Nicolas Sarkozy a déclaré le 24 août 2007 lors de la conférence des ambassadeurs que «les réformes engagées en 2005 dans le système des Nations Unies vont dans le bon sens. Ce qui a manqué jusqu’à présent, c’est la volonté politique de les mener à terme.» Et il laisse entendre que les pays émergents auront plus de pouvoir au sein des organisations internationales s'ils acceptent de se conduire comme des pays démocratiques. Un double discours selon Philippe Moreau-Defarges, chercheur spécialisé dans les questions européennes à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Nicolas Sarkozy a expliqué qu’il souhaitait l’élargissement du Conseil de Sécurité de l’ONU pour les membres permanents et pour les membres non-permanents. Les nouveaux membres permanents devraient être l’Allemagne, le Japon, l’Inde et le Brésil. Qu’en pensez-vous ?
Son discours, c’est du vent. Il y a trop de pays occidentaux au Conseil de Sécurité : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France face à la Russie et à la Chine. Pour équilibrer les rapports entre les pays du monde, la France pourrait proposer d’abandonner son siège de membre permanent. Ce qui n’est pas le cas. Donner plus de place aux pays émergents, cela implique que la France accepte de perdre un peu de pouvoir au sein des institutions internationales. Il est clair que Nicolas Sarkozy ne le veut pas.
Quels changements sont envisageables à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ?
Les 27 pays de l’Union disposent d’une voix chacun tandis que la communauté économique européenne a un rôle d’observateur. Comme l’Union a des règles communes pour le commerce international, les 27 Etats membres devraient être rassemblés sous la seule voix de l’Union. Là non plus, la France n’est pas du tout prête à abandonner son siège.
Et en ce qui concerne le Fonds monétaire international (FMI) ?
Le FMI comprend 185 pays membres, chacun a un vote proportionnel à sa participation financière au sein de l’organisation. Il y a deux problèmes majeurs. Premièrement, la Chine est très défavorisée par rapport aux pays occidentaux. Deuxièmement, la zone euro n’est pas membre du FMI, ce qui pose un vrai problème pour négocier. Là aussi, la France ne veut pas céder sa quote-part au profit de la zone euro.
Propos recueillis par Catherine Roussin
Le projet de réforme de la Convention européenne des Droits de l’homme, le Protocole n°14, a été rédigé comme un premier pas indispensable pour résoudre les difficultés de la Cour européenne des droits de l’homme. Grâce à ce texte, «la productivité de la Cour devrait augmenter de 25%», estime Patrick Titiun, le directeur de cabinet du président Jean-Paul Costa. Explication des principales mesures.
Filtrage des requêtes
90% des affaires traitées sont déclarées irrecevables. Pour accelérer leur filtrage, un juge unique pourra rejeter un dossier manifestement dénué de fondement. Le travail de ce juge sera préparé par des équipes de rapporteurs non judiciaires, dont certaines sont déjà en activité depuis deux ans. Des comités de trois juges pourront aussi rendre des arrêts sur les affaires répétitives.
Exécution des arrêts
Quand un Etat refusera d’appliquer un arrêt (cf arrêt Ilascu), le Comité des ministres du Conseil de l’Europe pourra saisir la Grande Chambre de la Cour pour effectuer «une pression politique supplémentaire».
Allongement du mandat des juges
Les 47 juges, élus par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), voient leur mandat passer de 6 à 9 ans mais celui-ci ne sera pas renouvelables, un moyen de préserver leur indépendance.
Ouverture vers l'UE
La porte sera ouverte à une adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, possibilité prévue, côté européen, par le Traité de Lisbonne. Conséquence : un citoyen pourra déposer une requête contre une décision de l’UE.
Pierre Demoux
C’est l’un des arrêts les plus célèbres et les plus contestés de la Cour européenne des droits de l’homme. L’arrêt Ilascu, du nom d’Ilie Ilascu, un dirigeant politique moldavo-roumain qui militait pour l’unification de la Moldavie avec la Roumanie après l’effondrement de l’URSS, a été prononcé en juillet 2004 mais n’a jamais été appliqué par la Russie, l’un des deux Etats mis en cause.
