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Elections européennes : la réforme attendra


16 mars 2012

L'ambitieux projet de réforme du scrutin parlementaire européen, instituant circonscriptions et listes transnationales, qui devait être débattu et voté jeudi a été repoussé sine die. La course contre la montre entreprise par le député anglais Andrew Duff (ALDE) pour mener à bien cette réforme et sa transcription au niveau national avant les élections de 2014 reçoit un sérieux coup d'arrêt.

Pour la troisième fois en deux mois, la réforme la procédure électorale européenne, portée par le député britannique Andrew Duff, a disparu cette semaine de l'ordre du jour du Parlement. Sa mesure essentielle : l'introduction de listes paneuropéennes en plus des listes nationales, destinée à briser le monopole des partis nationaux et à favoriser l'essor des partis européens. Pour être applicable en 2014, une proposition de décision devrait être votée au Parlement, puis approuvée par le Conseil européen.  Les pays membres devraient alors modifier leurs lois électorales avant décembre 2013. Un timing serré, donc, sérieusement compromis par la décision de report sine die du vote sur la résolution Duff, qui devait enclencher le processus.

Cette résolution, pourtant adoptée à une très forte majorité par les membres de la commission chargée des affaires constitutionnelles (Afco), n'a pas su trouver un appui suffisamment sûr dans les états majors des groupes politiques pour risquer un passage en plénière. En cause : la division du groupe PPE (Parti populaire européen) et une discipline incertaine des sociaux-démocrates.

Faute de s'adresser à l'hémicycle, Andrew Duff devait défendre son projet jeudi matin lors de la Conférence des présidents de groupes, organe dirigeant du Parlement, et décider avec eux de son devenir. Cet « échange de vues » a, lui aussi, été annulé au dernier moment.

Dans une lettre ouverte adressée mercredi au président du groupe PPE, Joseph Daul, Andrew Duff a fait part de sa « consternation » face à la décision du groupe conservateur de s'opposer à l'instauration de listes transnationales, alors que « la position officielle du PPE au sein de la commission affaires constitutionnelles a toujours été une position de soutien franc et entier. » Le député européen y dénonce à mots couverts les manœuvres politiques à courte visée sur ce sujet sensible politiquement. «Retarder ou obstruer la réforme à ce stade de maturation serait extrêmement dommageable. » conclut-il.

Cette lettre venait couronner une passe d'arme amorcée dès lundi sur Twitter.

[ Plein écran ]

Andrew Duff au Parlement européen, 2011. DR

Outre le conflit de fond sur une avancée vers le fédéralisme, différents points du compromis atteint en commission suscitent la grogne. Les petits pays craignent que les têtes de listes transnationales ne soient monopolisées par les plus gros pays, capables de proposer davantage de figures politiques médiatiques, susceptibles de mobiliser l’électorat à une échelle européenne. Autre point d’accrochage, lors des discussions préliminaires a été évoquée la création de 25 nouveaux sièges parlementaires. Une mesure jugée comme un mauvais signal à envoyer en temps de crise et de restriction budgétaire. Enfin l'hypothèse d'une redistribution des sièges selon une nouvelle formule mathématique, un moment envisagée, a semé l'inquiètude. « Les Etats à population de taille moyenne voyaient, en fonction de cette "formule mathématique", le nombre de leurs représentants au Parlement diminuer. Même si cette répartition des sièges ne fait pas partie du rapport Duff  tel qu'il a été adopté au sein de la commission Afco, les traces qu'ont laissées ces calculs prospectifs sont fortes,» raconte la députée française Constance Le Grip (PPE)

« On pourrait tenter de faire passer le rapport devant le Parlement sans le PPE, avec une majorité Verts/ALDE/S&D, admet Gerald Häfner, rapporteur fictif des Verts/ALE sur le dossier, mais c’est risqué car les sociaux-démocrates sont eux aussi divisés sur la question et pourraient de ne pas voter en groupe. ». Le revirement inattendu du groupe PPE a laissé les membres de la commission perplexes. La situation politique n'étant visiblement pas assez mûre pour amorcer un nouveau pas vers le fédéralisme, le devenir du projet  reste flou. « Le risque maintenant est que la situation s'enlise, poursuit le député allemand, il y a très peu de chance que la réforme soit menée à bien pour les prochaines élections. Le mieux serait peut-être de laisser le rapport de côté et de reprendre ses propositions dans le cadre des transformations constitutionnelles qui seront opérées avec l'adhésion de la Croatie. »

Lorraine Kihl

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