"Je ne buvais pas pour emmerder le monde"
Elle a été plus forte que l'alcool, plus forte que son envie de boire. Léa, 18 années d'abstinence et de sobriété, se souvient comment elle a réussi à arrêter de boire, grâce aux Alcooliques anonymes.
« Quand j'ai commencé, c'est parce que j'aimais ça, cet état second. Je l'ai toujours aimé. » A 13 ans, Léa1 bois déjà de l'alcool. « Il y avait ce besoin d'évasion. Je n'avais pas envie de vivre la réalité. L'obsession d'être tout le temps dans un état second. J'aimais cet état. »
Aujourd'hui, sa voie est claire, ses yeux expressifs, son discours plein de vie. Depuis 18 années, Léa n'a plus touché à une goutte d'alcool. « Le 11 novembre 1994 ça a été le premier jour où j'ai repoussé ce verre, où je n'ai plus eu soif. »
Son alcoolisme, Léa ne l'a pas vaincu du premier coup. En 1992, elle sort de deux ans de cure de désintoxication. C'est son mari qui l'y a poussé. Maman d'une petite fille elle accepte cette solution, pour sortir de cette spirale infernale et retrouver sa « dignité ». « Pour dire à ma fille, je suis ta mère. Etre digne, c'est pour ça que je suis rentrée en cure. » Cette motivation ne suffit pourtant pas. « Dans une bulle, c'est facile d'arrêter. Mais je n'étais pas prête dans ma tête. Quand je suis sortie, les angoisses ont triplé. J'ai rechuté, forcément. Ca n'a pas marché car je ne l'avais pas fait pour moi. »
Sortir de l'enfer
Les années suivantes sont un enfer. Pendant la cure, son mari a emmené sa fille. « Je pensais être forte, les affronter. Mais je n'ai pas pu être revendicative. J'étais pleine de culpabilité. » Elle ne la revoit pas.
« Cet accord honteux et scandaleux va détruire le droit du travail », crache un mégaphone estampillé CGT. « Un régression sociale », assène un délégué FO. « Ils pourront baisser nos salaires », s'indigne un autre. A l'appel de la CGT et de Force Ouvrière, près de 1000 personnes ont défilé mardi matin dans les rues de Strasbourg pour clamer leur refus de l'accord sur la sécurisation de l'emploi. Ils ont aussi moqué la compromission de la CFDT, « coupable » à leurs yeux d'avoir signé l'accord.
Conclu le 11 janvier dernier par les organisations patronales et plusieurs syndicats dont la CFDT, l'accord a depuis été transformé en projet de loi. Celui-ci sera présenté mercredi en Conseil des ministres. Il prévoit de modifier en profondeur le code du travail. Si certaines mesures sont destinées à mieux protéger les salariés, d'autres donneront aux entreprises une plus grande marge de manœuvre pour se restructurer en cas de mauvaises conjonctures.
Principale mesure contestée par les manifestants : la possibilité pour les entreprises confrontées à de « graves difficultés conjoncturelles » de négocier une baisse des salaires ou de la durée de travail de leurs employés. Mais si le salarié refuse ces nouvelles conditions, il s'exposera à un licenciement individuel pour motif économique. Secrétaire départemental de la CGT, Jacky Wagner craint cette évolution. Elle risque de « détourner le licenciement économique de son objet ».
Dans le cortège strasbourgeois, les mots sont durs envers la CFDT et le Parti Socialiste, accusés de céder aux exigences du MEDEF. Le choix du gouvernement de favoriser la flexibilité du marché du travail, réclamé à cor et à cris par le MEDEF, mène à l'impasse, d'après Jacky Wagner.
Le projet de loi qui retranscrit l'acccord sera discuté en procédure d'urgence à l'Assemblée nationale début avril. Puis débattu au sénat fin avril. « Début mai, ce texte sera applicable », promet le ministre du Travail, Michel Sapin. Les syndicats réclament un abandon pur et simple du texte. Mais savent leur lutte « compliquée ». Et certaines voix espèrent que des amendements rendront le texte conforme à leurs attentes.
Rémy Dodet et Etienne Grelet