés dans le détail. Et des comptes à rendre.
«Ça y est, c’est terminé.» Soulagée, Irina Boulin Ghica. L’auteur du budget de la présidence française en a fini, fin novembre, avec la répartition des 190 millions d’euros alloués par le gouvernement pour financer la présidence.
Elle n’a eu qu’un mois pour ventiler ce pactole entre les postes de dépenses. Il servira à financer les sommets, conférences, rencontres interministérielles, mais aussi les fêtes publiques (voir infographie ci-dessous). Sans parler de l'accueil des chefs d'Etat et de gouvernement, des ministres et de leurs cabinets, des traducteurs, conseillers, techniciens, et journalistes à transporter, loger et nourrir. Lors du sommet européen de Lisbonne de novembre dernier politiques et journalistes représentaient environ 3000 personnes!
Des paramètres qu’Irina Boulin Ghica devait garder en tête lorsqu’elle composait le budget dans l'urgence. Le 20 juin, elle appelle son supérieur direct, Claude Blanchemaison, secrétaire général fraîchement nommé. Mais auprès de lui, aucun bureau n’est disponible. Du coup, difficile d’accéder aux informations, d’autant plus qu’on est en plein été... et qu’elle prépare un budget pour la première fois.
Elle parvient cependant à glâner quelques conseils auprès de la direction financière du Quai d’Orsay. Et rend sa copie dès le 2 août. Mais le 3 septembre, c’est le blocage. Le projet, validé par Matignon et Bercy, est recalé par l’Elysée à quelques jours de l’envoi sous presse des documents.
C'est que la prudence est de mise. Car il y a sept ans, la Cour des comptes a épinglé les comptes de la présidence française, lui reprochant de ne pas avoir centralisé la gestion des dépenses. A l’époque, les dépenses avaient été affectées aux ministères. Seules celles relevant du Quai d’Orsay avaient figuré dans les rapports d'exécution. Cette fois-ci , le secrétariat général centralise tout.
Vingt versions en deux jours
En quarante-huit heures, Irina Boulin Ghica assure avoir dû refaire une vingtaine de versions de son budget. Le 5 septembre: feu vert! et le début une autre étape. Bercy, Beauvau, la chancellerie... tous les ministères sont auditionnés un par un. «Chacun est venu nous présenter ses manifestations, ses conseils informels.» Plus de 150 réunions qui vont du dîner du 14-Juillet organisé à l’Élysée avec les chefs d’État et de gouvernement à la conférence des filières ovines, en passant par des états généraux du plurilinguisme, un colloque sur la biodiversité ou une conférence ministérielle sur les Droits de l’homme.
Chaque audition permet d’affiner le budget, et d’attribuer à chacun une somme rattachée à des événements déterminés. Pas question d’ouvrir un guichet dans lequel chaque ministre pourrait venir piocher au gré de ses projets.
Examen parlementaire
En parallèle, il faut répondre aux questions des parlementaires. Car les critiques fusent. En commission, les sénateurs reprochent au budget d’être trop flou, et trois fois supérieur à celui de la présidence de 2000. «C'est comparer l'incomparable, argumente Irina Boulin-Ghica. Nous sommes passés de 15 à 27 pays, les compétences de l’Union ont augmenté depuis le 11 septembre et enfin il y a eu le passage à l’euro.»
Les parlementaires reprochent également au budget français de dépasser largement celui des autres présidences de l’Union. Irina Boulin Ghica rétorque : «La seule présidence comparable, c’est la présidence allemande. Et eux ont dépensé 180 millions d’euros au niveau fédéral, sans compter les dépenses engagées par chacun des Länder!»
Fin novembre, le défilé des ministères s'achève. «Pour l’instant, c’est bouclé, prévient Irina Boulin-Ghica. Chacun sait ce qu'il peut dépenser. On n’attribue plus d’argent à de nouvelles manifestations. Il y a encore des gens qui viennent nous voir pour organiser des événements. Mais c’est trop tard.» Avant de tempérer : «Des ajustements seront possibles. Exceptionnellement.»