L’affaire
En 1992, Ilascu et trois de ses compagnons sont arrêtés par des soldats russes en Transnistrie, une région séparatiste de Moldavie soutenue par la Russie et alors en pleine guerre civile. Accusés, entre autres, d’activités anti-soviétiques et d’assassinats, ils sont livrés à un tribunal uniquement reconnu par les dirigeants transnistriens. Ilascu est condamné à mort et ses camarades à des peines de prison.
L’arrêt de la Cour
Saisie en 1999, la Cour européenne des Droits de l’homme condamne la Moldavie pour n’avoir pas tenté de faire libérer les quatre hommes car la Transnistrie se trouve, en théorie, sous son autorité. Mais elle condamne aussi la Russie, estimant qu’elle exerçait «une influence décisive» en Transnistrie et «une politique de soutien et de collaboration avec le régime» : «Dès lors, les requérants relèvent de la juridiction de la Russie et la responsabilité de celle-ci est engagée». En clair, la Transnitrie n’étant pas un Etat reconnu, la Cour a condamné la Russie pour son influence auprès du régime transnistrien.
La polémique
Ce verdict a suscité des réserves, même parmi les juges de la Cour, sur la question de la juridiction russe. Si la Russie a participé activement à l’indépendance de fait de la Transnistrie, il est difficile de dire si, à l’énoncé de l’arrêt, ses dirigeants étaient toujours téléguidés par Moscou. Le Kremlin a refusé de faire libérer le «groupe Ilascu», considérant qu’il s’agissait d’un arrêt politique plus que juridique. Malgré une pression régulière, le Conseil de l’Europe n’a jamais pu l’obliger à agir.
Vers une nouvelle affaire Ilascu
Aujourd’hui, les quatre hommes ont été libérés après avoir effectué leurs peines -la condamnation à mort d’Ilie Ilascu avait été commuée en peine de prison- mais ils ont déposé une nouvelle requête pour non-exécution de l’arrêt. La Cour devra trouver une porte de sortie pour conserver la crédibilité du système. En théorie, la Russie pourrait être suspendue, voire exclue du Conseil de l’Europe. Une hypothèse peu probable.
Pierre Demoux
Depuis 2004, l'Union dispose de la majorité au Conseil de l'Europe. L'élection du prochain président de l'assemblée parlementaire va tester la solidarité des 27 face à la Russie.
Le 21 janvier, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) élira son prochain président. Un scrutin décisif pour l'avenir du Conseil de l’Europe puisque le favori désigné est un parlementaire russe. A 43 ans, le sénateur Mikhaïl Margelov est un proche de Vladimir Poutine, avec qui, selon plusieurs voix au sein du Conseil de l’Europe, il partage un passé commun au sein des services secrets. Mais si sa candidature pose problème, c'est moins pour sa personnalité qu'à cause de sa nationalité : la Russie est contestée pour son rapport ambigu à la démocratie et bloque depuis un an une réforme salutaire de la Cour européenne des Droits de l’homme.
Chaque jour, la Cour basée à Strasbourg reçoit des dizaines de lettres, fax et e-mails réclamant une audience. En l’espace de quelques années, les demandes ont explosé : 103 950 requêtes étaient en attente de jugement au 1er décembre 2007. Submergée, l’institution est victime de son succès et de l’adhésion au Conseil de l’Europe (1), dans les années 1990, des anciens pays de l’Est, principaux «fournisseurs» d’atteintes aux Droits de l’homme : à eux seuls, la Russie (23,5%), la Roumanie (11,9%), l’Ukraine (8,4%) et la Pologne (5,7%) représentent la moitié de l’activité de la Cour. Pour éviter que le système ne sombre complètement, la Cour et Conseil de l’Europe -le «tuteur» de la Cour- ont planché sur une refonte des mécanismes. La réflexion a donné naissance, en 2004, à un projet de réforme, le Protocole n°14 (voir ci-dessous). «Il ne résoudra pas tout mais c’est un premier pas indispensable», estime Florence Benoît-Rohmer, présidente de l’Université Robert-Schuman à Strasbourg et responsable de la web-revue «L’Europe des liberté». «Aujourd’hui, la Cour survit. Sans réforme, elle risque de mourir».
