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La visite de Borrell à Moscou révèle les limites de la diplomatie européenne


12 février 2021

Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, a été sévèrement critiqué par les eurodéputés pour sa récente visite à Moscou, dans le cadre de l’affaire Navalny. La dégradation des relations avec la Russie illustre les difficultés européennes en matière de politique extérieure.

Le climat était électrique, mardi 9 février, au Parlement européen. Le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a fait face aux critiques des eurodéputés sur sa récente visite à Moscou, en pleine affaire Navalny. L’opposant russe a été arrêté le 18 janvier, avant d’être condamné quelques jours plus tard à deux ans et demi de prison. Une condamnation qui a déclenché l’indignation internationale et d’importantes manifestations à travers le pays.

Lors de son déplacement à Moscou, le 5 février, Josep Borell a plaidé pour la libération d’Alexei Navalny. Sans succès. Pire, il a dû faire face à un véritable camouflet diplomatique avec l’expulsion de plusieurs diplomates européens, à peine quelques heures après une conférence de presse commune avec le ministre russe des Affaires étrangères. « Vous avez été humilié, et cela a rejailli sur les eurodéputés et les Etats membres », lui a lancé l’eurodéputé allemand Serguey Lagodinsky (Les Verts/ALE)                                                                                          

Plusieurs parlementaires ont d’ailleurs rappelé avoir fait part à Josep Borrell de leurs réserves sur l’opportunité de la mission dès la semaine dernière. Ce dernier s’est défendu de toute faute : « Cette visite représentait un risque que j’ai décidé de prendre, car cela me permettait de voir de mes propres yeux l’étendu de la situation ».

Une influence diplomatique limitée

Josep Borrell était dans les faits peu armé pour porter une position européenne forte face au Kremlin. « Il est coincé entre les Etats membres, qui limitent sa marge de manœuvre » rappelle Fabien Trepan, enseignant-chercheur à Science Po Grenoble. Certains pays européens entretiennent en effet une position ambiguë face à la Russie, particulièrement l’Allemagne qui s’est engagée dans un partenariat avec elle pour la construction du gazoduc Nordstream 2.

Des voix se sont élevées dans l’hémicycle bruxellois pour reprocher à Berlin de privilégier ses intérêts économiques nationaux à la solidarité diplomatique européenne. Pour l’eurodéputé lituanien Andrius Kibilius (PPE, centre-droit), « des programmes nationaux ayant de telles conséquences sur le plan géopolitique devraient être approuvés par le Parlement avant d’être lancés ».

L’échec de Josep Borrell en Russie constitue pour beaucoup d'eurodéputés un cas d’école des limites actuelles des politiques extérieures européennes. « Le Parlement est toujours à l’écart des enjeux diplomatiques, c’est l’occasion pour lui de revendiquer un poids plus important sur ces questions », explique Fabien Trepan, « c’est au Haut représentant d’impliquer au maximum le Parlement, en s’assurant de son soutien et en maintenant une relation constante avec lui durant une mission diplomatique ». Pour l’heure, Josep Borrell a appelé les parlementaires européens à la cohésion face à la Russie : « notre démocratie est forte car notre unité est plus forte que nos différences ».

Sophie Pouzeratte

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