Début décembre, 80% des sommes étaient débloquées. Les 20% restants seront disponibles en avril. En signant sa convention, chaque ministère s’est engagé à faire un point mensuel avec le secrétaire général sur l’avancée des manifestations.
D'ici là, le premier examen parlementaire a finalement été passé avec succès. Le budget de la présidence française, inclus dans la loi de finances pour 2008, a été adopté le 18 décembre par l’Assemblée nationale.
Loup Besmond, à Paris
Programmation, réservations, ventilation. Sans oublier, surtout, la mobilisation des collectivités territoriales et des composantes de la société civile organisée. Dans la panique quotidienne d'une présidence pas si tranquille. Régisseur en chef: Claude Blanchemaison.
Secrétaire général de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, il programme depuis juin toute sa logistique. Un homme occupé.
Il est le régisseur en chef. Claude Blanchemaison est à la tête du secrétariat général pour la présidence française du Conseil de l’Union européenne (SGPFUE). Nommé en Conseil des ministres le 15 juin, il doit planifier toutes les manifestations qui auront lieu en France pendant six mois. Budget: 190 millions d’euros. Moyens humains: 22 personnes.
A lui la tenue de l’agenda des 4 sommets entre UE et pays tiers, comme de chacun des événements qui se dérouleront sur le territoire national: une vingtaine de réunions informelles entre ministres des 27, mais aussi des dizaines d'agitations culturelles, colloques, et autres assises. A chaque fois, il faut envisager la présence d’un ou plusieurs ministres du gouvernement, et ses conséquences en termes d'intendance. «Chaque ministre veut son conseil informel», explique-t-il. Et chaque village veut son ministre.
Partenariats privés-public
Depuis juin, mails, lettres et coups de fil affluent vers son bureau, en provenance de présidents de région, conseillers généraux, députés ou maires de toutes couleurs. Tous veulent le convaincre d’organiser un petit quelque chose chez eux. Mais le vrai casse-tête, ce sont les sommets. «Là, c’est encore plus compliqué. On doit consulter tous les pays tiers et attendre leur accord avant de valider le planning.»
Son équipe tient les cordons de la bourse. et exerce le monopole d'attribution du label «présidence française» à une quarantaine de manifestations publiques, dont certaines organisées par des ONG ou des grandes entreprises. Elle multiplie donc les rencontres avec les chefs d’entreprise pour les sensibiliser aux prestiges de la présidence... et conclure des partenariats financiers. Areva est prête à participer. Pour Accor en revanche, pas question de mettre gratuitement des chambres à disposition.
«Je ne sais pas comment on va faire»
Début décembre, ils étaient 16 à seconder Claude Blanchemaison. A terme, l’équipe devrait compter 22 personnes. Trop peu, comparé au secrétariat général portugais (1) qui emploie plus de 70 permanents? «Pas du tout, se défend Claude Blanchemaison. Ici, c’est un état-major. Nous, on n’a pas vocation à réserver des chambres d’hôtel et des salles pour les conférences. .» Cette tâche subalterne sera déléguée aux ministères.
Les collaborateurs du SGPFUE ont été répartis sur neuf pôles : questions financières, justice et immigration, société civile, éducation et recherche, collectivités territoriales, écologie et développement durable, culture, questions agricoles et questions sociales. Pendant la présidence, ils seront chargés de coordonner les rendez-vous thématiques. Dans l’idéal, ils devraient être présents partout sur le terrain. Difficile à imaginer lorsque l'on jette un oeil sur la programmation: 150 réunions en six mois à Angers, Avignon, Strasbourg, Paris, Annecy, Cannes, Bordeaux, Nice... ou Kourou. «Les Portugais ont sept coordinateurs mais la majorité des réunions se tenaient à Lisbonne», confesse un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères. «Nous, je ne sais pas comment on va faire.»
Deux immeubles éloignés pour une même équipe
Et puis il y a les navettes quotidiennes entre les deux QG parisiens. L’un se situe rue La Pérouse, près de l’Etoile, l’autre rue de Lille, dans le quartier des ministères. Impossible de trouver 22 bureaux dans le même bâtiment à Paris. «Ça a été très difficile. A un moment, j’ai même failli recourir à des locaux privés, comme si je vendais des savonnettes !»