Au point mort
En mai 2004, le Protocole 14 a été ouvert à la ratification de chacun des parlements qui composent le Conseil de l’Europe. Tous les Etats l’ont approuvé sauf la Douma, qui a repoussé le texte en décembre 2006, estimant qu’il «ne correspond pas aux principes fondamentaux de la Convention européenne des Droits de l’homme». En réalité, ce refus est apparu comme un moyen de paralyser une Cour accusée par Vladimir Poutine de mener une action politique contre la Russie. Une critique qui revient régulièrement dans les affaires liées à la Tchétchénie et à l’évocation de l’arrêt Ilascu, prononcé en juillet 2004 (voir ci-dessous) mais que la Russie a refusé d’appliquer. Aujourd’hui, malgré des appels réguliers lancés à la Russie par les institutions et les diplomates, l’avenir du Protocole 14 à Moscou est toujours au point mort.
C’est dans ce contexte qu’interviendra l’élection du prochain président de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Un accord entre les partis sur une présidence tournante promet le siège au Groupe des démocrates européens (GDE). Or, le président du GDE et probable candidat à l’élection (2) est donc Mikhail Margelov, le numéro deux de la délégation russe. Soutenue haut et fort par l’actuel président, le Néerlandais René Van der Linden (PPE-DC), la candidature de ce sénateur du parti Russie Unie fait tousser. «La Russie n’a pas appliqué un seul des engagements pris lors de son adhésion au Conseil de l’Europe et en retour, celui-ci est prêt à lui offrir la présidence de l’APCE», critique l’eurodéputé lituanien Vytautas Landsbergis (3), signe que la question parcourt les institutions européennes.
«Si Margelov est élu, il y aura des problèmes. S’il ne l’est pas, ce sera pire»
Margelov possède plusieurs atouts : «Il est polyglotte, assez ouvert et il a une certaine influence au Kremlin», note un observateur russe. Il pourrait ainsi pousser à la ratification du Protocole 14 et favoriser une ouverture démocratique dans son pays. Mais il est russe. Et pour certains, son élection ôterait tout crédit au Conseil de l’Europe. Reste à trouver un candidat assez consensuel pour casser l’équilibre politique de l’assemblée. Le nom du député suisse Dick Marty (Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe), auteur du rapport remarqué sur les activités illégales de la CIA, revient régulièrement, mais il n’a, pour le moment, ni confirmé, ni démenti la rumeur. «S’il se présente, Margelov sera élu car l’accord entre les partis sera majoritairement respecté», parie Bruno Gain, Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe.
Avec 27 délégations -sur 47-, les membres de l’Union européenne auraient pourtant les moyens de le contrer. Seulement, à l’instar du Parlement européen, l’APCE fonctionne sur une dynamique de groupes politiques. Difficile d’édicter une position commune alors qu’au sein même de chaque parti, la question divise. «Si on va au clash avec la Russie, on risque de se retrouver avec une Union européenne bis sans grand intérêt», avance le député français Armand Jung (Groupe socialiste), dont le choix n’est pas encore fait. Car la Russie appartient au groupe des principaux contributeurs au budget de l’institution. Elle est un partenaire indispensable pour l’UE. Le secrétaire d’un parti résume la situation en une formule : «Si Margelov est élu, il y aura des problèmes. Mais s’il ne l’est pas, ce sera pire». Une hypothèse du moindre mal pourrait voir le jour : élire Margelov en janvier et s’il déçoit, ne pas renouveler son mandat pour les deux années suivantes, comme le voudrait l’usage.
Le Conseil de l’Europe regroupe les 47 Etats signataires de la Convention européenne des Droits de l’homme.
(2) Il n’a pas encore déposé sa candidature officielle. Jusqu’à 48 heures avant le vote, un candidat peut se présenter avec l’appui de 10 parlementaires.
