Vous êtes ici

Pour une politique étrangère proactive


12 mars 2015

Le Parlement a adopté aujourd’hui, par 336 voix pour, 145 contre et 64 abstentions, sa résolution annuelle sur la politique étrangère de l'Union. Intervenant dans un moment de tensions aux frontières de l'Est et du Sud, le rapport d’Elmar Brok (PPE, Allemagne) était censé donner lieu à un débat passionné. Mais la déclaration de Jean-Claude Juncker en faveur de la création d’une armée européenne, dont le rapporteur s'est félicité, en a quelque peu détourné l'attention.

Dimanche dernier, le Président de la Commission européenne a déclaré au journal allemand Welt am Sonntag que la création d’une armée européenne permettrait à l’Union d’être prise au sérieux sur la scène internationale et en particulier face à la Russie de Vladimir Poutine.

Cette déclaration a parasité le débat consacré au rapport Brok. Aux deux extrêmes de l'hémicycle, plusieurs députés sont montés au créneau pour l'attaquer. Pour Sabine Lösing (GUE/NGL, Allemagne) une armée européenne « serait en totale contradiction avec nos valeurs et plomberait considérablement notre budget ». James Carver (ELDD, Royaume-Uni) a préféré constater : « Comment pouvez-vous imaginer des Espagnols et des Britanniques combattre sous le même drapeau alors que l’Espagne nous agresse en permanence au sujet de Gibraltar ? ».

Le rapport Brok préconise une grande fermeté envers la Russie, notamment en cas de non-respect des accords de Minsk II. De plus,il exhorte les Etats membres à s’aligner sur cette position, ce qui a ravivé la colère à droite de l'hémicycle. « Ce rapport, c’est celui de l’atlantisme. Nous sommes en train de relancer la Guerre Froide et l’Europe va redevenir le vassal des Etats-Unis » a ainsi lancé Zoltan Balczo (NI, Hongrie). Bill Etheridge (ELDD, Royaume-Uni) a lui rejeté l’idée même de politique étrangère européenne : « L’Europe n’est pas une nation, elle n’a pas a avoir de politique étrangère et encore moins une armée. Ce serait de la folie ».

De son côté, Federica Mogherini a déclaré que « sans politique étrangère commune, les Etats membres ne pourraient pas faire face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés ». La Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité était présente pour soutenir le rapport Brok, dont elle dit entendre se servir pour préparer la réunion du Conseil européen de juin 2015 consacrée à ces questions.

Un rapport pour rattraper le retard de l’Union

En substance, la résolution adoptée par le parlement souhaite une politique étrangère de l'UE plus ambitieuse, crédible et stratégique. Elle préconise tout d’abord une amélioration des méthodes de travail internes et des structures institutionnelles. Notamment une meilleure communication entre les différents services concernés au Conseil et à la Commission et la suppression de doublons jugés « inutiles ».

Outre ces réformes internes, le rapport insiste sur la nécessité d’un élargissement des liens diplomatiques de l’UE. Cela se traduirait par des relations renforcées avec des institutions supra étatiques (ONU, OTAN, Ligue Arabe, etc.) ainsi qu’avec des pays émergeants, et en premier lieu la Chine, l’Inde et le Brésil.

Les députés sont d'avis qu'une politique étrangère « crédible » de l'UE devrait être « appuyée par des capacités de défense adéquates des États membres et une politique de sécurité et de défense commune (PSDC) efficace ».

Ils demandent enfin une augmentation des moyens financiers accordés à la politique étrangère commune. Elle permettrait de lutter plus efficacement contre la cybercriminalité et les trafics internationaux. Ces fonds supplémentaires serviraient également à accroitre l’aide apportée aux pays « en voie de démocratisation ».

 « Ce rapport sort la politique étrangère de l’Europe de la routine dans laquelle elle s’était enfermé » s'est félicité Ioan Mircea Pascu (SD, Roumanie). Jo Leinen (SD, Allemagne) a lui pointé du doigt le retard pris dans ce domaine : « Il y a beaucoup de travail à faire. Rendez-vous compte, on n’a pratiquement pas de relations avec la Chine, qui est un partenaire indispensable aujourd’hui».

Alexandre Rousset

Imprimer la page