Le secrétaire général se dit serein. «Je ne suis pas un homme pressé. Tout est question d’organisation», assure-t-il. Avant de vous expédier courtoisement: « Pardon, on est un peu pressé ce matin. Ça sort et ça rentre sans cesse dans ce bureau. Un vrai moulin. » Car c’est l’homme d’un instant.
Le SGPFUE disparaîtra trois ou quatre mois après la fin de la présidence française. Le temps de quelques rapports d’exécution et de régler les dernières factures.
Loup Besmont, à Paris
(1) Le Portugal a exercé la présidence de l’Union européenne de juillet à décembre 2007.
Depuis septembre, Paris et Bruxelles ont affirmé de concert la nécessité de poursuivre la réforme de la Politique agricole commune (PAC) afin de préparer l’après-2013. Le désaccord est en revanche flagrant sur le futur, et la place que pourrait alors y tenir la préférence communautaire.
Le 11 septembre, veille du jour où la Commission devait lancer sa consultation sur le bilan de santé de la PAC, Nicolas Sarkozy appelait à Rennes à "une nouvelle ambition pour l'agriculture en France et en Europe". Il y avançait quatre principes fondamentaux pour une PAC renouvelée: assurer l'indépendance et la sécurité alimentaire de l'Europe, contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux, préserver les équilibres des territoires ruraux, participer à la lutte contre les changements climatiques et à l'amélioration de l'environnement.
Il y réclamait notamment un renforcement de la protection communautaire contre "le dumping environnemental, le dumping social, le dumping fiscal, et maintenant le dumping monétaire". Une exigence répétée, depuis, par Michel Barnier , le ministre de l’Agriculture et de la Pêche,.et qui devrait être réaffirmée à l’issue de la deuxième phase des Assises de l’Agriculture, en janvier prochain.
Vigilance à l'OMC
La Commission martèle de son côté qu’elle ne compte pas renforcer la préférence communautaire au sens où l’entendent les Français. Michael Mann, porte-parole de la Commission pour l’agriculture et le développement rural, estime que «l’établissement de barrières protectionnistes, que réclame la France, est contraire aux intérêts des agriculteurs européens, qui pourraient plus difficilement acheter des matières premières et écouler leurs production hors Europe».
Pour Jean-Christophe Legris, délégué adjoint aux affaires agricoles de la représentation permanente de la France à Bruxelles, «la préférence communautaire, qui était à la base de la PAC, est un concept que la Commission a perdu, notamment Peter Mandelson [commissaire au commerce, ndlr], qui ne défend pas assez la souveraineté alimentaire de l’Europe dans les négociations avec l’OMC. La France doit rester vigilante».
En mai 2008, sous présidence slovène, les mesures envisagées par la Commission pour le «bilan de santé» de la PAC, qui préconisent entre autres la suppression des quotas laitiers, donneront lieu aux premières propositions législatives. Elles seront discutées dès le début de la présidence française.
L'ambition est d'aboutir aboutir à une série d'accords politiques sur ces propositions avant la fin décembre.
Roman Bernard, à Bruxelles
La révision à mi-parcours des perspectives financières 2007-2013 sera un des grands enjeux de la Présidence française. Mais elle ne se conclura pas avant 2010.
«Le système de ressources propres de l’Union européenne n’est ni clair ni juste, clame Alain Lamassoure, il encourage les égoïsmes nationaux et son esprit est anti-communautaire». Pour le président de la commission des budgets du Parlement européen «une réforme est nécessaire et urgente». Sylvie Goulard, ancienne conseillère de Romano Prodi à la Commission européenne, abonde dans son sens : «L’Europe en est encore à la préhistoire au niveau budgétaire».
