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Les femmes, grandes perdantes du jeu parlementaire


04 février 2016

Mercredi 3 février au soir, le dernier débat de la journée s'ouvre dans un hémicycle vidé. Trente parlementaires disséminés dans la salle assistent à un débat qu'aucun journaliste ne couvre.

Bert Koenders, le ministre néerlandais des affaires étrangères qui devait participer au débat au nom du Conseil de l'Union européenne (UE), est finalement absent. La commissaire en charge de la question du droit des femmes, Vera Jourova est représentée par Corina Cretu en charge de la politique régionale. La veille, au débat pour une nouvelle stratégie d'égalité homme-femme, la commissaire Jourova s'était déjà faite remplacer par Vytenis Povilas Andriukatis, commissaire lituanien de la santé et de la sécurité alimentaire.

20160204-B femme.jpgLes débats concernant les droits des femmes sont rares au Parlement européen, et force est de constater qu'ils ne sont pas toujours pris au sérieux. Ils mobilisent peu de monde et sont souvent relégués aux dernières heures du jour comme le souligne la député française Constance Le Grip (PPE, centre-droit) « Nous sommes ce soir réunis à une heure tardive, mais nous y sommes habitués quand il s'agit du droit des femmes ». La veille, le débat sur l'égalité homme-femmes avait réuni 26 parlementaires dont quatre hommes. Le harcèlement sexuel aura la chance de faire doubler le nombre d'intervenants (40) et de multiplier par trois les députés masculins qui y prendront part.

Largement dominé par les événements récents de Cologne, où des centaines de femmes ont porté plaintes la même nuit pour agression sexuelle et viol, le débat s'est finalement focalisé sur les migrants et leur intégration, plutôt que sur les droits des femmes.

 

Opportunisme

Pour mettre fin aux violences faites aux femmes, la solution de certains députés est simple : cesser d'accueillir des migrants. Margot Parker, député britannique ECR (conservateur) a ainsi critiqué la politique d'accueil de l'UE : « Nous avons ouvert nos frontières à des criminels et Cologne est le résultat de cette politique ». La député PPE slovaque Anna Zaborska, a elle proposé de durcir la législation concernant les réfugiés, en faisant entrer le viol dans la catégorie de «crimes graves » justifiant le rejet d'une demande d'asile.

Si la majorité des interventions venues de la droite a fait porter la faute du harcèlement sexuel sur les seuls migrants, une grande partie des élus de gauche ont utilisé leur temps de parole pour les défendre.

La britannique Clare Moody du groupe S&D (social-démocrate) a mis en avant l'hypocrisie de certains groupes politiques, habituellement absents sur les questions d'égalité homme-femme: « Deux mois avant Cologne, des centaines de femmes se sont plaintes d'harcèlement sexuel, et personne ne s'en est préoccupé. Ceux qui crient le plus fort aujourd'hui n'ont jamais combattu avec moi pour les droits des femmes ».

L'opportunisme politique s'est exprimé plus clairement à travers l'intervention de Sophie Montel, élue ENF (extrême-droite) qui est restée dans une logique électorale et nationale en oubliant complètement la perspective européenne du débat :« Le FN est le plus féministe des partis de France car on est contre le flux des réfugiés» a-t-elle ainsi déclarée devant l'hémicycle clairsemé.

In fine, peu de propositions s'attaquant réellement aux causes du harcèlement sexuelle ont été avancées. Le débat s'est achevé sur les mêmes conclusions que la veille : il faut que la Commission prenne position dans une nouvelle directive contraignante pour l'égalité homme-femme. Ce que le Parlement réclame depuis février 2014. Et même réponse de la part de la représentante de la Commission : «Nous mettons l'accent sur la législation existante, concernant les droits des victimes. » Une législation européenne qui a cependant aujourd'hui peu d'implications concrêtes puisque seuls onze des vingt-huit Etats membres l'ont pour le moment traduite dans leur droit national.  

Sarah Bos

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