(3) The Baltic Times, le 3 décembre 2007.
Pierre-Julien Demoux
à Strasbourg
Les think tanks s'y intéressent
EUR-IFRI - fondé en 2005, basé à Bruxelles. C’est une branche de l’Institut français des relations internationales (Paris). Ce bureau accorde une place importante dans ses travaux à la politique extérieure de l’UE. Tous les mardis, il organise à son siège un débat sur une question à l’agenda de l’Union. Par exemple, dans les semaines à venir, l'un des sujets sera «L’élargissement de l’espace Schengen».
EPC – EUROPEAN POLICY CENTER - fondé en 1996, basé à Bruxelles. Il est dédié principalement à trois domaines : intégration européenne, politiques économiques et l’Europe dans le monde. Il produit des recommandations pour les institutions européennes afin de rendre les politiques plus efficaces.
FRIDE - Fundación para las relaciones internacionales y el diálogo exterior - fondé en 1999, basé à Madrid. Son travail se concentre surtout autour des thématiques suivantes : paix, sécurité, droits de l’homme, promotion de la démocratie, aide humanitaire. Fride, en accord avec avec la Fondation Ortega et Gasset, a créé le centre international pour la paix à Toledo, qui a comme objectif de contribuer à la prévention et à la résolution des conflits dans le monde.
EUROPEAN COUNCIL ON FOREIGN RELATIONS - fondé en octobre 2007, il dispose de 7 antennes à travers l’UE : Paris, Londres, Berlin, Madrid, Rome, Varsovie et Sofia. Promeut une politique étrangère plus intégrée pour l’Europe. Ce groupe a été fondé par un conseil d’anciens et actuels ministres et parlementaires, académiciens, chefs d’entreprises et journalistes. Il est soutenu par la fondation Soros.
Feuille de route 2008
21 JANVIER : élection du président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
23 au 27 JANVIER : réunion annuelle du forum économique mondial à Davos, en Suisse.
28 et 29 MARS : réunion informelle des ministres des Affaires étrangères sous la présidence slovène.
12 et 13 AVRIL : réunion du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale à Washington, aux Etats-Unis.
JUIN : premier sommet de l'Union de la Méditérranéenne.
3 et 4 JUILLET : conférence ministérielle Euromed sur le commerce à Marseille.
7, 8 et 9 JUILLET : G8 au Lac Toya à Hokkaido, au Japon.
5 et 6 SEPTEMBRE : Gymnich en Avignon.
3 et 4 NOVEMBRE : conférence des ministres des Affaires étrangères du partenariat euroméditerranée.
20, 21 et 22 NOVEMBRE : Journées européennes du Développement à Strasbourg.
DECEMBRE : nomination du Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité.
A partir de 2009
1er JANVIER : entrée en vigueur prévue du Traité de Lisbonne et prise de fonction du Haut représentant de l’Union et de son service européen pour l’action extérieure.
Parler d'une seule voix sur la scène internationale. C'est l'objectif majeur en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Pour y parvenir, trois grandes mesures sont prévues par le traité.
Un visage
Un Haut représentant conduira la diplomatie de l'Union européenne dès l'entrée en vigueur du traité (article 18 TUE). Ce ministre des affaires étrangères sans le nom naîtra de la fusion entre le poste de Commissaire aux Relations extérieures de Benita Ferrero-Waldner et celui de l'actuel Haut représentant pour la PESC, occupé par Javier Solana.
Nommé à la majorité qualifiée par le Conseil européen avec l'accord du président de la Commission et l'approbation du Parlement, il représentera l'UE à l'éxtérieur. Il sera à la fois vice-président de la Commission et président du Conseil des Affaires étrangères -qui regroupe les ministres des Affaires étrangères : en clair, il participera à l'élaboration de la PESC, notamment en matière de budget, tout en étant chargé de son exécution. Cependant, son action restera soumise à la règle de l'unanimité pour les principales décisions de politique étrangères.