A l’origine basé essentiellement sur les droits de douanes perçus aux frontières extérieures de l’Union, le budget communautaire a dû évoluer et faire de plus en plus appel aux contributions nationales. Aujourd’hui, seulement 15% des recettes sont assurées par les droits de douanes et droits agricoles, le reste des fonds provenant de prélèvements nationaux. D’une part des prélèvements sur le revenu national brut (RNB) à un taux uniforme théorique de 0,73%, et d’autre part, des prélèvements sur la TVA perçue dans les Etats membres. Mais le montant des contributions nationales est constamment l’objet d’âpres négociations. Avec la question sensible du «chèque britannique», rabais obtenu en 1985 par Margaret Thatcher, le système est devenu «très complexe» pour reprendre les mots de Michaël Christophe, adjoint au chef de la cellule de la présidence française de l’Union européenne. «Aujourd’hui, avec ce système, nous avons autour de la table non pas une Madame Thatcher mais vingt-sept» déplore Alain Lamassoure.
En finir avec le «poison du juste retour»
Le réexamen des perspectives financières (2007-2013), qui interviendra au second semestre 2008 sous présidence française, sera l’occasion d’aborder cette délicate question des recettes de l’UE. Si Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il fallait contribuer plus au budget de l’Union, peu d’Etats membres sont au diapason du président français.
Pour Alain Lamassoure, par ailleurs secrétaire national de l’UMP en charge des questions européennes, il faut en premier lieu s’attaquer au mode de financement du budget commun. Et ce, pour deux raisons. Tout d’abord parce que les finances publiques nationales sont en déficit. Aucun gouvernement n’est ainsi prêt à augmenter ses impôts ou son endettement pour financer les politiques communautaires. Ensuite, car le système actuel encourage les calculs égoïstes. Ce que Jacques Le Cacheux, professeur d’économie au Collège des Hautes Etudes Européennes, qualifie de «poison du juste retour». Selon lui, les Etats déterminent leurs contributions au budget en fonction de ce qu’ils peuvent recevoir en retour de l’Union, dans une logique purement comptable.
Pas d’accord global avant 2010
Aujourd’hui, comme l’explique Michaël Christophe, le consensus semble donc acquis autour de la nécessité de réformer le mode de financement du budget européen. Suite à sa consultation publique lancée en septembre, la Commission européenne publiera un rapport en 2008. Côté français, la présidence de l’Union sera l’occasion d’impulser des pistes pour une réforme.
Mais pas question pour Alain Lamassoure de parler d’impôt européen. Il envisage une réforme en deux phases. Dans un premier temps, clarifier le système actuel en revenant à un seul critère d’évaluation des richesses nationales, le PIB, et inviter les Etats à payer la même proportion de leur PIB, sans exception ni rabais. Dans un second temps, il s’agirait de trouver de nouvelles ressources à affecter directement au budget européen et ne transitant pas par les budgets nationaux. Une des options serait de piocher dans des impôts nationaux existants pour transférer tout ou partie de ces impôts au budget européen. Pour le député européen, il pourrait être envisageable de prélever sur les impôts que payent les sociétés. En contrepartie, les contributions nationales disparaîtraient progressivement.
Le débat sera véritablement lancé à partir du mois d’avril lorsque la consultation publique sur le réexamen du budget sera close et que la Commission esquissera ses propositions. Mais le processus de réforme sera long, comme l’explique Alain Lamassoure : «La présidence française devrait être en mesure de lancer le débat politique, mais sur un sujet aussi délicat, il ne faut pas s’attendre à un accord global avant la mise en place du nouveau Parlement et de la nouvelle Commission, donc au plus tôt début 2010, pour une application en 2013».
Fabien Benoit
Les think tanks s'y intéressent
CEPS - son étude «Rethinking the EU Budget: Three Unavoidable Reforms» publiée fin novembre est considérée par beaucoup comme une référence.
CENTER FOR EUROPEAN REFORM - fondé en 1999, basé à Londres. Son programme de travail est orienté vers sept thèmes : l’Euro et les réformes économiques, l’élargissement, la réforme institutionnelle, la politique extérieure et de défense, les relations transatlantiques, l’espace de justice et de sécurité intérieure, et les relations avec la Russie et la Chine.
WILTON PARK - fondé en 1946, siège à West Sussex, Royaume-Uni. Il organise des conférences et des recherches dans les domaines politique, economique, et de securité. Il a été conçu par Winston Churchill il y a 60 ans comme un forum de construction de la démocratie et de réconciliation.