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Réagir plus vite aux fraudes à la TVA


07 février 2013

Les fraudes fiscales sont de plus en plus rapides et massives et coûtent cher aux Etats membre. C’est pourquoi le Parlement européen a adopté jeudi un mécanisme pour lutter rapidement contre la fraude à la TVA.

Eviter que ne se reproduise une fraude aussi massive que celle apparue en 2008-2009 sur le marché des quotas d’émission de CO2. C’est l’objectif du Mécanisme de réaction rapide contre la fraude à la TVA, adopté jeudi par le Parlement européen. A l’époque, la fraude dite « Caroussel » avait entraîné la perte de 5 milliards d’euros pour les Etats européens.

Lorsqu'une entreprise achète un produit en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne, elle ne paie pas la TVA dans le pays d'origine mais dans son pays de destination. L’entreprise peut ensuite déduire ce montant de TVA, et donc en être remboursée, conformément au principe selon lequel la TVA ne pèse que sur le consommateur final.

Jusque là, rien d’anormal. Pourtant, ce système de taxation européen original est à la base de nombreuses fraudes. La plus classique consiste, pour une entreprise, à acheter dans un pays de l’UE un produit ou un service hors taxe, et à le revendre dans un autre pays toutes taxes comprises, sans reverser au Trésor la taxe due sur cette vente. Un trafic frauduleux facilité depuis 1993 par la suppression des frontières fiscales et des contrôles douaniers entre les Etats membres de l’UE.

Des fraudes de plus en plus rapides et sophistiquées

En version plus élaborée, elle devient la fraude carrousel. A l’image de celle qui s’est développée en 2008 et 2009 sur le marché des quotas d’émission de CO2, et qui selon Europol, aurait coûté 1,6 milliards d’euros à la France et environ cinq milliards d’euros à l’ensemble des Etats membres.

Les fraudeurs, des entreprises souvent créées pour l’occasion, ont acheté hors taxe des quotas de CO2 dans un Etat membre, et les ont revendus dans un autre Etat membre en facturant la TVA. Ils ont pu recommencer plusieurs fois avant de disparaître sans jamais reverser la TVA. Les administrations fiscales ont ainsi remboursé à chaque tour de carrousel une TVA qui ne leur a pas été reversée. Le stratagème peut se répéter indéfiniment et se compliquer à l’extrême avec l’interposition de multiples sociétés écran entre le premier fournisseur et l’acquéreur final.

Repenser le système fiscal actuel

Sur ce nouveau marché, la fraude a pu prospérer du fait du caractère immatériel des biens échangés et de la vitesse de rotation des quotas, via des transactions uniquement électroniques. Elle a été résolue en 2009 par l’application du système d’autoliquidation à chaque échange de quota. L’autoliquidation permet de taxer directement l’acquéreur, et non pas le vendeur. On élimine ainsi le risque que les sociétés vendeuses collectent la TVA sans la reverser. Mais cette méthode ne peut s’appliquer qu’exceptionnellement, en dérogation au système habituel de TVA et requiert une décision unanime du Conseil.

Or, c’est justement cette dérogation qui est longue et difficile à obtenir pour les Etats membres, alors même que les fraudeurs, eux, utilisent des stratagèmes toujours plus rapides et sophistiqués. C’est pourquoi la Commission a souhaité pouvoir la rendre plus rapidement opérationnelle : c’est l’objectif du « mécanisme de réaction rapide contre la fraude à la TVA », adopté jeudi par le Parlement européen.

Le MRR est en fait un allégement de procédure, qui réduit à un mois (au lieu de huit actuellement) le délai maximal dont dispose le Conseil pour autoriser l'application d' une mesure anti-fraude. Pour y recourir, il faudra prouver l'existence d'une fraude « soudaine et massive » et entraînant « des pertes financières considérables ».

La définition d’une « fraude massive » comme une fraude entraînant des pertes financières d’au moins 0,25 % des recettes TVA mensuelles de l’Etat concerné, trop complexe à établir, n’a pas été retenue. Les députés européens ont cependant souligné que le recours à ce mécanisme devait rester « exceptionnel », dans la mesure où sa mise en œuvre peut représenter des coûts pour les entreprises, y compris les contribuables honnêtes.

Si ce MRR a été largement adopté par les députés européens, nombre d’entre eux jugent cette parade insuffisante et souhaiteraient même une réforme de fond en comble du système de taxation européen. C’est ce à quoi réfléchira le Parlement européen dans un prochain rapport sur une éventuelle harmonisation fiscale au niveau européen.

Gaëlle Henry

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