Un service
Un service européen pour l'action extérieure (SEAE) réunira la plupart des moyens humains et budgétaires aujourd'hui répartis entre la Commission et le Conseil, et sur l'usage desquels le Parlement exerce des pouvoirs différenciés. Des diplomates des Etats membres, dont la proportion n'est pas précisée, viendront le renforcer, à Bruxelles et dans les délégations de l'Union à l'étranger. Ce SEAE sera en quelque sorte le «ministère» du Haut représentant même si, pour le moment, on ignore comment il fonctionnera concrètement (article 27, paragraphe 3 TUE).
Une personnalité juridique
L'UE sera dotée d'une personnalité juridique, ce qui lui permettra d'être membre d'une organisation internationale et de signer des conventions internationales (article 37 et 47 TUE et article 216 TFUE).
Pierre-Julien Demoux
Les 27 se le sont promis, le Traité leur permettra de parler d'une seule voix sur la scène internationale. Mais c'est déjà la cacophonie sur les rapports avec Moscou, le dialogue avec l'Afrique rend sourd et l'élargissement à la Turquie divise. L'Union de la Méditerranée, elle, ne fait vibrer que l'Elysée. Bien du plaisir au futur Haut représentant pour les Affaires étrangères et à son service en gestation. Au Quai d'Orsay, Pierre Ménat marche à pas feutrés.
A l'instigation de Jean-Pierre Jouyet, il a retrouvé le Quai d'Orsay il y a cinq mois.
Définir les positions diplomatiques françaises à Bruxelles ou s'occuper des relations de la France avec les Etats membres et les pays candidats, c'est à nouveau le travail de Pierre Ménat depuis le 20 juillet dernier.
Au ministère des Affaires étrangères, il dirige une équipe de 75 personnes. En ce moment, deux dossiers majeurs de la présidence française de l’Union sont examinés par son service: le futur Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la nouvelle diplomatie européenne. Car si le traité entre en vigueur, le Haut représentant devra immédiatement disposer de son propre «ministère» des Affaires étrangères de l’Union.
Pierre Ménat préfère rester prudent sur ces deux dossiers. «On ne peut pas expliquer comment va s’organiser le nouveau service européen des relations extérieures tant que le traité n’est pas ratifié», dit cet ancien ambassadeur qui a été en poste en Roumanie puis en Pologne. «Imaginez la réaction des Britanniques, s’ils apprenaient que la France prépare la répartition des fonctionnaires dans ce service. Il faut être prudent et faire les choses en douceur. D’abord la ratification, ensuite les actions concrètes», sussure l’énarque en faisant les cent pas. D'ailleurs ce service ne fait que réunir quelques départements existant. Une broutille.
Pas de danger avant 50 ans
C'est comme pour le Haut Représentant: «Chaque Etat membre garde sa propre politique étrangère. Le Haut représentant n’interviendra que sur les quelques positions qui feront consensus parmi les 27. Ce sera davantage une représentation symbolique que réelle.»
Une chose est sûre: les Etats membres conserveront leur ambassade dans les pays de l’Union. «Il faudra probablement une cinquantaine d’années avant que ce service européen pour l'action extérieure ne prenne toute son ampleur.»
Le Quai d'Orsay n'a pas la haute main pas sur tous les dossiers : le projet d’Union méditerranéenne est traité à l’Elysée par Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy.
Pour l'instant, le diplomate va à peine deux ou trois fois par mois à Bruxelles. Il s’y rendra sans doute davantage pendant la présidence française.
Catherine Roussin
à Paris
Présidée par Jean-Claude Mallet, cette commission est composée de 35 membres. Elle a commencé son travail par des auditions publiques d’experts et de responsables politiques français et internationaux. Depuis le 22 novembre, une phase d’entretiens confidentiels s’est enclenchée dans les sept groupes de travail mis en place. L’un d’entre eux, sous la responsabilité de Bruno Racine, président du conseil d’administration de la fondation pour la recherche stratégique, doit faire des propositions afin d’améliorer la coopération entre la France, l’UE et l’OTAN. Ce groupe de travail participe à l’élaboration du volet européen du livre blanc.
