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Editorial: un Parlement à la carte


10 mars 2016

A la lecture de l’ordre du jour de la session plénière de mars 2016 du Parlement européen à Strasbourg, on se rend rapidement compte que l’agenda est très chargé. Au programme : plus de 41 heures de travaux parlementaires dont 33 heures de débats et 6 heures de votes. Le tout étalé sur à peine quatre jours. La plénière est l'un des rares moments où les 751 députés, dont l'essentiel du travail se déroule habituellement à Bruxelles, se retrouvent tous ensemble pour discuter et adopter des résolutions au nom des citoyens européens. Pourtant, à l’ouverture de la session lundi à 17h, l’hémicycle est au trois quart vide.

Une bonne partie des eurodéputés, de leurs assistants et des fonctionnaires de l’institution sont restés bloqués par d'importantes chutes de neige sur le trajet entre Bruxelles et l'Alsace. Ce n’est que dans la soirée que la majorité d’entre eux, valises à la main, arrivent enfin à Strasbourg. Les voitures officielles, taxis et tramways déversent alors un flux incessant d’ « Eurocrates » devant le Parlement. Strasbourg devient alors véritablement pour quelques jours la « capitale de l’Europe ».

Au cours de la session de mars 2016, les députés ont traité pas moins de 30 sujets, aux enjeux particulièrement variées et souvent très techniques, allant de la distribution de fruits et légumes dans les établissements scolaires à la transparence financière des ports.

Dans ces conditions, les eurodéputés choisissent bien souvent d'assister seulement aux débats qu’ils maîtrisent et qui les intéressent le plus. Certains participent pour exprimer la position de leur groupe politique ou de leur commission. D’autres s’y rendent surtout pour défendre des intérêts nationaux, voire locaux. C’est le cas du député irlandais, Sean Kelly (PPE, centre-droit) qui est intervenu tous les jours pour évoquer la situation de sa ville d’origine, Shannon.

Il est d'autant plus difficile pour les parlementaires de prendre part à tous les débats, que l’agenda déjà très rempli de la plénière n’est que la partie visible de l’iceberg. Les députés doivent aussi assister aux réunions des groupes politiques et des commissions spécialisées auxquelles ils appartiennent, participer à des conférences de presse, recevoir des groupes de visiteurs ou encore donner des interviews dans la « vox box », le studio multimédia du service de presse. Pendant la plénière, l'immense bâtiment du Parlement est une véritable fourmilière. Députés, fonctionnaires, journalistes et visiteurs s'activent dans un dédale de couloirs et de salles habituellement désert.  

Dans l’hémicycle, les parlementaires rentrent, s’installent, saluent leurs collègues, s’en vont. Les mouvements d’aller et retour se multiplient et les députés sont souvent rappelés à l’ordre par le président de séance. Au cours du débat sur le thalidomide mercredi soir, quatre députés sociaux-démocrates n'hésitent pas à prendre la pose pour la photo de l’un de leur collègue. Trente minutes plus tard, un député de la GUE (gauche radicale) se plaint à la fin de son discours : « J’aimerais qu’on arrête de discuter au téléphone pendant que je parle. C’est très irrespectueux ! »

Au moment des votes, en revanche, le spectacle est tout autre. Le Président s’adresse à un hémicycle plein comme un oeuf. Devant la complexité des textes, les eurodéputés suivent généralement une position définie par leur groupe politique ou leur commission en réunion ou directement dans l’hémicycle. Les yeux des députés sont rivés sur leurs consignes de vote et les doigts se lèvent et se baissent au rythme des « pour ? contre ? abstention ? ».

Pour avoir le temps de se positionner sur tous les textes prévus, les votes durent en général une heure. Mais c’est déjà trop long pour certains parlementaires. Au cours de la séance de jeudi, un député à droite de l’hémicycle déplore la lenteur des votes et demande à accélérer le rythme pour ne pas rater son train. Dès le début d'après-midi, l'immense majorité des députés, de leurs assistants et des fonctionnaires désertent le Parlement pour rentrer à Bruxelles ou dans leur ville d'origine. Vidée de ses « Eurocrates », Strasbourg redevient alors, jusqu'à la prochaine plénière, une simple capitale régionale française.

Charlotte Lefetey

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