Publié en mars
Lorsqu’il sera rendu à Nicolas Sarkozy en mars 2008, plusieurs propositions auront vocation à bâtir des orientations à l’échelle de l’Union. «Il est évident que le travail du livre blanc est aussi fait dans la perspective de la présidence française de l’UE, insiste le colonel de Courrège, rapporteur de la commission. Si nous réussissons à intégrer un maximum de partenaires européens dans nos travaux, on a une chance d’étendre le livre blanc à toute l’Union.»
Le travail de la commission sera donc aussi un ballon d’essai : la présidence française s’inspirera des propositions et des différentes réactions des acteurs européens pour faire avancer le dossier de sécurité et de défense européenne. La période comprise entre la publication du livre blanc, en mars, et le début de la présidence française, en juillet, sera donc essentielle pour préparer celle-ci. Dans cet esprit, Karl von Wogau, président de la sous-commission défense du Parlement européen, souhaite constituer un groupe de réflexion pour accompagner le travail des Français sur ces questions : «Avec des représentants de la Commission, du Conseil, des parlements nationaux et européen, nous examinerons les conclusions du livre blanc français. J’en attends beaucoup.»
Avec plusieurs semaines de retard, Jean-Claude Mallet rencontrera Nicolas Sarkozy lors d’une réunion d’étape en janvier afin de lui faire part de ses premières propositions.
Guillemette Jolain
à Strasbourg
Pierre-Louis Lensel
à Paris
«Lex Paciferat». Que la loi conduise à la paix. Telle est la devise de la force de gendarmerie européenne (FGE) qui est un exemple de coopérations mixtes, civiles et militaires, encouragées par le nouveau traité européen et souhaitées par la France. Elle effectue actuellement sa première mission en Bosnie-Herzégovine. D'ici janvier, près de 130 hommes de cette unité, composée de gendarmes français, espagnols, portugais, italiens et néerlandais, seront déployés en Bosnie, douze ans après la fin de la guerre. Ils auront pour tâche le maintien de l'ordre, la recherche de renseignements et la lutte contre le crime organisé. Dernièrement, la FGE a mis en place l'état-major à Sarajevo.
Pour cette mission, trois pays ont rejoint les cinq membres de la FGE : la gendarmerie militaire polonaise, qui a un statut de partenaire, et les gendarmeries roumaine et turque, candidates au statut d'observateur. La Lituanie a fait une demande officielle en avril 2007 pour obtenir le statut d'observateur au sein de la FGE. Mais pour le moment, aucune décision n'a été prise. Selon le lieutenant-colonel Fabrice Grandi, «la France pourrait éventuellement profiter de la future présidence de l'Union pour mettre en avant le concept de la FGE dont elle est à l'origine. Dans cette éventualité, si ses efforts sont positivement accueillis par les 27, cela pourrait alors se traduire concrètement par un second engagement opérationnel de la FGE en 2008-2009.»
Un atout pour la PESD
La force de gendarmerie européenne, créée en 2004, est née officiellement le 18 octobre 2007 lors de la signature du traité de la FGE par les ministres de la Défense des cinq pays fondateurs. «Cette signature constitue une avancée fondamentale pour doter l'Union européenne d'un instrument conjoint de riposte policière aux scénarios de crise», a déclaré Rui Pereira, le ministre de l'Intérieur portugais. L'atout principal de la FGE : la possibilité de déployer une force de réaction rapide de 800 hommes dans un délai maximum de 30 jours, au profit de l'Union, ou sous mandat de l'Otan, de l'ONU, ou d'une coalition. Initiée par la France, cette structure dispose d'un état-major permanent basé à Vicenza, en Italie. Pour Karl von Wogau, président de la commission défense du Parlement européen, cette force est une initiative très utile. «Dans des situations comme celle en Bosnie, c'est très important qu'il y ait des gendarmes avec une formation policière et militaire. En Allemagne, nous avons une autre tradition, avec une séparation entre la tâche du policier et du soldat.»
Emmanuelle Ferrandini à Paris